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Critique de bdelhausse


Les soldats de la parole, ce sont les négociateurs. C'est du moins ce que l'on peut imaginer comme point de départ de cet excellent ouvrage, à la croisée de l'essai et d journalisme d'investigation.

Frank Westerman commence par quelques souvenirs personnels. Il est enfant, les chars passent non loin de chez lui. Motif? Une prise d'otages dans un train en rase campagne hollandaise.

Nous sommes dans les années 70, et les revendications indépendantistes ou anti-capitalistes fleurissent en Europe. La bande à Baader, les RAF, l'IRA, l'ETA... Ici, ce sont les Moluquois. Ils sont jeunes, idéalistes, ils veulent un avion, de l'argent, retrouver leur pays... un pays, en fait, qu'ils n'ont jamais connu et qu'ils idéalisent. La prise d'otages sera sanglante. Exécutions ultimatums... Ce sera la première expérience hollandaise, la création du "modèle hollandais". En l'occurrence, on négocie. Et qui négocie? Un psychiatre.

Parenthèse, les revendications nationalistes des Moluquois prennent leur source dans l'exode massif obligatoire qu'ont connu les Moluquois lorsque les Hollandais ont quitté l'Indonésie. Forcés de partir, puis exclus de la société, mis au ban, reniés... les Moluquois n'ont pas pu profiter de la manne d'un des pays les plus prospères d'Europe à l'époque.

C'est là que le livre de Westerman prend une dimension exceptionnelle. D'un focus sur les négociateurs, propos avoué du livre, on dérape... le racisme, l'intolérance, le respect deviennent des sujets du livre. Westerman oppose le modèle russe (on dézingue tout et le Soviet Suprême reconnaîtra les siens) et le modèle hollandais. Puis il place le modèle hollandais dans la perspective de l'Histoire. Que fait-on aujourd'hui? On ne négocie plus. Westerman reconnaît que ses convictions ont évolué.

Car il y a plus fort encore ! Par petites touches, Westerman se livre à une confession intime. Il a été bénévole à Cuba. Il a rencontré une ex des RAF. Il a même posté une lettre d'elle à son retour de Cuba. Lettre destinée à ses anciens coreligionnaires. Anecdotique? Pas vraiment. Autre moment fort: le "jeu de rôle" dans un avion où est simulée une prise d'otages, avec intervention des forces de police.

En alternant passé et présent, intime et enquête, idéaux et réalité... Westerman dresse un portrait de ce qu'il est devenu, de ce que sont devenus ses pairs, de ce que sont devenus les idées de tolérance et de liberté. C'est puissant et terriblement actuel.

Je remercie Babelio Masse Critique (février 2019, je pense), et les Editions Belfond pour cette superbe lecture. Je conseille vivement ce livre boulversant, bien plus intense que bien des thrillers dont j'ai pu (hélas) croiser la route...
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