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Ce n'est pas à un simple voyage que nous invite Kenneth White qui part de Montréal pour atteindre tout au nord la baie d'Ungava qui signifie en esquimau «le lieu le plus lointain». Il poursuit ainsi la route vagabonde qu'il avait commencé à emprunter en découvrant l'existence (ou le rêve) du Labrador dans un livre de prix reçu à douze ans. «Peut-être la route bleue est-elle ce passage parmi les silences bleus du Labrador. Peut-être l'idée est-elle d'aller aussi loin que possible -- jusqu'au bout de soi-même -- jusqu'à un territoire où le temps se convertit en espace, où les choses apparaissent dans toute leur nudité et où le vent souffle, anonyme. Peut-être. La route bleue, c'est peut-être tout simplement le chemin du possible. De toute façon, je voulais sortir, aller là-haut et voir.» (Préface) Atteindre le Labrador c'est aussi retourner à la source, retrouver son visage originel, s'ouvrir et peut-être relier deux pôles de sa vie puisqu'il y cohabite une «Nouvelle Ecosse» et un «Cap Breton». Kenneth White nous entraîne dans cette redécouverte des origines en compagnie de ses auteurs préférés, Melville, Walt Whitman, Thoreau et Bashô et en tentant de faire jaillir la vérité perdue ou détruite des êtres qu'il croise sur sa route, en particulier les indiens ; une route bien souvent jonchée de bouteilles de bières vides et de hot dogs. Pour Kenneth White dont l'esprit vagabond est ouvert sur un monde multiple, tout prend part à ce qu'il nomme la «géopoétique». Dans une librairie de Sept-Iles il achète un livre attiré par le titre ,«Le passage du Nord-Ouest», et se réfugie dans un café pour le lire. Un choc : «L'auteur (Michel Serres) parlait mon langage. Même ses mots étaient les miens. Merde et remerde ! J'avais envie de souligner chaque phrase. (...) En revenant à ma chambre du North Coast Hotel, je suis passé devant une jeune fille qui vendait des pommes au bord de la route. Elle avait les yeux les plus bleus que j'aie jamais vus Dans ces yeux, j'ai vu le Labrador.» p 78-79 Il nous fait, par sauts, franchir l'espace entre rêve et réalité les reliant dans une «pensée qui nage et qui vole», «une philosophie océanique». La route bleue «chemin de (re)naissance et de reconnaissance» se termine par un long poème que le vent lui a apporté, dont ce petit extrait : «et ce monde était un nouveau monde et ma pensée aussi était nouvelle rien qui ressemble à un «esprit» seulement les traces bleues sur la neige le vol des oies sauvages et les feuilles rouges de gel» Cette route bleue que j'ai parcouru pour la seconde fois, à presque trente ans d'intervalle, a su me réserver encore de bien belles surprises et les rêves qu'elle avait fait naître, toujours vivants, se jouent de l'espace et du temps. + Lire la suite |