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Critique de LadyDoubleH


Entre deux lectures un peu rudes, je me suis fait le plaisir de relire Quatre lettres d'amour, de l'irlandais Niall Williams. Gros coup de coeur à chaque fois. le titre peut tromper, car ce n'est pas une romance comme on l'entend à l‘heure actuelle, mais plutôt l'épopée épique d'un amour destiné ; on pense à quelque Tristan et Iseult moderne. Entre la banlieue de Dublin et les îles d'Aran, deux destins, une narration puissante et l'âme irlandaise joliment saupoudrée de réalisme magique. Étincelant.

Le roman commence ainsi : « J'avais douze ans lorsque Dieu a parlé à mon père pour la première fois. Il ne lui a pas dit grand chose. Il lui a enjoint de devenir peintre […] ». Pendant que William Coughlan, grand, maigre, le cheveu blanc claquant au vent, part pendant de longues semaines à l'autre bout du pays et tente d'apprivoiser sur ses toiles la lumière atlantique, Nicholas et sa mère restent seuls dans leur pavillon dublinois, à la dérive. Pendant ce temps, sur une île au large de Galway, le jeune frère d'Isabel, Sean, musicien chevronné, succombe à une attaque qui le laisse privé de la marche et de la parole ; Muiris, son père instituteur, noie discrètement ses poèmes enfuis dans le whiskey. Nos vies se tissent parfois de fils dont on ne sait pas tous les autres noeuds. Devine-t-on ce qui nous attend au bout de la grève, à l'orée d'un nouveau matin, au prochain croisement ?

« Les hivers étaient précoces. Ils verglaçaient les routes sous mon vélo, et j'entrais en ville si lentement, les matins de janvier aux aurores givrées, que chaque tour de roue semblait dégager un copeau de ma vie et m'amener au bureau des semaines plus âgé que lorsque je m'étais mis en route. »

Cette histoire est habitée. La plume de Niall Williams se montre souvent lyrique mais sans lourdeur, et la traduction est belle. Les passages sur l'île d'Aran m'ont rappelé Skerrett de Liam O'Flaherty, et le ton de la vie des Coughlan a l'esprit de certains textes de Brady Udall. de plus, notons-le, les beautés des temps capricieux sont magistralement rendues ! (c'est la bretonne qui parle) : « Les ciels sous lesquels nous dormions étaient trop instables pour se livrer à la moindre prévision. Ils changeaient au gré des caprices de l'atlantique, qui nous rabattait une demi-douzaine de temps différents dans l'après-midi, et nous jouait les quatre mouvements d'une symphonie des vents, allegro, andante, scherzo et adagio, sur l'échine brisée des vagues blanches. »

Quatre Lettres d'amour vient d'être joliment réédité (mais il vaut mieux éviter de lire le quatrième de couverture) aux éditions Héloise d'Ormesson, du coup je l'ai racheté (mon premier exemplaire, déjà lu deux fois par moi – en 1999 et en 2007 – et quelques autres par des amis, le pauvre bat sérieusement de l'aile…). Un roman qui parle directement au coeur de chacun, je crois. À découvrir !

« Il y a des choses qui ne se prêtent pas à être racontées. {…] Les mots parfois aplatissent les émotions les plus profondes, les épinglent, papillons dont le vol splendide s'engourdit et qui ne seront plus désormais que le lointain souvenir de ce qui naguère colorait l'air et le faisait palpiter comme de la soie. »
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
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