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Critique de Krout


Krout
07 novembre 2016
Ceci est un cri lancé par devant les ténèbres qui s'abattent de nouveau sur le monde. Hélas, poète mort-né ni lu, ni écouté, comment espères-tu encore arrêter la folie et la fureur qui embrasent le coeur des hommes ? Alors toi, lis-moi en entier et tâche de comprendre ma dureté qui n'a pour seul but que prévenir de nouvelles et lamentables lamentations. Ce roman aussi est un cri mais, au contraire du mien solitaire et poussé vers le futur, le sien fait partie de mille jérémiades maintes fois ressassées et prisonnières volontaires de leur passé.

Pénible impression d'ouvrir un livre casher rempli de simagrées et vidé de son sang. Histoire triste à mourir loin d'être une BD, néanmoins asphyxiée par un trop plein de phylactères. On est bien loin de Spinosa. Quel enfermement ! Pendant un tiers du livre, je me cognai la tête au mur en me lamentant, à hurler en boucle : il est mort-né le poète !!! Ne reste que le juif et un livre d'histoire romancée dont bien des morceaux par ici rassemblés m'étaient déjà connus, autrement racontés.

J'ai horreur de tous les sectarismes, de tous le totalitarismes et plus encore de tous les prosélytismes. Je suis allergique, viscéralement, à tous ceux et celles qui se gaussent d'une supériorité quelconque de leur commune ostentation affichée et risible si ce n'était leur volonté farouche de vous imposer leur enfermement. Par tous les moyens, avec une prédilection pour les plus pervers. Au cours des nonantes premières pages, une question lancinante n'a cessé de me tarauder : à quoi bon continuer ?

Il y a bien quelques choses à sauver. Oui, dans les deux derniers tiers, après la fuite vers Berlin, quand les phylactères sont remisés au fond de la valise. Enfin quelques éclairs dans cette nuit, de brefs passages sur un coeur qui bat : "Moi, j'aimais ses cheveux foncés, ses grands yeux sombres, ses lèvres sensuelles ; la regarder, c'était la suivre dans la forêt primitive où tout est permis." p.92 Une vérité universelle sur la guerre : "Mais de part et d'autre la cruauté fut identique. [...] Je me souviens : la statue de la Vierge par terre ; à côte, une jeune femme morte, jupe relevée, cuisses écartées. Près d'elle, une autre statue. Et une autre femme violée. Et ainsi, du porche jusqu'à l'autel." p.184-5

Une longue plainte, il faut dire que le narrateur principal se sait condamné à mort et écrit son testament en cellule d'isolement. Purge stalinienne, normal donc que cela me fasse chi.. . Détresse sans cesse ressassée, et quand le narrateur change c'est pour passer à son fils qui a perdu sa langue ou à un veilleur de nuit qui n'a jamais ri. La mortification est totale. Je suis d'accord avec Raïssa : un poète est fait pour illuminer le présent et chanter la vie, l'amour, la mort ; pas pour s'engluer dans le passé. Ou alors éclairer l'avenir, pour les hommes ... qui sont aveugles.

Ainsi, après la der des der, la deuxième commença vraiment en Espagne. Et la folie s'empara des hommes pour devenir guerre mondiale. Un peintre de génie l'avait senti venir et inséra de mystiques Arlequins pour vaincre les forces de la mort présentes dans son tableau. Alors j'écris dans la nuit tombée : "Y A-T-IL SEULEMENT UN PEINTRE EN SYRIE ?" Pablo, mon ami, entends-tu l'écho de ma voix ?

Me voilà donc au terme d'une lecture difficile, à contre-courant de mes rêves de justice et de liberté, à vouloir jusqu'au bout décrypter un point de vue opposé au mien. Me voici, sans pudeur, marchant sur les morts passés, ne m'intéressant qu'à prévenir les morts vivants. "Et il n'y eut plus d'aubes ni de crépuscules, il n'y eut plus que la guerre." p.230

A toutes les femmes et tous les hommes, quelques soient leurs races, leurs religions, croyances ou philosophies, sans exclusive, sans exclusion, je leur relaie un slogan lu quelque part : "Terrien, t'es pas rien !" et ce qui est pour moi le passage qui sauve ce livre : "Deux êtres s'embrassent, et le gouffre de leur vie s'illumine. Un homme et une femme s'enlacent, et la misère humaine est vaincue. C'est donc si simple, si simple." p.96
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