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Robert Dumont (Traducteur)
EAN : 9782234023246
150 pages
Stock (13/02/1991)
4.31/5   18 notes
Résumé :
Une écriture bleu pâle Vienne, octobre 1936. Grâce à la fortune et aux relations de sa femme, Léonidas, un homme d'origine modeste, s'est hissé au tout premier rang de la bureaucratie autrichienne. Tout lui sourit quand, soudain, une lettre vient lui rappeler l'existence d'une femme, Véra, qu'il abandonna après une courte aventure survenue peu après son mariage. Dans sa lettre, un peu inquiétante de froideur, Véra lui demande d'intervenir en faveur d'un jeune homme ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
On est en Autriche, à Vienne, en 1936. Arrivé à l'âge de 50 ans, Léonidas, est un homme satisfait, satisfait de son ascension sociale, de son statut de fonctionnaire de l'Etat, en tant que chef de cabinet du ministre de l'Enseignement et des Cultes. Il fréquente et fait partie de l'élite.
De plus, il est beau et séduisant, et il a un talent pour la danse, la valse.

Il avait hérité d'un habit de soirée, neuf, ce qui lui avait permis d'avoir accès à des grands bals au temps du carnaval. Il avait alors rencontré une beauté de 18 ans, Amélie Paradini, qui est tombée follement amoureuse de lui. Elle est la fille d'un riche industriel, alors que Léonidas, lui, à l'origine, n'est que le fils d'un professeur de latin besogneux.
Amélie est devenue sa femme. Elle est plus jeune que lui d'une dizaine d'années. Elle soigne son physique pour conserver sa beauté. Et elle est très jalouse…

Dans la pile de courriers que Léonidas reçoit pour son cinquantième anniversaire, il y a une lettre écrite à la main d'une encre bleu pâle, qui attire son attention… L'écriture sur cette lettre est féminine. Il reconnaît l'écriture de Véra Wormser, une jeune israélite très gracieuse, étudiante en philo, de 9 ans plus jeune que lui, qu'il a connue alors qu'il était déjà marié à Amélie depuis un an… il a connu avec Véra un amour passionné… une bêtise de jeunesse.

La dernière lettre qu'il avait reçu de Véra datait au moins de quinze ans… il ne l'avait alors pas lue, et l'avait déchirée, se disant : « Celui qui ne sait rien n'est pas tenu d'agir. »
Cette nouvelle lettre fait peur à Léonidas. Un sentiment de vide, de faute, de tristesse s'empare de lui, pour se tourner en violente colère contre Véra. En effet, au dos de l'enveloppe, il lit l'adresse qui est notée… Véra est là, à proximité, dans la localité où il passe ses vacances d'été tranquillement avec sa femme Amélie.

Il est complètement décontenancé, il se torture l'esprit… Lui faut-il avouer à sa femme qu'il l'a trompée ? Elle qui est tellement jalouse, comment va-t-elle réagir ? Cette lettre, doit-il ne pas en prendre connaissance et la déchirer comme la fois précédente ?

Non, cette fois il va la lire …
Dans ce courrier, Véra lui demande d'interférer en faveur d'un jeune homme de 18 ans…
Aussitôt Léonidas pense que ce dernier est le fils qu'il a eu avec Véra lors de leur brève liaison amoureuse de jeunesse. Son univers lui semble soudain se craqueler, lui qui nageait jusque-là dans le succès et le confort !
Il va se confesser fictivement devant des juges d'un tribunal, « La Haute Cour », au 3e chapitre…
Et je n'en dirai pas plus… Il y a de nombreux rebondissements et beaucoup d'inattendus dans ce roman qui compte 7 chapitres en tout.
Le suspense reste entier jusqu'au bout du récit !

J'ai trouvé ce court roman très réussi, à tout point de vue.
La construction du récit est joliment maîtrisée. Werfel dévoile peu à peu le passé de Léonidas par une série de retours en arrière, et il nous fait suivre la progression de ses réflexions et de ses tourments.
La description des personnages est remarquable, et l'analyse psychologique qui en est faite, est très fine.
Quant au style, c'est un vrai délice !

Les thèmes abordés sont riches : la misère morale des faibles, la mauvaise conscience et le remords des lâches, les silences de la bourgeoisie viennoise soucieuse de sa tranquillité, travers qui se retrouvent dans les lâchetés de la classe politique qu'impressionne déjà la montée du nazisme chez le grand voisin allemand…
Dans le roman on est en 1936, et bien que l'Anschluss n'ait pas encore eu lieu, les Juifs sont déjà ostracisés.

Franz Werfel (1890-1945) est issu de la bourgeoisie juive-allemande de Prague, poète, romancier et dramaturge, il faisait partie des « success boys » de Vienne fin de siècle avec Arthur Schniztler et Stefan Zweig. Pendant la journée, il retrouvait Max Brod, Kafka, Erwin Kisch au Café Arco de Prague, où « ça brode et werfèle et kafkatte et kitsche » disait une expression à la mode !

Franz Werfel devra fuir avec sa femme, Alma Mahler, devant les troupes allemandes et se réfugier dans le sud de la France, à Sanary-sur-Mer, en 1938. C'est là-même, que dans l'attente d'un visa pour l'Amérique, il écrira cette histoire d'un quinquagénaire marié à une femme riche.

5/5 bien mérités pour ce court roman de grande qualité littéraire que je vous recommande vivement !
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L'histoire racontée dans ce livre se déroule sur une seule journée de la vie de Leonidas, chef de cabinet au ministère de l'Education de l'Autriche d'avant-guerre. D'origine modeste, ce quinquagénaire épousa plusieurs années auparavant la jeune Amélie dont la famille appartient à la grande bourgeoisie de l'époque.
Une journée qui va être pour lui bien différente des autres. Arrive en effet sur son bureau avec le courrier "ordinaire" une lettre écrite à l'encre bleu pâle, dont la rédactrice est Vera, une femme qu'il connut brièvement à Heidelberg par le passé.
Un homme, deux femmes.
Cette lettre d'apparence banale va déclencher chez le héros du livre un retour brutal sur sa vie, et le parcours intérieur qu'il fait pendant cette journée lourde de 1936 va révéler beaucoup sur ce "trio": la grande âme de l'une, l'honnêteté un peu naïve de l'autre, et la médiocrité du troisième, celui qui paradoxalement a réussi.
Un très beau roman intimiste.
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Une écriture bleu pâle de Franz Werfel raconte la journée de la vie bien réglée d'un fonctionnaire autrichien dans les années 30. Une journée comme les autres dont la quiétude est soudain rompue par la réception d'une lettre qui va générer un grand tournant chez Léonidas…

Franz Werfel (1890 – 1945) est un écrivain de langue allemande issue de la bourgeoise juive allemande de Prague, à l'instar de nombreux autres auteurs – comme Max Brod ou Franz Kafka, avec lesquels il était ami. Il vécut avec Alma Mahler, la veuve du compositeur (auquel Seethaler a consacré l'un des romans, le dernier mouvement, chroniqué récemment par Luocine), dont la vie fut à elle-seule un vrai roman. Après l'Anschluss en 1938, il fuit en France, puis traverse les Pyrénées avec Heinrich Mann en 1940 avant de rejoindre les Etats-Unis où il décède en 1945. Parmi ses ouvrages, signalons Les Quarante Jours du Musa Dagh, dans lequel il évoque le génocide arménien.

Passons maintenant à Une écriture bleu pâle. Léonidas vient d'avoir 50 ans. Il est chef de cabinet du Ministre de l'Enseignement et des Cultes. D'extraction modeste, il connut une belle ascension un peu par hasard en faisant une sortie remarquée lors d'une soirée, ce qui le conduisit à épouser l'héritière la plus riche de la ville ; il fait désormais partie des personnages importants d'Autriche et tout semble lui sourire.

Cette vie réglée et autosatisfaite est enrayée par l'arrivée subite d'une lettre dont l'écriture bleu pâle, féminine, cause un grand trouble à Léonidas. Il s'agit de Vera Wormser, ancienne compagne dont il n'a pas eu de nouvelles depuis plus de 15 ans, et avec laquelle il s'était mal comporté. Celle-ci lui demande d'interférer en faveur d'un jeune homme de 18 ans. Rapidement, Léonidas s'imagine que ce dernier est le fils qu'il a eu avec Vera lors de cette liaison passagère. Son univers semble se fissurer, il se confesse devant des juges fictifs… N'en disons pas plus !
Une écriture bleu pâle est un court roman très réussi tout d'abord grâce à l'art de description des personnages, à la fine analyse psychologique qui en est faite, parfois sans concession. Les interrogations de Léonidas, ses lâchetés ont un caractère universel : doit-il choisir la responsabilité au détriment de sa vie confortable ?

Nous sommes également en 1936, et la question juive est d'une grande actualité. L'Anschluss n'a pas encore eu lieu mais on peut voir que les Juifs sont déjà ostracisés.
En raison de la richesse des thèmes abordés et du style vraiment délicieux, c'est un livre que je vous conseille de découvrir !

Lien : https://etsionbouquinait.com..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Depuis le court moment où la lettre de Véra avait complètement transformé son existence, le temps de ce jour d’octobre s’était lui aussi modifié de façon surprenante. Le ciel uniformément couvert ne dévoilait plus, impudique, quelques espaces dégagés ; les nuages d’un blanc vaporeux aux contours précis ne couraient plus au firmament, mais pesaient lourdement, immobiles, couleur de housses sales. Pas de vent. Une atmosphère cotonneuse. Le ronflement des moteurs, les grincements des tramways, le vacarme de la rue, tous ces bruits proches ou lointains parvenaient assourdis, à la fois exagérés et imprécis, comme si l’univers racontait à pleine voix l’histoire de cette journée. Un temps anormalement chaud, un temps traître qui provoque chez les gens d’un certain âge l’appréhension d’une mort subite. De lui on pouvait tout attendre : l’orage, la grêle, une pluie tenace, sinistre, ou un armistice fallacieux avec le soleil. Il détestait ce type de temps qui oppressait sa poitrine et semblait par son ambiguïté correspondre à son propre état d’esprit.
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Le ministre était un petit homme vêtu d’un complet avachi, froissé, qui donnait à penser que son possesseur avait dormi plusieurs nuits sans le quitter. Tout était gris chez ce Spittelberger et semblait étrangement terni par l’usure. Les cheveux coupés en brosse, les joues mal rasées, les lèvres proéminentes, les yeux qui louchaient -on appelait cela une coquetterie -et même une amorce de ventre qui surgissait, inattendue et injustifiée, au bas de la modeste cage thoracique. Originaire d’une des contrées alpestres, il se nommait lui-même toutes les deux phrases un paysan, mais ne l’était en aucune façon, ayant passé sa vie entière dans les grandes villes, dont vingt ans dans la capitale comme professeur puis directeur d’une école professionnelle. Spittelberger donnait l’impression d’un oiseau nocturne. Le pince-nez démodé devant ses yeux tournés vers le ciel ne paraissait pas destiné à aider sa vue. Dès qu’il se fut installé à la table du conseil dans un fauteuil présidentiel, sa grosse tête tomba sur son épaule droite. (..) Telle la marmotte, il faisait des réserves de sommeil en tout lieu et en toute circonstance.
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Nous y voilà ! De nouveau l'orgueil séculaire de ces gens-là, leur complexe révoltant de supériorité. Même quand on les a enfermés dans la cave, ils semblent vous toiser d'en haut, du septième étage.
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De plus ce monsieur s'entend à encaisser des honoraires, et quels honoraires ! Le fait est connu. Deux cents à millr shillings une simple consultation. Il n'a de cœur que pour ses coreligionnaires évidemment, il les soigne gratuitement, particulièrement s'ils se présentent à la visite en caftan.
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Comme tant d’hommes en bonne santé, de belle allure, disons même beaux, qui avaient atteint dans la vie une position élevée, il inclinait à se sentir particulièrement satisfait dans les premières heures de la matinée et à approuver sans réserve le cours tortueux du monde. Un léger étonnement renouvelé chaque jour vous conduisait hors du néant de la nuit dans la pleine conscience de votre propre réussite, une réussite qui méritait vraiment ce nom.
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