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Jean-Pierre Naugrette (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253088967
256 pages
Le Livre de Poche (09/02/2011)
3.65/5   63 notes
Résumé :

Les fantômes whartoniens se glissent dans ces interstices de silence oppressant, minéral ou granitique, dans « ce trou, béant, surgi soudain dans notre expérience ». Ils n’effraient plus, comme les fantômes anciens, par leurs apparitions spectaculaires et leur attirail gothique, mais par leur passage secret et discret, le frôlement furtif de leur « immense absence » et de leur palpable présence... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Enfant, après une longue lutte contre la fièvre typhoïde contractée en Allemagne, Edith Wharton se remet de cette maladie éprouvante en lisant, entre autres, des histoires de fantômes. Impressionnable, elle en développe une hantise qui la suit durablement, laissant flotter autour d'elle des menaces qui la terrorisent. C'est peut-être pour cette raison que bien des années plus tard, elle écrit les cinq nouvelles qui composent ce recueil.
Ce ne sont pas des histoires de spectres sanguinolents, ni de fantômes traînant leurs chaînes et semant l'épouvante sur leurs passages. Les mystérieuses présences qui habitent les personnages ou les lieux rencontrés ici trouvent davantage leur source dans le psychisme et la culpabilité de certains êtres en proie à une conscience qui les torture.
Comme les peurs d'Edith Wharton sont nées de livres puisés dans la bibliothèque familiale, elle fait souvent appel à ce lieu empli de volumes pour introduire ou installer ses propres histoires d'esprits frappeurs.

Commençons par parcourir une avenue d'arbres aux branches entrelacées qui forment une voûte menant à Kerfol. le sombre de l'ardoise se détache sur ce lieu plein d'un passé confiné dans les pierres de cette antique demeure bretonne. C'est soi-disant l'endroit rêvé à visiter et à acheter pour un homme peu sociable comme notre narrateur. Ce ne sera pas une visite ordinaire mais une envie de sentir les lieux jusqu'à percevoir une pression de l'invisible. Un chien, puis un autre et un autre ; des regards canins fixés sur lui mais aucun aboiement. Plus tard, un vieux livre lui relatera une audience qui a eu lieu en 16.. pouvant expliquer le caractère hanté de ce manoir où flottent les traces d'un couple mêlées à des esprits canins.

Poursuivons avec un cercle d'amis bien installés entre les murs lambrissés d'une bibliothèque pour évoquer leurs fantômes. Ce seront juste des yeux, de plus en plus épouvantables qui semblent venir regarder les cas de conscience de celui qu'ils scrutent dans les ténèbres. Une nouvelle un brin oppressante qui fouille dans les regrets de la personne hantée et non plus dans un lieu fréquenté par quelques âmes errantes.

Arrivons ensuite dans une maison perdue qui se devine derrière un rideau de neige. Un mari y dépérit alors qu'il rencontre au bord d'un lac une jeune fille décédée un an auparavant et qui paraît ne pas pouvoir reposer en paix. Les visages émaciés, les expressions blêmes sont parfaitement décrites pour entourer cette nouvelle funèbre d'une aura bien lugubre.

Avant de terminer, arrêtons-nous un instant au coin d'un feu où une ancienne masseuse se repent devant sa petite-fille d'avoir usé et abusé de spiritisme pour atténuer les angoisses liées à la vieillesse chez une de ses clientes. C'était pourtant en vue de faire du bien à son prochain qu'elle a donné voix à un jeune homme ayant sombré avec le Titanic...

Clôturons alors ces petits frissons divinement gothiques en poussant la porte d'une habitation anglaise des plus inconfortables qu'un couple d'Américains s'est empressé d'acquérir en ayant même l'espoir qu'elle soit habitée par un fantôme. Leur espoir ne sera peut-être pas déçu puisque le passé ne s'encombre pas de la distance lorsqu'il plane dans l'au-delà.

Avec la merveilleuse plume de l'auteure, ces histoires à l'atmosphère gothique plongent le lecteur au coeur d'âmes tourmentées et hantées, conviant juste une once de fantastique pour poser une ambiance légèrement fantomatique dans des univers bien réels et bien humains.
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KERFOL et autres histoires de fantômes
d'Edith Wharton, traduit par Jean-Pierre Naugrette

Paru au Livre de Poche, collection "Classiques"

En ce jour d'Halloween, je vous propose une lecture de circonstance avec ce petit recueil qui contient cinq nouvelles d'Edith Wharton.

Pour éviter un sortilège, rien de tel que de lire cinq friandises contenant des maisons hantées par des fantômes humains et canins, un personnage hanté par un regard, des mort qui reviennent hanter des vivants, un mourant clair-voyant...

Edith Wharton (1862-1937) était une grande dame de la littérature nord-américaine. Cette amie d'Henry James était également une amoureuse de la France et correspondait régulièrement avec Gide. Il fut même question que Proust traduise un de ses textes... mais le projet est tombé à l'eau.
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Ce livre vaut non seulement pour le plaisir de lire Edith Wharton mais aussi par l'introduction érudite de Jean-Pierre Naugrette, professeur d'université.
une trentaine de pages pour analyser le gothique américain, les fantômes whartoniens ....Passionnant !
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Edith Wharton est une autrice américaine du tournant du XIXe et du XXe siècle que j'affectionne depuis longtemps. J'ai lu cette année l'un de ses romans les plus célèbres : le temps de l'innocence, où sa plume m'avait fait forte impression. C'est donc avec grand plaisir que je la découvre cette fois dans un autre format : les nouvelles, grâce à ce recueil d'histoires dites de "fantômes", dans lesquelles elle se livre à un joli exercice de style, en ajoutant à ses tableaux habituels de la bonne société une touche de fantastique.

Au cours de ces cinq nouvelles, écrites à des moments assez différents de la vie de l'autrice entre 1910 et 1935, sachant qu'elle meurt 2 ans plus tard, nous découvrons la palette d'expressions dont elle est capable. Sans vous mentir, j'ai moins aimé ses histoires les plus anciennes, ce sont celles qui sont parus les plus récemment qui m'ont le plus plu, parce que ça plume est alors beaucoup plus légère et incisive. Pour autant, il y a toujours beaucoup d'humour, un peu grinçant parfois, chez elle et j'en raffole. C'est une autrice que je trouve encore très contemporaine dans sa façon qu'elle a de parler de la bonne société mais également du couple. Et ici dans ces 5 nouvelles, le couple est l'un des thèmes récurrents, avec les apparitions de fantômes plus ou moins vengeurs, les trahisons et le deuil. 

Pour mettre tout cela en contexte, cette édition française a eu la bonne idée d'ajouter une préface et des annexes très intéressantes où l'on apprend des choses sur le travail d'Edith Wharton, ses références et la place de ce type d'écrit dans la littérature, ainsi que sur sa vie et ses amitiés. C'est parfait pour accompagner ces textes.

Voici d'ailleurs mon avis sur chaque de ces nouvelles :

La première histoire, Kerfol (1916) se déroule en Bretagne. Elle rappelle bien des histoires fantastiques lues, où un homme tombe sur un lieu atypique, qui a connu autrefois des événements étranges, qui sont racontés ici. J'ai aimé que le récit se passe dans un passé lointain, pendant la Renaissance. L'histoire de la vie conjugale de cette femme et la mort mystérieuse de son mari ainsi que le procès qui en a découlé m'ont happée. C'est un récit simple prenant pied dans la réalité et qui dérape merveilleusement bien.

J'ai bien moins aimé la deuxième histoire : Les yeux (1910). Elle a un style plus lourd et l'histoire est moins prenante. Suivre un type qui s'est réuni avec ses copains et raconte, de façon théâtrale, comment quand il était jeune il était parfois hanté par une paire d'yeux à certains moments clés de sa vie, n'est pas passionnant. La description de ces fameux yeux censés lui faire peur ne m'a pas impressionnée du tout, un raté, même si j'ai bien aimé l'humour de l'autrice par moment quand le héros se prête à l'auto-dérision.

Avec la troisième histoire : Ensorcelé (1925), j'ai retrouvé la plume que j'aime simple et incisive qui s'inscrit parfaitement dans le cadre de l'histoire qu'elle raconte. Ici, nous sommes en Amérique profonde, à la campagne, avec une femme qui fait appel aux amis de son mari ainsi qu'au diacre pour exorciser celui-ci puisqu'il rencontre une jeune défunte certains soirs. Une belle histoire sur le deuil mais aussi sur la vie en province et la vie conjugale d'alors faites de bien des aléas.

La quatrième histoire : le miroir (1935), est une autre belle histoire émouvante de femmes. Cette fois, c'est le récit à la fois d'une escroquerie et d'un grand amour, le tout autour d'une vieille femme qui ne supporte pas de vieillir. Beaucoup de thèmes se mélangent ici : deuil, amour, vieillesse, maladie et c'est très joliment croqué dans une Amérique bourgeoise contemporaine à la publication du récit.

Enfin avec  la cinquième histoire : Après Coup / Plus Tard (1910), comme avec son autre texte plus ancien, j'ai eu un peu plus de mal avec la plume de l'autrice que j'ai trouvé trop engoncée. Mais l'histoire en elle-même est très intéressante car elle dénonce à la fois une femme victime d'un mari qui a escroqué une autre famille et la vengeance du fantôme de la victime. A nouveau la vie domestique et les aléas d'une famille riche qui travaille dans les affaires sont très bien croqués.

Pour conclure, Edith Wharton reste une autrice dont j'aime énormément la plume mais également les thèmes et les ambiances qu'elle développe dans ces récits. Pour l'instant, je trouve que ce format court lui convient mieux que le long des romans. Il me faudra en lire quelques autres en plus du Temps de l'innocence pour voir s'ils me donnent tort ou non.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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Des fragments autobiographiques inclus dans le dossier du livre révèlent que Wharton a failli être emportée par une fièvre typhoïde à l'âge neuf ans. La menace de la mort et une peur chronique se sont logées en elle et ne l'ont pas quittée avant l'âge adulte. Ces sentiments (et ses lectures) ont nourri sa fascination pour les histoires de fantômes.
 
Les fantômes de Wharton prennent des formes variées, des animaux, des jeunes gens ou simplement une paire d'yeux qui brillent dans le noir, et ils réveillent souvent des regrets ou des culpabilités enfouies chez les vivants. J'ai adoré trois des cinq nouvelles du recueil. Ma préférence revient à Ensorcelé, entre autres pour son décor (le Massachusetts rural et hivernal), le même que dans le roman Ethan Frome que j'avais adoré. le fantôme est une jeune morte, vêtue d'une robe diaphane et marchant pieds nus dans la neige, qui revient hanter son ancien amoureux, marié à une autre femme. Une image spectrale classique, mais terriblement efficace. J'ai aussi beaucoup aimé Kerfol qui nous transporte dans la Bretagne du XVIIe siècle auprès d'une femme qui aime trop les chiens, de l'avis de son mari possessif. Et le miroir est la nouvelle que j'ai trouvé la plus touchante, avec sa narratrice qui tient à faire le bien autour d'elle, quitte à duper une amie en inventant un fantôme.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Non, elle ne saurait jamais ce qui lui était advenu ; personne ne saurait jamais. Mais la maison savait ; la bibliothèque, dans laquelle elle passait ses longues soirées solitaires, savait. Car c'était ici que s'était jouée la dernière scène, ici qu'était venu l'étranger, et qu'il avait prononcé le mot qui avait obligé Boyne à se lever pour le suivre. Le plancher qu'elle foulait avait senti son pas ; les livres sur les étagères avaient vu son visage ; et il y avait des moments où l'intense conscience des murs sombres semblait sur le point de s'exprimer à haute voix pour révéler leur secret. Mais la révélation ne venait jamais, et elle savait qu'elle ne viendrait jamais. Lyng n'était point l'une de ces vieilles maisons loquaces qui trahissent les secrets qu'on leur a confiés. Sa légende même prouvait qu'elle avait toujours été la complice muette, l'incorruptible gardienne des mystères qu'elle avait surpris. Et Mary Boyne, assise en face de son silence, sentait la futilité qu'il y avait à chercher un moyen humain pour le briser.
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Je ne connaissais rien à l'histoire de Kerfol - je découvrais la Bretagne, et c'était seulement la veille que Lanrivain avait mentionné ce nom devant moi -, mais il était impossible de jeter ne fût-ce qu'un coup d’œil à ces pierres sans ressentir en elles une longue histoire accumulée. Quelle genre d'histoire, je n’avais pas les moyens de le deviner : peut-être, tout bonnement, le poids représenté par l’association de toutes ces vies et de toutes ces morts qui confère immanquablement aux vieilles demeures leur majesté. Mais par son aspect, Kerfol suggérait quelque chose de plus : une perspective de souvenirs graves et cruels qui se perdait, comme des propres avenues grises, pour se fondre dans l'obscurité.

Kerfol
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Assurément, nulle demeure n'avait aussi profondément et radicalement rompu avec le présent. Telle qu'elle était érigée, pointant fièrement ses toits vers le ciel, elle aurait pu constituer son propre monument funéraire. "Des tombes dans la chapelle ? me dis-je. C'est tout l'endroit qui est une tombe !" J'espérais de plus en plus que le gardien s'abstiendrait de venir. Une visite détaillée, malgré son intérêt, risquerait de donner une image dérisoire des lieux en comparaison du caractère impressionnant de l'ensemble ; et tout ce que je désirais, c'était rester assis à ma place en me laissant pénétrer par la pesanteur de son silence.

Kerfol
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Mais l'âge des yeux en question n'était pas ce qu'ils avaient de plus déplaisant. Ce qui m’écœurait, c'était leur expression de vicieuse impunité. Je ne sais comment décrire autrement le fait qu'ils semblaient appartenir à un homme qui avait été fort nuisible sa vie durant mais s'était toujours tenu juste en deçà du danger. Ce n'étaient point des yeux de couard, mais de quelqu'un de bien trop malin pour prendre des risques ; et j'avais la gorge qui se soulevait face à cet air de bassesse retorse. Et pour couronner le tout, tandis que nous nous scrutions l'un l'autre, je vis en eux une pointe de dérision dont je me sentis la cible.

Les yeux
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"Mais qu'est-ce qui constitue un fantôme en dehors du fait qu'il se manifeste à quelqu'un ?
- Je n'en sais pas plus. Mais c'est ce qu'on dit.
- Qu'il y a un fantôme, mais que personne ne sait que c'est un fantôme ?
- Eh bien... Seulement après coup, en tout cas.
- Seulement après coup ?
- Seulement longtemps après coup.
- Mais s'il a été identifié une fois comme un visiteur de l'autre monde, pourquoi son signalement ne s'est-il point transmis dans la famille ? Comment a-t-il réussi à préser son incognito ?"
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