Ce thriller est l'un des livres les plus humains qu'il m'ait été donné de lire, j'en reste estomaquée après l'avoir terminé. Il s'agit là du second roman de l'auteur écrit en 2002, et je me demande ce qu'il attend pour en écrire un autre ! J'ai presque envie de partir à l'autre bout du monde pour jouer les Annie à la Misery.
Comme cela m'arrive rarement, j'ai eu du mal à poser ce livre tant j'étais immergée dans la vie d'Angel Rock et de ses habitants. L'écriture de Darren Williams est d'une profondeur et d'une vivacité qui nous font arpenter les rues de cette bourgade, nous donnant l'envie de pousser la porte de chaque habitant pour découvrir ce que l'on nous cache. Et ce, même si on se doute que c'est encore pire que ce à quoi on pense.
Le décor aride et délabré, de même que chaque endroit de cette ville apparaissent sous nos yeux, charriant des odeurs qui leur sont propres, dévoilant une face aussi belle qu'inquiétante. Il y a également dans ce récit une aura bien particulière dont on peut dire qu'elle est mystique, comme si la ville elle-même, et la nature l'entourant, souhaitaient nous dévoiler les secrets enfouis depuis des générations. Sans compter le fond de religion qui retranscrit bien les moeurs australiennes des années 70.
Le roman se construit sur une alternance de points de vue, aussi bluffants les uns que les autres. On perçoit, grâce à eux, des versions différentes de l'histoire qui nous est racontée avec des propos adaptés à chaque protagoniste, nous les rendant attachants sans que l'on puisse lutter. Outre cela, il y a de la poésie dans chaque point de vue, semée comme de la poussière d'étoile par un auteur qui maîtrise son récit sur le bout de ses doigts de fée. Il raconte son histoire avec tant de conviction et d'honnêteté qu'on se laisse embarquer, voyant se succéder devant nos yeux des images à la place des mots.
Plusieurs histoires s'enchevêtrent car nous sommes dans une petite ville où les habitants naissent et meurent, passant le flambeau des souvenirs à leurs enfants sans garantie qu'ils ne se brûlent pas au passage. Il y a un malaise certain qui imbibe les pages de ce roman, brouillant machiavéliquement les pistes à peine entraperçues. Il est renforcé par la manière d'exploiter les liens familiaux qui apparaissent tour à tour chaleureux et ambigus.
Cette construction scénaristique nous permet de découvrir le jeune Tom, un adolescent aussi mature qu'innocent qui doit vivre avec la disparition de son frère adoré, Flynn. C'est l'occasion pour le lecteur de découvrir combien la perte d'un enfant peut détruire une famille, et broyer le coeur de celui qui se sent responsable. À côté de cela, la ville doit faire face au suicide de Darcy, une autre adolescente, dont on a tôt fait d'enterrer le corps. Gibson, un policier hanté par son propre passé familial, tente d'exorciser ses démons en cherchant à connaître les motivations de la jeune fille. Les deux enquêtes reposent entre les mains de Pop Mather, un vétéran qui dirige la police locale d'Angel Rock. C'est un homme bien, un père aimant, qui va servir de catalyseur à toutes ces émotions négatives. Il sera le roc de chaque intervenant, partageant avec eux sa sagesse et sa tranquillité d'esprit.
Ce livre parle de chagrin mais aussi de reconstruction. Ainsi, nous suivons Tom au jour le jour qui ne cesse de penser à son frère, la culpabilité l'étreignant autant que l'espoir indicible de le retrouver. On découvre l'amour à ses côtés, et c'est beau, délicat, plein de poésie. Cela forme un merveilleux contraste avec cet univers abrupt et violent dans lequel il est empêtré bien malgré lui.
On voit les pages défiler, nous entraînant inéluctablement vers une fin qu'on ne veut pas voir venir, car au fur et à mesure de notre avancée, les chapitres se teintent d'une nouvelle couche de noirceur qu'on espérait avoir laissée derrière nous avec les deuils consommés en début de livre. le dénouement est comme il se devait d'être : douloureux et intense, et on ferme le livre, le regard dans le vague, une partie de nous encore à Angel Rock.
Voici un thriller que je recommande. Il est rare de trouver un livre qui véhicule une telle intensité grâce à une écriture visuelle et poétique, qui donne à penser que les personnages et les paysages se renvoient la balle côté sentiments.
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