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Critique de horline


William Stoner n'a rien du héros romanesque : toute sa vie il traversera les années tête baissée, se tiendra voûté sous le poids d'une vie sombre et ingrate, lourde de lassitude et de chagrin muet… et pourtant on se laisse prendre par la main de l'auteur qui nous promène sur le chemin d'un récit délicat et hors du temps, avec une voix particulière qui offre à cette vie passée sous silence une vibration unique.

Marié à une femme acrimonieuse, obligé de vivre dans un monde hostile, ce fils de fermier devenu professeur au sein de l'Université du Missouri mène une vie sans plaisir, mais sans heurt non plus. Doux et sensible, il apprivoise lentement les choses qu'il n'a pas apprises dans la ferme austère de son père lorsqu'il était enfant. Pour les choses et les comportements vulgaires qu'il ne peut appréhender, il trouve refuge auprès de ce qui l'a profondément révélé à lui-même : la littérature. Seul son amour des livres lui permet de conserver un air placide face aux mesquineries et aux rancunes tenaces qui le poursuivent toute sa vie durant.

C'est peut être cela qui rend ce personnage attachant. Un homme trop poli pour se plaindre, qui n'emploie jamais de phrases violentes ou implacables susceptibles de blesser autrui ou d'ébranler le cours de sa vie. Un homme qui a conservé la naïveté de sa jeunesse, la simplicité et la maladresse de sa pauvreté d'origine. Un homme digne qui refuse les querelles d'égo, l'arrogance du savoir et les manoeuvres de couloir. Bref, un homme animé par un profond « respect craintif et émerveillé ».

Mais c'est aussi la plume gracieuse et parfois naïve de John Williams qui magnifie ce destin fragile. On se laisse absorber par un texte coloré d'une tonalité profonde et grave qui saisit parfaitement les vicissitudes de la vie et les afflictions masquées. L'auteur se cache derrière une narration à l'empathie lointaine qui parvient à faire émerger de cette vie pleine de tristesse pudique quelques instants de bonheur et de tendresse lesquels apparaissent comme autant de séquences lumineuses et précieuses.


Le livre raconte un homme qui a vécu comme un étranger à sa propre vie, qui s'est parfois très (trop ?) rapidement abandonné à une impuissance silencieuse, une résignation discrète. Certains peuvent être tentés de considérer ce personnage comme lâche et faible. Et pourtant on s'émeut de la volonté de Stoner de s'accrocher à des valeurs humaines qui apparaissaient déjà au début du XXe dépassées.
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