La couverture de ce livre, magnifique, m'a attiré en premier. En second, le fait que l'action se passe dans l'état du Rhode Island, un état dont on ne parle quasiment jamais et qui ne parvient pas à inspirer beaucoup d'auteurs. Et j'ai vraiment beaucoup apprécié les cinq cents pages passés en compagnie de
Mr North.
Nous sommes en 1926, une période où tout allait bien – il n'est pas question d'anticiper le crack de 1929, même si certaines phrases nous font comprendre que Teddie (diminutif de Theophilus, ne l'appelez surtout pas Theo) écrit avec du recul sur les événements qui ont survenu dans ce roman. La guerre est loin, déjà, on profite de la vie, de tout ce qu'elle peut offrir. Bref, les habitants de Newport coulent des jours paisibles.
Et
Mr North arrive, s'installe, cherche un travail, en obtient plusieurs – professeur de tennis, lecteur, professeur de langue. Il est entouré par des personnalités solaires, comme Edweena, qui a surmonté bien des obstacles pour en arriver là où elle est, Persis, Elspeth, ou encore Bodo (sous ce diminutif, se cache un aristocrate doté de grandes qualités).
Mais pour des êtres aussi attachants, et j'en ai oublié, il en est d'autres qui sont… Méchants ? Non, ce n'est pas le mot. Mesquins. Attachés aux apparences. Englués dans les préceptes qu'on leur a inculqué et qu'ils imposent à leurs proches. Malades, aussi, parfois. Et ils sont fortement capables, de par les pouvoirs qui leur sont conférés, de nuire, sans s'en rendre compte, à ceux qui leur sont proches. Je n'irai pas jusqu'à dire « à ceux qu'ils aiment » parce que certains habitants sont si engoncés dans leur principe ou leur névrose qu'ils ne semblent plus capables d'éprouver des sentiments – quand ils ne sont pas effrayés par ceux qu'on leur porte.
Mr North pourrait semer le chaos – il en est qui l'ont fait, dans d'autres ouvrages. Lui, s'il se mêle de situations qui ne le regarde pas, le fait pour remettre de l'ordre dans des situations pénibles, ou pour libérer des personnes de du piège qui s'est refermée sur elles. L'une des qualités de
Mr North est son incapacité à ployer face à la colère, la goujaterie ou l'impolitesse de ses employeurs. Sa volonté, sa finesse le lui interdisent. Et ses employeurs n'ont pas l'habitude qu'on leur désobéisse. Chacun ses règles :
Mr North respecte les siennes et ne craint pas les représailles. Il a 29, il a servi pendant la guerre, et la naïveté l'a quitté depuis longtemps.
Ce qui m'a frappé est le sort des femmes. Oui, elles sont riches, ne devraient avoir aucune préoccupation, mais elles sont à la merci des calomnies, des caprices d'un mari, ou, pire de la rigidité d'un père. Leur rôle ? Devenir une épouse accomplie et une mère féconde, quitte à devoir respecter les ordres des médecins paternalistes. Les femmes issues des classes populaires sont parfois mieux loties – parfois. Il leur faut cependant déplorer beaucoup d'énergie pour avoir à leur tour des conditions de vie satisfaisantes.
Et les hommes, me direz-vous ? Les héros ont du mal à se réhabituer à la vie civile, ceux qui n'ont pas combattu ont parfois du mal à vivre tout court. D'autres prennent leur envol – enfin. Se jeter à bras le corps dans la vie se décide aussi.
C'est avec regret et émotion que j'ai refermé ce livre.
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