AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 5Arabella


La pièce est écrite et créée en 1958, et sera adaptée l'année suivante en flm, mis en scène par Joseph L. Mankiewicz. Elle est relativement brève et se compose de quatre tableaux.

Dans le premier tableau, Madame Venable une riche femme âgée parle à un jeune médecin, le docteur Cukrowicz. Ce dernier travaille dans un hôpital psychiatrique où il pratique des expérimentations de lobotomie, et il cherche des fonds pour poursuivre ses recherches. Madame Venable évoque son fil, Sébastien, mort l'été dernier. Une relation très forte existait entre eux, et Madame Venable n'a visiblement pas fait le deuil suite à sa disparition. Elle en vient progressivement à la raison du présence du docteur : sa nièce, Catherine, qui était présente à la mort de Sébastien, tient à ce sujet des propos qui paraissent inacceptables à Madame Venable, et qui veut à tout prix la faire taire. La lobotomie lui paraît être la solution. le docteur veut voir Catherine avant de décider. Catherine arrive accompagnée par une religieuse.

Dans le deuxième tableau, Catherine est bousculée par la religieuse infirmière qui l'accompagne dans sa sortie de l'hôpital privé où sa tante l'a fait internée. Elle se doute du risque de la lobotomie, elle a conscience de la présence du docteur qui l'observe de loin. Elle livre quelques détails de sa relation avec Sébastien et de la personnalité de ce dernier.

Mme Holy, la mère de Catherine, et Georges, son frère, essaient de la persuader de ne plus évoquer la mort de Sébastien, telle qu'elle l'a racontée jusque là. Georges est particulièrement virulent : Madame Venable bloque des legs importants faits par Sébastien à sa famille, mécontente de l'image donnée par Catherine de son fils. Sa mère l'accuse d'avoir inventé une histoire épouvantable, signe d'évidente folie.

Dans le quatrième tableau, le docteur va administrer à Catherine un sérum de vérité pour l'obliger à raconter son histoire, pour juger de son état d'esprit. Ce qui nous permettra de savoir enfin ce qui s'est passé. le récit jette une lumière très différentes sur Sébastien, et sur sa relation avec sa mère. Mais la question de la véridicité du récit et de la folie de Catherine reste posée.

Cette pièce est finalement assez classique : l'unité de temps, de lieu et d'action est parfaite. de plus, nous ne voyons pas de réelle action sur scène, le récit passe par la parole, en particulier, celle de Catherine et Madame Venable, qui livrent toutes les deux leur vision de Sébastien. Une vision idéalisée, reconstruite, par Madame Venable, dans laquelle son fils est un poète, totalement asexué pour ainsi dire. Et la version de Catherine, qui en dresse un portrait très différent, jusqu'à sa mort tragique, très proche de ce que l'on pourrait trouver dans une tragédie. Petit à petit se révèlent les refoulés, le désir, une sexualité malsaine et prédatrice. le vernis de Madame Venable craque petit à petit, et au final son comportement devient plus proche de la folie que celui de sa nièce.

C'est une lecture psychanalytique qui ancre la pièce dans son temps, et donne une vision du drame centrée sur les pulsions, sur les refoulements, les interdits. Les événements tragiques sons expliqués par ce qui habite les individus, et non plus les dieux ou la destinée. Il y a aussi une efficacité presque de l'ordre du suspens dans la façon de révéler la manière dont s'est passé la mort de Sébastien, qui elle est presque cinématographique. Là aussi, c'est une irruption de la modernité dans le théâtre, une façon de moderniser le spectacle théâtral. Rien d'étonnant que la pièce, et aussi de nombreuses autres pièces de l'auteur aient été adaptées avec succès au cinéma.

C'est incontestablement fort et maîtrisé de bout en bout, et pouvant donner lieu à un spectacle puissant, à condition de trouver des acteurs qui puissent faire oublier les monstres sacrés du film, les images de ce dernier pouvant être un obstacle à l'imaginaire du spectateur de la pièce.
Commenter  J’apprécie          202



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}