Les neuf dixièmes de notre vie s'oublient en vivant. Quant à la plus grande part de ce qui reste, il vaudrait mieux n'en rien dire : cela n'intéresserait personne, ou du moins ne contribuerait en rien à l'histoire de ce que nous avons été. Reste un mince récit linéaire - quelques centaines de pages - autour duquel s'agglutinent, comme un berlingot, les intérêts qui retiendront quelques heures le commun des lecteurs, pareils à des enfants friands de sucreries qui préféreraient quelque chose de plus savoureux et de moins dur. Pour nous, cependant, ces heures ont été précieuses. Elles sont notre trésor. C'est tout ce que, raisonnablement, nous devrions offrir.
Un tel isolement possède une grande vertu. Il laisse du temps pour penser : ce que j'appelle penser, c'est-à-dire surtout noircir du papier. C'est toujours en écrivant que j'ai éprouvé mes plus grandes satisfactions.
Je ne peux en dire plus que ce que je ne sais. J'ai vécu plus au moins au jour le jour ; et c'est ainsi, au jour le jour, que je décris ma vie, et que je me suis efforcé de trouver un sens à mes échecs et à mes succès. Non que je sois parvenu à des conclusions profondes. Mais les événements les plus insignifiants peuvent avoir un certain poids.
William Carlos WILLIAMS – Le génie derrière Paterson (DOCUMENTAIRE, 1988)
Un documentaire de Richard P. Rogers réalisé en 1988 pour le numéro 13 de la série "Voices and Visions". Présences : Allen Ginsberg, Marjorie Perloff, Hugh Kenner, James Laughlin, William Eric Williams, Dickran Tashjian et The glandu's club. Support de traduction : Jacqueline Saunier-Ollier, Yves di Manno, Alain Pailler et André Léssine. Sous-titrage : Lucie Gaidier.