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Critique de Ys


Ys
19 janvier 2019
Les amours d'Odon et Fulvia, ce sont peu ou prou, de manière symbolique, les amours - nécessairement complexes et contrariés - de l'aristocratie d'Ancien Régime et des idéaux socio-politiques des Lumières.

Nous sommes en Italie, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Odon Valsecca, fils de cadet de famille, grandit dans une ferme puis dans le château montagnard d'un grand-père encore très féodal - paternalisme rude mais attentif à ses terres et ses gens.
Le vent tourne, les destins se font et se défont. Voici bientôt l'adolescent désigné comme héritier potentiel du petit duché de Pianura, envoyé à Turin pour y recevoir une éducation digne de son rang. Il y découvre l'aristocratie de cour, figée dans l'apparat, la dévotion frivole et les plaisirs superficiels, laissant ses terres partir à vau-l'eau. Il y rencontre Alfieri, pas encore poète mais déjà attiré par la pensée nouvelle, qui lui fait découvrir les philosophes, l'introduit dans le petit cercle clandestin des savants assez audacieux pour braver les interdits de l'église à la recherche de la Vérité. Parmi eux, le passionnant professeur Vivaldi et sa fille Fulvia, aussi belle qu'instruite, dont le charme naturel, l'intelligence et la simplicité, détonent superbement sur les beautés à la mode. Leurs conditions respectives ne peuvent les faire ni époux ni amants, ils seront à peine camarades, mais elle le fascine et contribue, dans l'ombre, à modeler ses idéaux et ses aspirations.
Hélas, l'Italie de ce temps n'est pas libre, loin s'en faut, les libre-penseurs sont bien mal vus, surtout lorsqu'ils risquent d'influencer un jeune homme de grande famille. Des yeux épient dans l'ombre, le danger guette ceux qui osent penser autrement... et Odon lui-même s'apercevra à ses dépens que le libéralisme est une voie de plus en plus périlleuse à mesure qu'on se rapproche du pouvoir et qu'on risque de mettre en péril les intérêts des partis en présence. Une voie qu'il faut beaucoup de conviction, beaucoup de volonté pour continuer à suivre, envers et contre tout. Ces qualités-là, Fulvia les possède bien plus que lui-même. Des chemins de l'exil aux marches du trône, leurs existences sont vouées à se séparer et se retrouver bien des fois. Elle restera son inspiratrice, sa force secrète. Mais bien malin qui saurait prédire si dans ce jeu ambigu de l'amour et de l'idéal, du public et du privé, ils ont plus à perdre ou à gagner...

Déjà ambitieux, ce premier roman d'Edith Wharton - resté inédit en français pendant plus de cent ans - commence comme un roman d'apprentissage, se détourne en longue visite désoeuvrée à travers l'Italie décadente du XVIIIe siècle avant de se conclure en roman politique, par une confrontation des idéaux et de la réalité qui ébranlera jusqu'au plus intime de l'homme public. Cette fin, amère, bouleversante et magnifique, rattrape largement les longueurs parfois assez fastidieuses des quelque 300 premières pages, qui ne sont dénuées ni de charme ni d'intérêt, mais prennent un peu trop de temps pour poser le contexte et les personnages, s'enlisent parfois dans des développements érudits assez lourds. Maladresses d'un premier roman, peut-être, qui finit heureusement par trouver ses ailes, dévoile la finesse d'analyse et le pouvoir percutant d'un grand auteur.
Lien : https://ys-melmoth.livejourn..
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