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EAN : 9782724607772
113 pages
Les Presses de Sciences Po (30/11/-1)
3.5/5   2 notes
Résumé :

Les récents débats, en France sur la politique d'entrée et de séjour, l'affaire des sans-papiers, et en Europe sur les difficultés du contrôle des frontières à l'Est et au Sud ont posé, en filigrane, la question de l'efficacité des contrôles des flux migratoires.

Dans quelle mesure les Etats peuvent-ils contrôler leurs frontières, séparément ou à plusieurs ? La maîtrise des flux ne fonctionne pas de manière satisfaisante, ni du point de v... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
L'ouvrage de Catherine Wihtol de Wenden est militant et ne s'en cache pas. Il se lit comme un plaidoyer vibrant en faveur, sinon d'une ouverture absolue des frontières, du moins d'un assouplissement significatif de la politique d'immigration menée, en France, par la droite comme par la gauche, depuis 1974.

Alors que l'Europe de Schengen dissout les frontières intra-européennes mais renforce les frontières extra-communautaires, alors que le consensus se consolide dans la classe politique autour d'une impossible « immigration zéro », l'auteur, spécialiste du phénomène migratoire, ose quelques questions iconoclastes. Dans un monde où circulent librement les capitaux, les biens, l'information, pourquoi les hommes ne circulent-ils pas librement ? le Nord, avec sa croissance restaurée, mais sa démographie toujours atone, n'aura-t-il pas à nouveau besoin de main d'oeuvre à l'horizon 2020-2030 ? L'ouverture des frontières aurait-elle des effets aussi déstabilisateurs qu'on se plaît à les dépeindre ?

À l'appui de sa thèse, l'auteur s'emploie d'abord à montrer les défauts d'une politique de fermeture des frontières. Cette politique, nous dit-elle, est inefficace. La pression migratoire est si forte, les moyens de contrôle, quelle que soit la volonté politique, si faibles, que rien ne peut entraver l'entrée, même illégale, des étrangers qui le souhaitent sur le territoire national. Chaque année, par la voie du regroupement familial ou à travers la reconnaissance du statut de réfugié politique (lequel constitue comme une « voie de rattrapage » pour tous les miséreux de la planète), des dizaines de milliers d'étrangers utilisent des « portes de services » pour contourner l'entrée principale close (pour reprendre la métaphore d'Aristide Zolberg : The Main Gate and the Back Door). Dans ces conditions, la politique officiellement proclamée de fermeture des frontières depuis 1974 doit être réduite à ce qu'elle est vraiment : une politique essentiellement déclaratoire.

La fermeture des frontières ne diminue pas l'immigration. Au contraire, elle la vicie, en produisant son lot de clandestins. La thèse de Catherine Wihtol de Wenden confine ici à la lapalissade : si les frontières étaient ouvertes, nous dit-elle, il n'y aurait plus de clandestins ! C'est rappeler que la frontière est une source de profits pour ceux qui s'en jouent. Qu'une frontière est toujours contournée, violée, instrumentalisée. Qu'aucune frontière n'est réellement étanche et aujourd'hui, à l'ère de la mondialisation, encore moins qu'hier.

De façon provocatrice, l'auteur souligne que la frontière, qui n'empêche guère l'entrée, bloque parfois la sortie : nombreux sont les immigrés qui préféreraient pratiquer des allers-et-retours et, à terme, repartir chez eux, mais qui restent en France par crainte de perdre leurs droits.

Pour limiter l'immigration, il a pu sembler pertinent de fixer les candidats au départ dans leur pays d'origine en encourageant le co-développement. C'est le sens, au niveau communautaire, des mécanismes de Lomé avec les pays ACP et de Barcelone avec les pays du bassin méditerranéen. En France, le co-développement a connu son heure de gloire en 1998 avec la création d'une mission interministérielle confiée à Sami Naïr. Catherine Wihtol de Wenden dénonce les illusions de cette politique : « ce n'est pas en diminuant la propension au départ dans les régions d'origine », écrit-elle, « que l'on agira sur les flux migratoires de façon significative » (p. 23). Les études de l'OCDE démontrent en effet que le développement d'une région conduit, au moins à court terme, à une augmentation de l'émigration. Ce constat paradoxal peut se comprendre : le « décollage » d'une économie suscite des aspirations, tant culturelles qu'économiques, peu susceptibles d'être satisfaites dans le pays. C'est seulement à long terme que le développement freinera l'émigration : c'est ce qu'ont connu l'Italie et la péninsule ibérique, et plus près de nous, le Maroc et la Tunisie dont le taux d'émigration se stabilise pour le premier et se réduit pour le second.

Si la fermeture des frontières se réduit au symbole, si elle ne freine pas les mouvements migratoires, parfois même les vicie, si le co-développement ne portera ses fruits qu'à long terme, Catherine Wihtol de Wenden en vient logiquement, au terme de sa démonstration, à plaider en faveur d'une ouverture raisonnée. Une telle ouverture entraînerait ipso facto la résorption des clandestins, et la fin d'une politique policière à la fois inefficace et attentatoire aux droits de l'homme. Elle ne devrait pas conduire à un afflux massif : l'invasion des pays de l'Est, fantasme récurrent au lendemain de la chute du mur de Berlin, n'a pas eu lieu malgré les facilités de circulation en Europe. Elle n'entraînerait pas de déséquilibre sur le marché du travail, les immigrés occupant souvent des postes que la main d'oeuvre nationale refuse. Elle serait enfin porteuse d'une meilleure intégration ; car – et c'est la conclusion de l'ouvrage – le XXIe siècle n'appelle aucun repli identitaire frileux, mais bien un dépassement de l'ordre westphalien et un métissage des cultures.
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Ce court essai de vulgarisation, réédité et actualisé pour la 3ème fois en 2017, ne contient guère de nouveautés pour ceux qui sont familiers de la pensée de Catherine Withol de Wenden et en général, des études scientifiques sur le phénomène des migrations internationales et sur les politiques publiques de contrôle des frontières. Il s'articule autour de trois chapitres : « Une globalisation contradictoire », « La frontière dans tous ses états » et « L'émergence d'un droit à la mobilité ». Les deux premiers ont le mérite de renverser les idées reçues, mais leurs arguments sont bien connus des spécialistes ; par contre le dernier comporte des contenus juridiques internationaux qui sont les plus informatifs pour tous, car ordinairement difficiles d'accès et sujets à de rapides changements, même si l'auteure avait déjà consacré une monographie à cette question juridique.
Ainsi ai-je appris ici les développements du Forum Mondial sur la Migration et le Développement (FMMD), évolution du Global Migration Group lancé à New York en 2006 ; le FMMD se réunit désormais chaque année, dans des lieux différents et avec des membres divers – représentants étatiques, d'organisations internationales, mais aussi d'ONG, de syndicats, du secteur privé, du milieu associatif de défense des droits humains –, sous le patronage des Nations Unies ; si ses conférences n'ont pas vocation à créer du droit international, si les thèmes traités sont chaque fois différents, et bien qu'on lui reproche « l'absence d'un véritable bilan des acquis des forums successifs » (p. 106), il n'en demeure pas moins que ses travaux ont certainement le mérite de dégager une connaissance partagée dans le milieu diplomatique, une doxa, une sensibilité scientifique qui serviront peut-être, en cas de volonté politique, de méthode d'élaboration de politiques publiques harmonisées (éventuellement régionales) et enfin, sait-on jamais, de résultats juridiques négociés.
Tout cela est bien loin, on s'en doute, des vociférations imbéciles des hommes d'État, surtout en campagne électorale... Spécifiquement, l'approche s'impose qui consiste à considérer la migration comme un facteur promoteur d'avantages économiques et de développement, celui-ci comme un accélérateur et non un ralentisseur des migrations, et enfin la velléité de créer des obstacles frontaliers comme une preuve de vulnérabilité de la souveraineté nationale et non de son renforcement.
Ces affirmations, corroborées pourtant par des dizaines d'études scientifiques établies depuis plusieurs décennies, sont déjà en elle-mêmes contradictoires avec la vulgate identitaire du discours politico-médiatique dominant dans de si nombreux pays du monde actuel. La simple lecture de l'Introduction et des Conclusions de l'ouvrage semble consister, à chaque phrase, dans la négation des fausses évidences que nous avons l'habitude d'entendre serinées à longueur de journée, à droite comme à gauche, dans un consensus électoraliste de sornettes dont le caractère inhumain, anti-éthique et anti-juridique finit, par pure répétition de court-circuits de la pensée et sous un simulacre de réalisme, par dissimuler sa simple fausseté, alors que, naturellement, d'autres enjeux sont en présence.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
« L'État d'accueil, dans sa volonté d'affirmer sa souveraineté à travers le contrôle de ses frontières, voit au contraire sa souveraineté mise au défi par ces nouveaux acteurs qui transgressent les frontières, qui demandent le droit de migrer et le droit d'avoir des droits […]. La transgression de la frontière est au centre d'un conflit de valeurs qui met en cause l'éthique même du droit. Les pays de départ deviennent de plus en plus souvent des acteurs de la scène internationale par le biais de leurs migrations, pour lesquelles ils développent des politiques diasporiques. La frontière s'estompe de façon détournée par le poids des réseaux transnationaux, par le développement du droit du sol dans les pays d'accueil et par le maintien du droit du sang dans les pays d'origine. La mobilité des élites, les mariages mixtes, la valorisation des échanges culturels et des identités multiples ouvrent également la voie à la double nationalité. Enfin, par la transgression, la frontière participe de la condition de l'homme moderne – une "condition cosmopolite", comme l'écrit Michel Agier [...] » (p. 81)
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« Trois raisons peuvent expliquer cette surenchère [des politiques sécuritaires et migratoires répressives autour du thème de la frontière]. Première raison, l'existence d'une "économie de la sécurité", issue du recyclage de savoir-faire militaires dans le domaine civil […]. Deuxième raison, la volonté des gouvernements de rassurer leur opinion en leur montrant qu'ils agissent en matière de contrôle des frontières, parfois en désignant un bouc émissaire […]. [… Les contrôles migratoires] constituent un argument idéologique […]. Troisième raison, l'utilisation des migrants comme instrument de négociation avec les pays de départ : la multiplication des accords bi et multilatéraux de reconduction à la frontière […] génère ainsi un important marché […]. Si les contrôles migratoires coûtent très cher aux États, ils rapportent aussi beaucoup . » (pp. 63-64)
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Vidéo de Catherine Wihtol de Wenden
À quelques jours du premier tour de la primaire des Républicains, « À l'air libre » a reçu Aurélien Pradié, secrétaire général du parti, qui regrettait que la droite ne porte pas plus de combats sociaux. Mardi, reportage de nos envoyées spéciales en Pologne auprès de ces exilés qui survivent dans des conditions inhumaines, et sur notre plateau, la chercheuse spécialiste des migrations Catherine Wihtol de Wenden et la militante Anaïs Vogel.
Mercredi, place à la jeunesse avec le débat des organisations étudiantes, en amont des élections du Crous. Sur notre plateau, les représentants de l'Unef, de l'UNI, de la FAGE et de l'Alternative ont débattu des solutions à mettre en place à l'université.
Enfin jeudi, émission spéciale à l'occasion de notre journée portes ouvertes numérique. La rappeuse Casey était notre invitée pour un grand entretien, avant une discussion avec ceux qui continuent de lutter malgré les vents mauvais. Enfin, les représentants de Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo et Yannick Jadot étaient sur notre plateau pour répondre à une question : la gauche est-elle déjà hors jeu pour 2022 ?
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