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EAN : 9782888921929
224 pages
Xenia Editions (12/03/2015)
4/5   6 notes
Résumé :
Enfin réédité, voici un ouvrage capital pour comprendre notre temps.
L'avant-guerre civile a fait sensation lors de sa sortie en 1998. Avec des années d'avance, il décrivait les conséquences de l effondrement de l URSS. Une fois le grand Ennemi disparu, qu'allait faire le système de pouvoir occidental pour se légitimer? Se reconstruire un ennemi, au besoin dans sa propre basse-cour. L'après-guerre froide aurait pu être la paix. Ce fut l'avant-guerre civile. P... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
L'Avant-Guerre Civile pose les base d'une théorie propre à l'auteur concernant les relations entre politique intérieure et conflits internationaux à fins de contrôle des populations et d'emprise sur les sociétés.

Réédité après 17 ans, cet essai politique fait montre, selon son éditeur, d'une étonnante lucidité. L'ouvrage se divise grosso modo en trois parties. La première pose les bases (les prémices) de la réflexion en présentant les appuis intellectuels classiques que Eric Werner appellera pour analyser les événements de l'époque de rédaction (1998). Parmi elles, Clausewitz et sa théorie sur la Guerre, rédigée suite aux guerres napoléoniennes. Un premier tiers très intéressant, qui fait réfléchir et amène le lecteur à ses propres conclusions, avant même que la transposition à la situation "actuelle" ne soit mise en oeuvre par l'auteur. L'analyse de la désignation de "l'ennemi" permettant de construire une identité communautaire et surtout une solidarité au sein de la société n'est pas nouvelle mais est relativement bien présentée et explicitée. C'est là le principal intérêt de l'ouvrage, mais il atteint très rapidement ses limites. J'y reviendrais.

La deuxième partie se consacre à une application des prémices à la situation européenne, et plus précisément franco-suisse de l'époque de sa rédaction. Y sont analysés les phénomènes de l'immigration, du terrorisme (on est avant le 11 septembre 2001), du communautarisme... Ce deuxième (gros) tiers m'a laissé un arrière-goût très désagréable, de part ce qui y est écrit. Non pas que je rejette en masse les arguments et les conclusions de l'auteur (qualifiées de "pragmatiques"), mais je suis loin d'en partager la pertinence. Penser les phénomènes d'immigration et de montée du communautarisme en termes de conflit, et de causes d'opposition, me semble extrêmement dangereux car un glissement se fait tôt ou tard pour qualifier l'immigré d'ennemi. Or, l'ennemi, on l'ostracise et on le combat pour l'annihiler (soit physiquement, soit intellectuellement en le changeant de façon totale, les deux étant possibles de façon concomitante comme lors de la dénazification post-1945).

La troisième partie, très courte (les 3 derniers chapitres et la conclusion) me semble totalement à part, se consacrant pour l'essentiel à des considérations de l'auteur sur la philosophie (il a été professeur de Philosophie Politique à l'université de Genève). J'ai trouvé cette partie plutôt hors de propos, pas vraiment reliée à ce qui précède. Peut-être est-ce dû à une certaine lassitude, je dois bien le reconnaître.

Lassitude, parce que l'ouvrage d'Eric Werner est construit de manière déroulante, un enchaînement logique se basant sur des prémices desquelles on tire des conséquences qui s'imposent d'elles-mêmes. C'est là une construction intellectuelle typique de la philosophie classique, aristotélicienne. Et effectivement, L'Avant-Guerre Civile est de ce point de vue là très bien construit, ses arguments conduisant à des conclusions logiques, devenant elles-mêmes des arguments pour la suite.

Seulement voilà, le problème de ce genre d'écrit est que les prémices initiales doivent être soigneusement choisies si l'on ne veut pas passer à côté de quelque chose qui peut être essentiel. C'est là, à mes yeux, la principale faiblesse de l'essai d'Eric Werner: les auteurs sur lesquels se base son essai sont issus de la Grèce Antique (Platon, Eschyle...), des Lumières et de ceux qui les ont inspirés (Hobbes, Rousseau, Montaigne...), des guerres napoléoniennes (Clausewitz) ou sont les héritiers des conceptions issues de la première moitié du 20e siècle (Carl Schmitt...). Ces références classiques sont totalement déplacées, car ayant décrit des mécanismes en phase avec leur époque. Pour classiques qu'ils soient, ces textes n'ont aucune pertinence avec une société mondialisée articulée autour de pôles de puissance et où les rapports sont avant tout économiques. Pour faire clair, Eric Werner analyse la société européenne post-moderne avec des outils datés et donc inadaptés. Ses raisonnements n'en sont pas pour autant faux, mais ils sont biaisés.

Eric Werner semble penser les rapports entre sociétés en terme de conflit, à la manière d'un Huntington conceptualisant un choc des civilisation à moindre échelle. Héritée de la conception classique de la Polis grecque (cités états dont la plus célèbre était Athènes), cette vision crée une dichotomie entre l'interne (la société, la cité) et l'externe (l'étranger, le "barbare"). Appliquée à nos jours, cette vision considère l'immigré comme un barbare, sa culture comme une menace, ce qui en fait donc un ennemi de la société. Si cette vision n'est pas erronée et trouve à s'appliquer très simplement dans à peu près tous les Etats du monde, elle est totalement dépassée lorsqu'on considère la société européenne, basée avant tout sur une unification/harmonisation économique et politique. La construction européenne a largement relativisé cette dichotomie entre "intérieur" et "extérieur". La cité "France" côtoie la cité "Allemagne", et toutes deux harmonisent leurs rapports économiques et dans une certaine mesure politique, tout en restant différenciées en conservant leur propre culture, leur propre langue, leur propre conception sociétale. Elles ne sont plus rivales au sens que ce mot pouvait prendre au 19e siècle ou au 20e siècle. Elles sont entrées dans une phase post-moderne, où toutes les conceptions classiques doivent être reléguées au passé, et où il faut repenser totalement les rapports entre sociétés, nations, Etats, populations.

Eric Werner semble penser à travers son essai que les Etats français et suisse (il n'est guère question que d'eux dans son ouvrage) créent les conditions d'une guerre civile tout en faisant en sorte qu'elle ne se déclenche pas. C'est là l'essence de cette théorie de l'Avant-Guerre Civile. L'immigration "non contrôlée" (vieille arlésienne issue des années 1970-1980 qui n'a pas de réalité propre, puisqu'à ce jour, le système de visa, de permis de séjour et de travail n'est pas vidé de sa substance, bien au contraire) devient ainsi une arme des gouvernants contre la population, afin de désigner sinon un ennemi, au moins un bouc émissaire de ses malheurs. En se focalisant sur ce problème, la population ne voit pas le reste, et il se crée une fracture au sein de la société qui permet de mieux gouverner (diviser pour mieux régner) pendant que les populations sont opposées entre elles (elles ne regardent pas les gouvernants). Mais est-ce le cas? Si on considère le prisme déformant des médias de 2015 en pleine période d'arrivées massives à travers la méditerranée, peut-être. Avec l'oeil du lecteur de 1998, certainement pas. Et en tout cas, certainement pas avec si on considère cette réflexion avec le regard du quotidien. Cette conception prête aux gouvernants une intelligence, une capacité d'anticipation. Or, ce n'est pas le cas. Depuis Pompidou (en France), nos gouvernants ne prévoient plus, ils réagissent. le phénomène de l'immigration et ses conséquences (loin d'être aussi graves que semble le penser Eric Werner, même si elles sont importantes) n'est pas prévu, planifié. le laisser-faire n'est pas une preuve d'anticipation par des hommes politiques plus préoccupés par leur maintien au pouvoir que par les idées supérieures que sont la Société ou l'Etat.

Bref, vous l'aurez compris, je ne partage pas l'avis d'Eric Werner, et je pense que sa théorie, même si elle est très intéressante, est beaucoup trop limitée et datée. Son commentaire dans sa préface affirmant que son ouvrage n'avait pas besoin d'une réécriture même 17 ans après sa première publication démontre que l'auteur n'a pas pris la mesure des évolutions de notre société, Française, Suisse ou européenne. S'attachant beaucoup trop aux conceptions clausewitziennes de la Guerre, Eric Werner passe largement à côté (ou en tout cas ne fait que frôler) les évolutions du conflit armé au 21e siècle, pourtant préfigurés par les guerres de la seconde moitié du 20e siècle (Vietnam, décolonisations, Afghanistan 1980...) où les Etats ne s'affrontent plus que par groupes interposés. Eric Werner aurait énormément bénéficié des analyses de Gérard Chaliand, le meilleur analyste européen de l'essence de la Guerre et de ses formes, au lieu de se scléroser sur un théoricien du début du 19e siècle qui n'a même pas achevé son ouvrage (décédant avant, ses notes étant mises en formes par son épouse et ses héritiers). Quant à la vision des sociétés que fournit Eric Werner, elle me semble totalement à côté de la réalité, formée par des auteurs essayistes qui ne semblent pas se baser sur la sociologie, y compris politique, pour formuler leurs concepts.

L'Avant-Guerre Civile est donc un ouvrage qui reste intéressant pour la réflexion qu'il provoque, mais dont les raisonnements et les conclusions semblent trop fragiles car se basant sur des prémices datées et inadaptées. Ses arguments, pour pertinents qu'ils soient en terme de logique, n'en sont pas moins atteints d'une faiblesse mortelle, car faisant appel à des notions incompatibles avec nos sociétés post-modernes fondées sur la volonté de faire fructifier les échanges économiques, l'encadrement par le droit et la bureaucratie, et faisant tout pour éviter que ne se déclenchent à nouveau des conflits armés dans l'espace où elles se sont construites.
Pax Romana, Pax Ecclesia, Pax Europaea semblent être des termes échappant totalement à l'analyse de Eric Werner, de même que les concepts de Paix Perpétuelle pourtant posés par Kant en 1795. Après avoir su faire la guerre, il faut savoir faire la paix... ce que ne semble pas prêt à envisager cette Avant-Guerre Civile".
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"Eric Werner s'est intéressé à certains phénomènes contemporains comme l'immigration extra-européenne de masse, en les interprétant comme le produit d'une volonté politique consciente de la part des dirigeants occidentaux pour (en application de la maxime: diviser pour régner) dissoudre le lien social et le sentiment communautaire existant, au travers d'un redécoupage de la société en groupes hétéroclites, segmentés et rivaux, se neutralisant par là même mutuellement.

Le corps social se verrait ainsi réduit à l'impuissance et dans l'incapacité, en particulier, de résister aux dirigeants, dans leurs efforts pour se soustraire à toute remise en cause de leur pouvoir et de leurs privilèges.

L'accroissement de la criminalité (qu'ils feignent de combattre mais le plus souvent, en réalité, se bornent à réguler, quand ils ne l'encouragent pas activement) et corrélativement du sentiment d'insécurité les aiderait par ailleurs à se relégitimer eux-mêmes aux yeux des populations en endossant un rôle fictif de protecteur, tout en leur servant de prétexte pour étendre indéfiniment le contrôle social (vidéo-surveillance, espionnage électronique, papiers biométriques, etc.), et multiplier les législations répressives et/ou intrusives. le résultat en serait la transformation progressive du régime occidental en une nouvelle espèce de totalitarisme, les formes démocratiques se voyant de plus en plus réduites à un rôle de façade. Ces thèses sont surtout développées dans L'Avant-guerre civile."
Lien : https://fr.wikipedia.org/wik..
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L'essai d'Eric Werner a tout pour choquer les bonnes consciences : il émane d'un penseur libre, qui construit sa théorie indépendamment de la moraline officielle. Quant à la cohérence et à la profondeur de sa doctrine (même si elle ne convainc pas forcément), elle rend impossible tout amalgame "avec Mein kampf", comme je viens de le lire dans une critique. On doit se mettre à son niveau d'argumentation pour le discuter et le réfuter, mais pas recourir à ce genre de procédé facile.
Le grand intérêt de cet ouvrage, c'est que Werner fait systématiquement dialoguer les grands textes philosophiques et l'actualité des années 2000, rendant à la philosophie sa vocation d'éclairer et de rendre le monde compréhensible. Cette lucidité ne peut que lui attirer l'hostilité de tous les penseurs officiels, dont le travail consiste à camoufler la vérité derrière de la morale (anti-fasciste en l'occurrence).
Sa lecture est donc indispensable, d'autant plus que ce livre ne bénéficie pas d'un accueil critique, ni de beaucoup de recensions dans les médias, on voit pourquoi.
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Ayant reçu cet essai dans le cadre de la Masse Critique, j'ai été bien embêté pour le noter...
Cet essai philosophique est bien construit, cohérent et assez simple à appréhender (attention, il faut tout de même un minimum de bagage philosophique: l'auteur fait référence à Hobbes, Nietzsche et au Prince de Machiavel sans aucune explication).
L'auteur, en s'appuyant sur la théorisation de la guerre, nous montre qu'intrinsèquement, les sociétés humaines sont toujours en guerre, que ce soit envers un groupe extérieur ou envers un groupe intérieur, et que les classes dirigeantes ont tout intérêt à préserver une certaine forme de chaos dans la société lorsqu'il n'y a pas de conflit externe, afin d'empêcher la coalition des dirigés et de larver les éventuelles désirs de conflits dirigeants-dirigés qui pourraient aboutir à un renversement des dirigeants.
La démonstration est logique, bien que cela sente le déjà-vu à plein nez.
Là où le bât blesse, c'est que les exemples pris suggèrent que les migrants, et plus précisément les migrants musulmans, sont à l'origine de cette déstabilisation, renforcée par une classe dirigeante qui laisse faire, et que l'Islam est le grand danger de nos sociétés actuelles, qui mènera l'Occident à la guerre civile et/ou la guerre contre l'extérieur. A cela se rajoute des exemples suggérant qu'il n'y a plus d'éducation des jeunes, que la société se perd car il n'y a plus de valeurs traditionnelles, etc. Et pour finir, une couverture sensationnaliste (une voiture qui brule avec un individu en sweat à capuche devant).
Tout ceci m'a mis la puce à l'oreille et sent très fortement les idées d'extrême-droite. Une rapide recherche internet m'indique que l'auteur fait partie d'un courant de pensée suisse qui prône de façon détournée les idées d'extrême-droite.
Du coup, je ne peux m'empêcher de faire le parallèle entre cet essai et Mein Kampf: un écrit d'une logique implacable, difficile à contrer, à première vue, mais humainement non acceptable et dont le raisonnement est faux puisqu'il part d'un pré-supposé (danger d'une "race")

D'où ma note: raisonnement philosophique intéressant, sauf pour les exemples qui sont très orientés afin de défendre l'air de rien une certaine logique politique.

Pour résumer: un essai intéressant, si on a assez de culture et assez de recul pour ne pas se faire embrigader par l'auteur
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
C'est sous cet angle également [politique] qu'il convient d'aborder l'ensemble des problèmes liés à l'insécurité. Montesquieu dit que la peur est le "principe" du despotisme, autrement dit ce qui le "fait agir", ce qui lui permet de fonctionner en tant que système. Or il y a deux manières possibles d'actionner ce levier. Le pouvoir peut faire peur par lui-même (manière directe), mais il peut aussi rester dans la coulisse et en pousser d'autres sur le devant de la scène (manière indirecte). Ce n'est pas ici le pouvoir lui-même qui fait peur (police, justice, etc) mais ceux qu'il pousse sur le devant de la scène pour faire peur à sa place (voyous, délinquants et criminels). Cela étant, le résultat est le même. Peu importe en définitive d'où vient la peur, quelle en est la source et la cause, l'essentiel est que les sociétaires aient peur. Ils ont peur, donc s'isolent les uns des autres, cessent de sortir, mettent une sourdine à leurs revendications. Les rues se vident, l'espace public se délite, chacun se replie sur sa sphère privée, meuble ses soirées en regardant la télévision : quoi de plus favorable à l'exercice de l'autorité ? En laissant les délinquants agir à sa place, le pouvoir fait d'une pierre deux coups. L'ordre se défait, tout est d'ailleurs mis en oeuvre pour qu'il se défasse, mais le désarroi même qui en résulte débouche paradoxalement dans une relégitimation du pouvoir (car le pouvoir apparaît comme l'ultime rempart contre le désordre). Les forces de l'ordre ont pour consigne de laisser faire, c'est-à-dire de ne rien faire qui puisse empêcher l'ordre de se défaire (politique de passivité), mais plus l'ordre se défait, plus nécessairement aussi les sociétaires inclinent à se solidariser avec les forces de l'ordre (qui symbolisent l'ordre en train de se défaire).

p.62 (pour répondre à la question de la passivité de l'état, posée à l'occasion de l'anniversaire du 13 novembre, et à celle de sa brutalité sélective pour d'autres types de protestations).
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En principe les délinquants sont exempts de motivations politiques, mais ce n'est pas le cas partout et toujours. Entre la simple délinquance et le terrorisme, le terrorisme lui-même et la guerre de guérilla, les frontières sont parfois flottantes. Certaines biographies individuelles témoignent d'ailleurs de l'aisance avec laquelle on passe d'une catégorie à une autre (affaire Kelkal).

p. 48-49
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