AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,07

sur 389 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Stoner, publié sans succès en 1965 et considéré par certains comme un des secrets les mieux gardés de la littérature américaine, est l'histoire de William Stoner, fils unique d'un couple de paysans du Missouri. Alors que l'attend un destin de fermier tout tracé , un concours de circonstances le parachutera à l'université de Missouri pour des études d'agronomie. Il en ressortira professeur de Littérature anglaise.
Située au début du siècle dernier, on y suit la vie ordinaire d'un homme solitaire à travers une vie confinée aux enceintes d'un milieu académique austère et puritain. Il y rencontrera sa femme, et plus.....dans un milieu où les contraintes sociales, les rapports de force, les frustrations et ambitions personnelles inhibent toute possibilité d'amitié, d'amour et de bonheur, et pourtant.....Un homme calme et paisible, stoïque, souvent passif, mais qui prendra quand même des décisions courageuses, même si leurs conséquences deviendront les parois de sa prison. Un homme intelligent que j'ai personnellement beaucoup aimé avec ses faiblesses et ses principes, un personnage réel, humain, qui n'a rien de fictif.

Un livre faussement simple, une narration superbe ( v.o.) où à travers les détails descriptifs, surtout de physionomie, très visuels, comme ceux des traits du visage, des mains, de la position du corps..... on capte l'atmosphère, les personnages dans leurs angoisses, leurs tensions, leurs peurs....Chaque phrase, chaque mot est choisi avec précision et pourtant une prose très naturelle qui ne donne aucune sensation d'être travaillée. Une économie de mots qui simplifie le complexe sans en changer ni le contexte ni le fond, comme la description de la cérémonie de mariage, court et simple avec une scène finale éprouvante, "Ce n'est qu'une fois dans le train qui devait les porter à Saint Louis pour la semaine de leur lune de miel, que William Stoner se rendit compte que tout était fini et qu'il avait une femme".
Stoner c'est aussi une histoire sur l'amour, les divers formes d'amour, amour pour le savoir, la littérature, sa fille, les femmes.....et tout ce que s'y oppose, (“Ce(l'amour) n'était pas une passion ni de l'esprit ni de la chair, mais une force qui comprenait tous les deux, comme s'ils n'étaient pas que la matière de l'amour mais bien sa substance spécifique. À une femme ou à un poème , il disait simplement: Voilà ! Je suis vivant."**).

De tout ses romans, il paraît que, bien que non autobiographique, c'est celui qui est le plus proche de la propre vie et carrière de John Williams ( 1922-1994 ). Il vient aussi d'un milieu rural du Texas et dédiera sa vie aux livres et à l'écriture à l'Université de Denver. Stoner est un livre dense, intemporel, un classique dont il ne faut absolument pas passer à côté.


"Brian Wooley:-Est-ce que la littérature est écrite pour divertir ?
John Williams :-Absolument. Mon Dieu, lire sans joie c'est stupide. "
( Interview donné à Wooley en 1985)

**It was a passion neither of the mind nor of the flesh; rather, it was a force that comprehended them both, as if they were but the matter of love, its specific substance. To a woman or to a poem, it said simply: Look I am alive.

Commenter  J’apprécie          11414
« Il avait quarante-deux ans. Il n'y avait rien devant qui le motivât encore et si peu derrière dont il aimait se souvenir… » Voilà notre homme…je vous présente William Stoner…une vie triste, grise, solitaire, ponctuées d'illusions perdues, ça ne donne pas franchement envie n'est-ce pas ? Pourtant, voilà un chef d'oeuvre. Cinq étoiles, un vrai cinq étoiles.

Je me suis prise de passion pour ce William Stoner, cet homme ordinaire, stoïque, au physique un peu disgracieux, «voûté dès son plus jeune âge», supportant, toute sa vie durant, des échecs et surtout de multiples humiliations. Comment peut-on dévorer un livre, le déguster, l'aimer, alors que ce livre relate la vie confinée d'une sorte d'anti-héros ? Comment peut-on finir le livre, être émue au point de se murmurer « merveille…» ?
Sans aucun doute l'écriture feutrée, délicate et ciselée de l'auteur y est pour quelque chose, sans parler de la traduction d'Anna Gavalda qui a réussi à rendre compte du génie de John Williams. La présence d'éclats lumineux traversant la vie de Stoner nous font également soupirer d'aise, comme autant de notes d'espoirs et d'étoiles saupoudrées, venant illuminer le roman. Enfin et surtout William Stoner est proche de nous, il parle de façon intime à notre façon de faire face à nos propres illusions perdues. Il est profondément humain au point de ne plus être un personnage fictif.

L'histoire se déroule au début du XXè siècle. Stoner vient d'une famille paysanne du Missouri. Alors que son destin de fermier semble tout tracé, son père, contre toute attente, le pousse à tenter l'université de Columbia pour, au départ, des études courtes d'agronomie permettant de l'aider à produire davantage. A la suite d'un cours de littérature anglaise, où il comprend que « le poème de Milton qu'il lisait – ou l'essai de Bacon, ou encore la pièce de Ben Jonson – changeaient l'humanité qu'ils avaient prise pour sujet et la changeaient pour la seule raison qu'ils en étaient dépendants », il décide de changer de cursus et deviendra professeur de Littérature anglaise. Il ne quittera jamais le campus, se liera d'amitié avec deux collègues. Et tombera amoureux d'Edith avec laquelle il se mariera vite et aura une fille, Grace. Témoin lointain des soubresauts de l'histoire (les deux guerres mondiales, la crise de 1929), son mariage sera un fiasco, sa vie conjugale se révélera être très vite âpre et amère, son rôle de père sera entravé et gâché, son métier, dans lequel il va se révéler peu à peu, sera ponctué d'embuches et de frustrations. Il devra renoncer à son véritable amour, découvert tardivement à l'âge de 43 ans. Une suite d'illusions perdues pour cet homme plongé dans un milieu où les contraintes sociales étouffent toute velléité de bonheur.

Cet homme m'a tant touchée. S'il semble hésitant, peu engageant de prime abord, indifférent au monde qui l'entoure, passif, il s'avère être de plus en plus calme et rassurant. Il saura prendre des décisions radicales et courageuses même si ces décisions auront pour conséquences de l'isoler davantage. Étonnamment, il se révèle également être un grand amoureux. Amoureux de la littérature, du savoir, amoureux de sa fille et amoureux de Katherine. Un amoureux aux multiples facettes, la passion, la flamme, la foi seront toujours présents, intenses et inébranlables. Oui, quelle tendresse et quelle proximité j'ai eu pour cet homme studieux, pour ne pas dire besogneux, stoïque, sensible et habité par une passion inébranlable des livres ! « Il n'avait jamais perdu de vue le gouffre qui séparait son amour de la littérature de ce qu'il était capable d'en témoigner. »

La poésie, présente tout au long du livre, souvent pour capturer la beauté des paysages, est au sommet de son art quand Stoner observe la femme qu'il aura aimé profondément, Katherine : « Ses yeux, qu'il avait vus brun sombre ou noirs étaient en réalité d'un violet très profond. Leur éclat s'irisait lorsqu'ils accrochaient le faible halo de la lampe et comme ils changeaient sans cesse de nuance selon l'angle sous lequel il les regardait, même fixes ils vivaient encore. Quant à son teint qui, de loin, semblait si pâle, il cachait sous son masque d'albâtre une carnation d'un rose intense et délicat. On avait l'impression qu'un rai de lumière traversait un verre dépoli. Et comme c'était toujours le cas avec ces peaux si fines, la maîtrise, le calme et la réserve qui, avait-il cru, trahissaient sa nature profonde masquaient en réalité une gaieté et une ardeur dont l'intensité était d'autant plus vive qu'elle était ainsi tenue secrète. »

Une lecture indispensable à tous les amoureux des livres. La soif de savoir et de lecture y est flamboyante ; elle ne connait ni loi, ni âge, ni limite et sera la seule passion qui ne trahira pas Stoner même dans les pires moments de sa vie. Les livres, ces compagnons salvateurs. Ce sera d'ailleurs le dernier geste de tendresse qu'il aura juste avant de mourir : celui de prendre et de caresser un livre…

Commenter  J’apprécie          9135
Eloge de la discrétion, de l'humilité et de la bonté, Stoner est un roman qui m'a touché en plein coeur et me tient encore chaud aujourd'hui. John Williams nous fait découvrir et aimer un homme ordinaire qui a le courage de quitter le milieu rural où il a grandi et sa zone de confort pour vivre sa passion des livres et la transmettre à ses élèves.

Stoner est à la fois un homme comme tout le monde et un héros de l'ombre, un de ceux à qui on n'adresse pas spontanément la parole pour cause de trop peu d'importance. Un héros, parce-qu'enseigner c'est se jeter dans l'arène et accepter qu'on ne maitrise jamais tout, même si on maitrise ses matières. Aussi sa passion pour la littérature l'élèvera autant que l'amour le fracassera.

Stoner mérite bien plus que ces quelques lignes. C'est un de mes romans préférés et paradoxalement un de ceux dont j'ai le plus de mal à parler. C'est une babeliote, que je salue au passage, qui m'a soufflé un début d'explication. Stoner est un roman dont le plaisir réside dans l'intime. Et l'intime ne se raconte pas…

John Williams est un tisseur d'histoires hors norme et son écriture sublime (voir aussi « Butcher's crossing ») nous révèle constamment la beauté de petites choses insignifiantes.

Anna Gevalda a ressorti ce bouquin des limbes de l'édition (il fut édité en 1965 sans réel succès) et en a assuré la très belle traduction française.

Commenter  J’apprécie          6922
William Stoner est un anti-héros ordinaire. Nous sommes en 1910. Ses parents sont des agriculteurs pauvres et de façon inattendue il est envoyé à l'université du Missouri pour étudier l'agronomie. A la suite d'un cours de littérature anglaise, Stoner décide de changer de cursus. Il ne quittera plus le campus. Totalement dévoué aux études et à la passation du savoir, il refuse la compromission et choisit de rester complètement fidèle à ses idéaux aux dépens d'une carrière brillante.

John Williams dépeint habilement la vie sur un campus, l'ambiance lorsque la guerre de 1914 puis celle de 1939 sont déclarées. Mais plus que tout, nous suivons pas à pas Stoner, dans ses pensées, dans sa vie quotidienne, dans les choix qu'il fait. Quelqu'un qui comme dédoublé se voit agir sans jamais oser vivre vraiment. le texte précis, dégraissé de tout superflu, nous raconte la vie ordinaire d'un homme extraordinaire qui privilégie ses valeurs pour ne pas sombrer dans un monde de faux-semblant.

Commenter  J’apprécie          692
Ne vous laissez pas berner par la couverture, ce livre n'a pas été écrit par Anna Gavalda mais bel et bien par le brillant John Williams - auteur trop peu connu à mon goût -. Anna Gavalda, elle, n'en est que la traductrice ou, comme je me plais a appeler les traducteurs "un passeur de mots". D'ailleurs, je suis très heureuse qu'elle soit l'instigatrice de ce projet car il aurait été extrêmement dommageable pour nous, lecteurs, que cet ouvrage nous glisse entre les doigts et que nous passions à côté de cette superbe lecture, ouvrage que je considère réellement comme un chef-d'oeuvre. D'ailleurs, c'est pour cela que j'ai fait traîner ma lecture le plus possible (alors que je l'avais pratiquement terminé au bout de deux matinées de lecture) pour en savourer le plaisir jusqu'au bout et que je savais, qu'une fois terminé et même s'il m'arrivait de le relire un jour, je ne ressentirai plus jamais cette joie que j'ai eu en le découvrant et en tournant les pages pour savoir ce qu'il allait se passer derrière. Un ouvrage qui m'a pas moments fait penser au film puis à l'adaptation livresque qui en a découlé "Le cercle des poètes disparus".

Bref, parlons maintenant un peu de l'intrigue. Cette histoire se déroule au tout début du XXe siècle à l'Université du Missouri. William Stoner personnage qui a donné son nom au titre de ce livre, fils de fermiers, y ait rentré à l'âge de dix-neuf ans afin d'étudier les bases techniques de l'agriculture, en plus de s'instruire dans d'autres matières, afin, de pouvoir plus tard mieux aider son père, au durs travaux de la ferme et l'aider à améliorer leurs pratiques et ainsi, leur production. Ce qui devait n'être au départ qu'un court cursus universitaire se prolongea finalement bien plus que prévu tant Will (le diminutif de William, je suppose que vous l'aurez tous compris) se passionna pour la littérature anglaise et décida de changer complètement d'orientation. Cela, il le doit à l'un de ses professeurs qui lui donna ce goût-là et à ses deux camarades, David Masters (dit Dave) et Gordon Finch. Ils devinrent rapidement un trio inséparable jusqu'à ce que l'entrée des Etats-Unis s'engagent à leur tour dans la Grande Guerre et que, tous, jeunes et bien trop naïfs, eurent à faire des choix...

Voilà pour la première partie de l'histoire et je ne me risquerai certainement pas à vous en dire plus car ma critique risquerai de s'étendre sur des pages alors que parfois, un simple petit mot suffit à tout dire : Superbe !

L'écriture est fluide et limpide (certes, on ne peut jamais réellement juger d'après une traduction...dans ce cas-là, l'idéal serait de lire tous les ouvrage dans leur langue originale, ce que nous sommes bien entendus bien incapables de faire car nous ne pouvons absolument pas tous parler couramment toutes les langues mais seulement certaines), l'histoire entraînante et passionnée. Attention préparez vos mouchoirs mais c'est une lecture que je ne peux (excusez-moi d'insister) que vous recommander vivement !

Commenter  J’apprécie          666
Un livre coup de coeur ! le livre débute par une note de Anna Galvada expliquant le pourquoi elle a traduit cette oeuvre de John Williams : en lisant une interview de Colum McCann parue dans le quotidien anglais The Guardian dans laquelle McCann affirmait que ce roman était un grand oublié de la littérature américaine ... Merci Anna Galvada, j'ai adoré ce roman.
À la fin du livre, John Williams précise qu'il s'agit d'une fiction et qu'aucun des personnages ou des événements dépeints ne lui a été inspiré par la réalité connue à l'université, précision importante car j'ai réellement eu l'impression d'une autobiographie. Ce roman est la vie de William Stoner, fils d'un fermier du Missouri qui, ayant toujours eu de très bons résultats scolaires, a l'opportunité d'entrer à l'université du Missouri. Il commence ses études à la section agronomie, c'est pour ces études que son père a accepté de l'y envoyer. Lors d'un cours de littérature, il a la révélation de sa vocation future, devenir le professeur de littérature anglaise qu'il sera toute sa vie. John Williams raconte la vie de Stoner, une vie très riches en émotions diverses. À lire !
Commenter  J’apprécie          441
Bien des auteurs qui publient pour la rentrée littéraire aimeraient être réédités dans 50 ans comme ce roman de John Williams, que j'ai lu d'une traite.

C'est la chronique géniale de @Bookycooky qui attire notre attention sur ce beau texte. Il vous emmène dans l'esprit de William Stoner, un professeur d'université, fils de paysan comme l'auteur. Je la remercie sincèrement pour ce conseil de lecture . J'ai dû attendre un peu pour le lire avec le calendrier chamboulé de l'été à la médiathèque.

Simplicité, intensité , sincérité , c'est ce qui me vient à l'esprit après les dernières pages bouleversantes de ce roman qui ne triche pas avec l'humanité de son personnage principal.

J'aime beaucoup l'idée que Shakespeare puisse réveiller un mort-vivant, un homme tellement engoncé dans une carapace défensive contre la dureté du monde qu'il se décrit comme absent de lui-même, et détermine ainsi une vocation d'enseignant.

La lecture et l'étude comme refuges, sources d'apaisement, contre les aléas, mesquineries et autres épreuves, je crois bien que nombre d'entre nous ont partagé cette émotion. On souffre avec William Stoner, on ressent son impuissance, sa volonté de ne jamais chercher à envenimer les choses. On apprécie aussi son courage, et son détachement sur la foire aux vanités qui l'entoure chez lui, en famille ou dans le département de littérature .

J'aime aussi cette réflexion complexe et nuancée sur la guerre qui par deux fois fait irruption dans le quotidien de l'université et la désorganise. La grande Histoire qui percute la petite histoire et remet tout en question. Ce microcosme plus ou moins imaginaire est à l'image du monde. Ce sont des conflits lointains pour le Missouri, mais ils glacent le coeur, tuent les amis, transforment l'âme des vivants, rendent le monde plus laid.

Un très grand roman .




Commenter  J’apprécie          434
Il est rare qu'un roman étranger affiche en première de couverture le nom de son traducteur, d'autant plus à la même taille que celui de l'auteur et dans une couleur plus soutenue. Quand j'ai vu « traduit par Anna Gavalda », j'ai failli partir en courant, mais une petite admonestation personnelle m'a convaincue de laisser sa chance à ce livre qui ne m'avait rien fait. Et bien m'en a pris ! Anna Gavalda a traduit ce roman sans y glisser les tics et les tournures qui m'ont tant agacée dans les quelques romans que j'ai lus de cette auteure. Finalement, c'est un grand merci que j'adresse à la traductrice pour m'avoir fait découvrir ce roman de 1965 qui mérite d'être très largement connu. Mais venons plutôt au roman.

William Stoner est né en 1891 dans une famille de paysans pauvres. Dans l'espoir qu'il reviendra à la ferme mieux armé pour affronter une terre ingrate, ses parents l'envoient à l'université de Colombia, dans le Missouri, pour suivre un cursus en agriculture. Mais rapidement, le jeune Stoner se découvre un intérêt immense pour la littérature et il abandonne l'agriculture pour s'inscrire en licence de lettres. « Ses doigts malhabiles tournaient les pages avec le plus soin, terrifiés qu'ils étaient à l'idée d'abîmer ou de déchirer ce qu'ils avaient eu tant de mal à découvrir. » (p. 25) Stoner est loin d'être un génie, mais il finit par obtenir son doctorat et devient professeur au sein de l'université de Colombia.

Quand survient la Première Guerre mondiale, Stoner décide de ne pas s'engager. « On ne devrait pas demander aux professeurs de détruire ce qu'ils ont, leur vie durant, cherché à édifier. » (p. 54) Cette décision est la première d'une longue liste qui, pour être raisonnable, n'en est pas moins mauvaise puisqu'il la portera toute sa vie avec embarras. Survient Edith Bostwick, jeune fille de bonne famille, et voilà que Stoner s'enflamme et n'envisage plus la vie sans elle. le mariage est rapidement conclu, mais il tourne au vinaigre dès la première nuit. Toute la vie conjugale de Stoner sera alors marquée par le ressentiment et l'inimitié, et ces sentiments amers troubleront durablement l'unique enfant du couple.

Stoner n'a qu'une passion, le savoir. Il enseigne dans l'espoir d'être un passeur, mais une querelle avec un autre professeur entrave sa carrière. Une nouvelle fois, il se résigne et poursuit une vie universitaire studieuse et têtue, comme si le travail était sa seule planche de salut. « Pendant les vacances de Noël, […], William Stoner pris conscience de deux choses : d'une part l'importance et la place cruciale de sa fille dans son existence, d'autre part l'idée qu'il était possible, qu'il lui était possible de devenir un bon professeur. » (p. 152)

Époux raté, père meurtri et professeur frustré, Stoner est un personnage très émouvant qui semble programmé pour ne faire que les mauvais choix et pour battre en retraite quand on attendrait de lui qu'il se batte. « Tout ce qu'il l'émouvait, il l'abîmait. » (p. 153) Il n'a rien d'un lâche ou d'un looser, mais il est sans envergure et il ressent constamment une« absence à lui-même », comme si les évènements se déroulaient sans lui et sans qu'il marquât l'histoire. « Il avait quarante-deux ans. Il n'y avait rien devant qui le motivât encore et si peu derrière dont il aimait se souvenir. » (p. 245) Stoner n'a que la force des faibles, cette patience sans espoir qui permet d'attendre des jours meilleurs.

Quelle tendresse j'ai eu pour cet homme long et courbé, besogneux et habité par une passion désespérée des livres ! « Il n'avait jamais perdu de vue le gouffre qui séparait son amour de la littérature de ce qu'il était capable d'en témoigner. » (p. 152) Ce roman n'est pas flamboyant, il ne s'y passe finalement pas grand-chose, mais il développe une lente réflexion sur la vie de ceux qui ont besoin des livres. Avec l'histoire des États-Unis en filigrane – prohibition, krach boursier de 1929, pauvreté paysanne, modernisation –, la vie de Stoner n'est pas une pièce tragique, c'est une parabole. Amis des livres, ce roman est pour vous !
Commenter  J’apprécie          4213
Stoner est un roman particulièrement touchant. C'est l'histoire d'une vie simple avec ses joies, ses échecs, ses rebonds. Stoner est fils d'agriculteurs, mais ne reprendra pas l'exploitation familiale. C'est de littérature qu'il est épris et vouera sa carrière à l'enseignement. Professeur engagé, il a le souci de transmettre. A côté de cela sa vie s'écoule tranquillement sans laisser trop de place à l'homme dans ses aspirations profondes. Personnage très touchant !
Commenter  J’apprécie          354
Encore une belle découverte grâce à Bookycooky. Je reprends ses mots : un classique, super, j'y raconte rien sur mon billet. Parce qu'elle sait que j'aime les surprises. Je ne dirai donc pas que ce roman parle d'un jeune homme prédestiné à prendre la suite de ses parents en cultivant la terre. Une autre culture l'attend, celle du savoir. Vie d'un professeur : professionnelle, familiale, sociale, etc. Ordinaire, quoi ? Oui mais la plume en fait une oeuvre de haut niveau où le lecteur pénètre au plus profond dans l'intimité des déceptions et ratages de la vie. Voir critique de Bookycooky pour plus amples éloges.
Commenter  J’apprécie          353




Lecteurs (862) Voir plus



Quiz Voir plus

Dead or Alive ?

Harlan Coben

Alive (vivant)
Dead (mort)

20 questions
1820 lecteurs ont répondu
Thèmes : auteur américain , littérature américaine , états-unisCréer un quiz sur ce livre

{* *}