Comme l'écrivait Louis Vauxcelles, «Odilon Redon est le plus musicien des peintres. Il sait, en modulations d'une prestigieuse subtilité, faire résonner ensemble des bleus, des violets, des safrans, des tons translucides de madrépores féeriques». Ce don inné, «de sensualité délicieuse [...] peut reconstituer ou amplifier la vie, en empreindre une surface d'où émergera une présence humaine, l'irradiation suprême de l'esprit». Laissons-nous donc entraîner vers ce monde merveilleux: l'avenir n'est-il pas au monde
subjectif?
L'art de Redon, tout de suggestion, consiste, pour reprendre la formule de Mallarmé, à «peindre non la chose, mais l'effet qu'elle produit», et la difficulté technique réside dans le fait de traduire des idées ou des états d'âmes, par définition impalpables, grâce à des moyens matériels, picturaux. Redon s'y est efforcé, souvent à son corps défendant, au hasard d'une expression personnelle surgie presque malgré lui sous ses doigts.