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Critique de horline


1938 est la dernière année de paix avant la guerre. Tout le monde continue de s'amuser et d'écouter du jazz dans les clubs mais l'insouciance et le calme affichés n'est qu'une illusion, un mirage pour Claes Thune. Avocat finnois installé à Helsinki, Claes dit Cothurne doit se débattre avec un divorce à venir et une inquiétude grandissante face à l'admiration pour Hitler de certains de ses amis d'enfance et de sa famille. Crise existentielle, crise familiale, glissements politiques inquiétants, l'homme tourmenté croit pouvoir se reposer sur sa toute nouvelle secrétaire, Matilda Wiik, agréable, douce et efficace. Il ne soupçonne pas le moins du monde ce que dissimule la discrétion de Matilda qui a érigé sa solitude en forteresse pour garder à distance les traumatismes de son passé …


Tel un marqueur génétique le roman de Kjell Westö n'échappe pas à cette littérature nordique qui cultive le goût pour une lecture lente. Lenteur à double face car si on a parfois le sentiment de voir émerger à la surface du texte un vague désenchantement égocentré d'un bourgeois libéral susceptible d'affecter le rythme et de décourager le lecteur, l'auteur finlandais a élaboré en fait un roman bien plus complexe qu'il n'y parait.
Il faut donc être patient pour constater une construction maîtrisée, l'auteur ayant façonné un roman psychologique où le suspense n'a pas le visage traditionnel qu'on lui prête dans les polars. Ici il s'inscrit dans l'histoire nationale du pays balloté entre deux guerres, la Finlande ayant connu une violence sans précédent sur son territoire bien avant l'arrivée d'Hitler au pouvoir et qui a laissé « un trou noir en Finlande pas encore cicatrisé ».
Les évènements historiques alimentent l'intrigue mais c'est la voie intimiste, minutieuse, obsessionnelle et pleine de réminiscences, qui guide le lecteur. Avec la faculté à sinuer entre les failles psychologiques, le romancier observe les errances de l'un et sonde la fragilité de l'autre. Il décortique de manière remarquable les oscillations de la conscience des deux personnages rattrapés par leur passé ou craintifs quant à l'avenir.
Afflictions masquées, colère cachée, impatience coupable, haute bourgeoisie oblige, tout concourt au drame et à la tension permanente lorsque l'auteur accumule ici et là traits d'ambiance, ingrédients narratifs, omniprésence du pressentiment.
Mais Kjell Westö a tracé des lignes de fuite dans son récit. A l'aide d'une écriture élégante qui n'a rien de contemporain, le récit ne suit pas une trajectoire glaçante mais un chemin sinueux avec une certaine nonchalance. Les clivages politiques et les tensions entre les personnages mêlant désir, douleur et recul permanent sont trompeurs, ils ne laissent apercevoir qu'une réalité pleine de divergences. C'est pourquoi là où on pourrait percevoir une mélancolie contemplative "bobo" il y a peut-être simplement une grande solitude teintée d'orgueil.
C'est un roman intéressant dans sa capacité à restituer l'atmosphère de l'époque et à la refléter dans des personnages inquiets et vulnérables. J'ai surtout été séduite par cette faculté de montrer à travers quelques faits comment ce qui était auparavant impensable devient imperceptiblement acceptable. Un peu mois séduite en revanche par la propension de l'auteur à accumuler les projections et les introspections. le roman se noie parfois sous le poids de certaines divagations envahissantes.
Ce roman n'en demeure pas moins une lecture intéressante.

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