« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je vais vous parler d'un roman pour ados,
Normal(e) de
Lisa Williamson.
-Pourquoi des parenthèses ? C'est passé de mode, il faudrait un point, non ? normal.e.
-Non. C'est un choix délibéré illustrant le contenu du roman vu que la féminité est littéralement vécue entre parenthèses.
Or donc David, lycéen, vit une vie banale de lycéen entre les cours, sa soeur reloute mais mimi, ses potes, le harcèlement scolaire. Leo, lui, vit aussi une vie banale de lycéen, entre les cours, sa soeur reloute mais mimi, ses encombrants problèmes familiaux. David s'efforce de cacher à ses proches son secret : il est une fille… et déteste ce corps qui n'est pas le sien.
-Ca fait un peu article à sensation de presse à scandale, non ? « Mon fils est en réalité ma fille. »
-Ca pourrait en effet, mais non. Point de grandiloquence, de sensationnalisme ni d'étalage intime : David est une fille, voilà, c'est posé, on n'en parle plus sauf pour évoquer toutes les difficultés que cela inclut.
En empruntant ce roman, je m'inquiétais un peu : je savais qu'il y avait des scènes de harcèlement et je craignais qu'elles ne tombent très vite dans l'insoutenable. Fort heureusement l'autrice évite cet écueil et la représentation reste supportable. Je trouve qu'elle a gardé la mesure juste pile poil : montrer des faits odieux et inacceptables, en les atténuant assez pour ne pas traumatiser durablement le lectorat. Il va de soi que dans la vie non fictionnelle, ce n'est pas forcément aussi bien scénarisé, rappelons-le.
-Moi je trouve que c'est quand même tordu, de prétendre qu'on est une fille alors qu'on est un mec. Les transexuels, ils sont bizarres.
-On ne dit plus « transexuel », on dit « transgenre ». D'ailleurs, le genre se révèle plus compliqué que les organes génitaux en fait, les gens sont surtout ce qu'ils ont dans la tête. Et non, ce n'est pas plus tordu qu'être gay. Tu te souviens du manga le mari de mon frère ? Ces deux hommes qui partagent le même toit forment un reflet des couples hétéros, même s'ils ne sont pas eux-mêmes en couple. Ils partagent leurs tâches (‘fin, le reflet marche pour les couples hétéros où elles sont partagées), ont de petites attentions pour chacun. Normaux, quoi, si je puis utiliser ce terme.
Parfaitement identiques à n'importe quel couple.
Quand tu regardes la vie que mène David, elle n'est pas spécialement plus tordue que la mienne ou la tienne. Il va en cours, est nul en maths, il aime ses proches tout en se sentant seul, il est attiré par le beau gosse du lycée, il mène ses activités extrascolaires… bref, rien de bien différent, en somme. Et je pense que c'est l'un des atouts du roman, de nous le montrer comme…
normal, en fin de compte. C'est un lycéen ordinaire, gentil, tendre, affectueux et agaçant aussi parce qu'il ne faut pas oublier que c'est l'adolescence, tout de même.
-Avec les problèmes de Leo qui s'ajoutent, ça fait un peu beaucoup, quand même…
-Je ne trouve pas, non. Au contraire, je pense que cela donne plus de profondeur au roman, cela permet à l'histoire de couvrir un plus vaste champ d'expériences. J'ai adoré être dans la peau de Leo et vivre sa révolte, ses émois sensuels et amoureux, pleins d'euphorie et d'angoisse. Encore une fois, j'ai trouvé le ton très juste, et l'histoire sans niaiserie.
-Pourquoi tu enlèves une étoile, alors ?
-Parce que je l'ai fermé avec la sensation que je ne le relirai pas. Une fois m'a suffi.
Bref, un roman-plaidoyer pour la tolérance et l'acceptation, tout en présentant des personnages forts qui devront assumer leurs décisions et faire face au lieu de fuir. Une belle réussite. »