Six versions, épisode 2, consacré à La tuerie
Macleod. Une jeune femme de vingt ans a massacré à coups de marteau toute sa famille, parents et soeur. Condamnée, internée en hôpital psy, elle n'a jamais contesté les faits.
Matt Wesolowski déroule pour la deuxième fois sa formidable idée narrative autour de ce pseudo fait divers.
Son concept est assez génial : un podcast, retranscrit dans le roman, consacré à des affaires criminelles, donnant la parole à des acteurs directs et indirects. Six personnes, six visions des choses.
Avoir une idée est une chose, savoir bien l'appliquer en est une autre. Sur le papier, pas si évident de jouer cette partition, mais l'auteur anglais démontre le talent nécessaire pour que ce soit une formidable réussite. C'était le cas du premier tome, ça l'est pour celui-ci, encore meilleur, à mon sens.
Le concept :
« Bienvenue à Six Versions, je suis Scott King. Durant six semaines nous reviendrons sur le drame. Six manières de voir les choses, six versions différentes.
Comme toujours, vous serez seuls juges. Vous le savez à présent, je ne suis pas là pour donner mon opinion, mais pour vous permettre de vous en forger une.
Précisons à l'intention des nouveaux auditeurs que je ne suis ni policier, ni expert scientifique, ni profiler. Ma démarche ne consiste pas à mener une contre-enquête ou à dénicher des preuves inédites. Disons plutôt que j'anime un groupe de parole réuni sur une scène de crime. Nous débattons avec ceux qui acceptent de revenir avec nous sur les événements tragiques de leurs vies.
Nous dépoussiérons les tombes. »
C'est peu ou prou de cette façon que débutent les différents épisodes du podcast. Une introduction qui résume parfaitement ce qui attend le lecteur.
Fans d'action, passez votre chemin. Nous sommes ici davantage dans l'introspection, l'analyse psychologique et sociétale, à travers les mots des personnes interviewées.
Un travail pointu et assez bluffant de
Matt Wesolowski, qui arrive à maintenir l'attention du lecteur sans aucune baisse de régime, et à créer peu à peu une atmosphère angoissante. Avec un twist au cours de ces podcasts qui fera déraper la belle machinerie imaginée par son animateur Scott King. Pour arriver à un final surprenant, digne des meilleurs thrillers.
Il faut effectivement du talent et de la maîtrise pour maintenir la tension / l'attention durant 350 pages d'échanges et de dialogues, entrecoupés d'étranges retranscriptions audio de la meurtrière. Surtout que personne ne met en doute sa culpabilité.
Mais l'intérêt est ailleurs, dans cette approche pour comprendre comment elle a pu en arriver à une telle horreur, et pourquoi son sort déchaîne les passions et aigreurs sur les réseaux sociaux.
En terme de psychologie, c'est admirable. A creuser les personnalités et les événements, les interactions et ce qui en découle. A comprendre et non juger, et décrypter des mécanismes mentaux et de manipulation.
Comme le premier épisode, une des questions centrales concerne les adolescents et leur mal-être. de l'enfermement sur soi, accentué par un environnement familial où rien n'est fait pour écouter, seulement rabaisser. Par les dangers d'internet aussi.
L'auteur fait également interagir ses personnages autour des légendes urbaines, souvent en provenance des pays asiatiques. Ambiance The ring, bien flippante. Et puis il est également question des trolls sur internet, d'une manière surprenante et questionnante.
Cette approche narrative hybride fonctionne à plein, fouillée, intelligemment construite, pertinente dans l'analyse, prenante dans son évolution, dérangeante aussi.
Six versions, La tuerie
Macleod est un véritable tour de force littéraire, original, bien loin de l'uniformité ambiante. Avec l'aspect psychologique poussé dans ses retranchements et une vision sociétale très intéressante. le tout couplé à une ambiance fascinante et anxiogène. Décidément,
Matt Wesolowski a un sacré don pour raconter des histoires à sa manière, singulière. Pari osé et réussi !
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