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C'est une complicité amicale profonde qui lie Anne Wiazemsky et le Père Deau qu'elle n'appellera jamais par son prénom Marcel. Ce prêtre qui a été son professeur de français et latin à Caracas lui a donné confiance, l'a révélée à elle-même, a essayé de canaliser, modérer son bouillonnement, sa révolte tout en respectant ce qui en elle reflétait un amour passionné de la vie. Cet homme, c'est son enfance, son adolescence qui revit. Ils renouent après vingt ans d'éloignement alors que vient de paraître son premier livre, d'abord par un coup de téléphone puis en se rejoignant à Malagar le 13 mai 1988 ; Malagar, ce lieu où plane toujours le souvenir, pour Anne, des moments magiques passés dans cette propriété de son grand-père François Mauriac. Malagar où ils s'émerveillent de retrouver immédiatement leurs rires complices. Il l'avait encouragée, poussée à écrire, lui avait fait prendre confiance en ses qualités alors qu'il était son professeur. Il a été son premier lecteur, le premier qui a saisi la place en elle de l'écriture. Il l'a décrit dans un long portrait émouvant, fait à Caracas alors qu'elle était en 5ème : "Maintenant Anne écrit. Assise à sa table, un sujet de rédaction au tableau, rien ne compte plus, me semble-t-il, du monde extérieur. Elle habite pour une heure et demie, peut-être davantage, un monde de rêve et d'aventures où sa copie me fera pénétrer tout à l'heure avec délices." Au cours de ces années d'éloignement, des rencontres lui auront fait quitter cette voie pour celle du cinéma et du théâtre. Belle et étrange coïncidence qui fait réapparaître le père Deau dans la vie d'Anne au moment où elle a renoué avec l'écriture, quand vient de paraître chez Gallimard "Des filles bien élevées" son premier livre ; comme si leur séparation avait duré le temps que la graine semée donne un fruit, qu'elle avait errer, engranger d'autres expériences avant de se consacrer plus pleinement à l'écriture. Il sera désormais présent à chaque parution d'un nouveau livre de celle qu'il nomme "sa fille-soeur" lorsqu'elle viendra à la librairie Mollat à Bordeaux. Il n'interviendra qu'une seule fois pour la défendre contre sa famille et ceux de ses lecteurs qui réagissent négativement et violemment à la découverte de "Hymnes à l'amour" paru en 1996 : «Ce livre est d'une grande pudeur. Il est plein d'amour et de larmes. D'amour pour ses parents décédés qu'elle ne juge jamais. Les larmes dont je parle sont contenues. L'auteur ne s'apitoie ni sur elle, ni sur eux, ce qui le rend particulièrement émouvant pour ses lecteurs.» Il sera là au cours des années qui suivront lors de périodes douloureuses, pour l'aider à se réconcilier avec elle-même, apaiser ses doutes et ses révoltes, toujours en respectant son être profond et sa liberté. Elle aussi sera là pour lui... Un beau récit au cours duquel Anne Wiazemsky évoque simplement des moments de sa vie à travers ce lien privilégié et rend hommage à cet homme plein d'attention et ouvert aux autres. + Lire la suite |