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EAN : 9782844855688
64 pages
Allia (16/05/2012)
3.52/5   25 notes
Résumé :
"C'était l’hiver, un hiver mordant de février, et je n'avais pas revu Billy depuis des mois, quand je tombai sur lui un soir à Shudehill. Il avait les cheveux en bataille, pas rasé, sans chaussettes malgré la froidure de la nuit et tremblant de la tête aux pieds, accroché à un réverbère dans une flaque de lumière jaune, et en pleurs. Il me vit approcher et se tordit pour libérer une main, en une invite désespérée. “Rouquin, cria Billy. Rouquin ! La partie est finie ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
CONTE DE LA FOLIE (TROP) ORDINAIRE.

Billy... Nommons-le ainsi, puisque c'est aussi de cette manière que le désigne le narrateur de la Cavale de Billy Micklehurst, derrière lequel se cachent les traits du jeune Tim Willocks, pas encore tout à fait majeur. Billy est l'un de ces nombreux - innombrables ? - traîne-misères, errants, vagabonds, SDF disons-nous aujourd'hui, comme si un sigle pouvait à lui seul jeter un voile pudique ce que ce que vivent nombres de pauvres gens : la misère, la faim, la maladie, l'alcool... Parfois, jusqu'à la folie.

Billy est de ce nombre. Mieux - et pire sans doute - il en est presque le parangon. Sans âge réellement déterminable, comme c'est si souvent le cas chez ces habitués des squatts à l'abandon, des ponts aux arches putrides, des quais venteux, des terrains vagues pas encore rendus inexploitable par des monceaux de roches volontairement déversés par des autorités en vaine de salubrité publique et d'électorat à rassurer - quand ce ne sont pas des douches froides qui les attendent - Billy pourrait ainsi avoir quarante années tout aussi bien que soixante. Son visage porte les stigmates de son existence vagabonde et si ses défroques portent à notre jugement l'état de déréliction dans lequel il subsiste, il n'en éprouve pas moins le désir de paraître comme en atteste cette écharpe rouge qui, affirme-t-il, aurait appartenu à la star internationale David Niven ! C'est qu'il tient aussi un peu du Clochard céleste, cet homme capable d'hypnotiser de son verbe affolé un petit auditoire de ses semblables.

Notre futur auteur - mais aussi, avant cette carrière dans l'écriture, futur médecin puis psychiatre - était alors fasciné par le sentiment intense de liberté que lui faisait ressentir son ami Billy. Ce n'est que plus tard qu'il compris que cette liberté, en partie vraie au demeurant, cette cavale permanente, étaient fort probablement doublée d'une très intense souffrance à être, entachée des symptômes liés à un trop important alcoolisme. Aussi Billy allait-t-il enfouir ce profond mal être dans ses rêves fou de protection des âmes mortes qui, puisqu'il dormait dans un des grands cimetières de Manchester, lui demandaient de les sortir de là : l'un des drames de Billy était qu'il n'en connaissait ni ne pouvait en trouver le moyen.

Des années après, à la fois pour rendre hommage à ce compagnon de formation parfaitement inconscient de l'avoir été et qu'il s'était engagé à donner un texte à un journal d'aide pour sans abris, Tim Willock revient sur cette rencontre saisissante et d'importance qui resta marquée au fer rouge au point de reconnaître ceci en conclusion du bref mais lumineux entretien que l'auteur donne aux éditions Allia comme conclusion à cette nouvelle fulgurante : «Billy n'avait pas d'importance aux yeux des gens, pourtant il a exercé sur moi une influence énorme qui perdure davantage que celle qu'ont eue la plupart des gens croisés au cours de mon existence.» Et d'achever, philosophe : «C'est le charme de la vie - jamais vous ne savez ce qui va vous changer de si merveilleuse et si intrigante façon.»

Un texte très bref auquel fait donc suite un entretien des plus éclairant sur la psychologie humaine, sur le sentiment - vrai, incorruptible ou altéré - de liberté, sur la folie, mot qu'il préfère au médical "psychotique" qu'il trouve dénué d'humanité ainsi qu'au cruel "aliénation", sur la souffrance profonde, ontologique chez certains, d'être au monde et de ne savoir comment s'y résoudre. Billy trouvera une solution définitive à ses angoisses : il sera découvert pendu à une croix dans le fameux cimetière dont il devait délivrer les âmes enchaînées...

«Je ne savais pas que l'esprit de Billy était l'équivalent neurologique du paysage dévasté qu'il habitait. Les rues de sa mémoire et ses hallucinations étaient, de façon erratique, éviscérées et en ruines, bombardées et calcinées, plongées dans l'obscurité, emplies de gravats et infestées de rats affamés.»

Combien de ces esprits dévastés et maudits dans les sous-sols de nos sociétés tellement proprement policées en surface...?
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Billy était un « transparent ». Il appartenait à la classe la plus misérable qui soit. « Quand on le regardait, Billy pouvait avoir dix ans au-dessous ou au-dessus de la cinquantaine. Des décennies sur les routes et d'innombrables litres […] de spiritueux méthylés avaient forgé son squelette, sa peau et ses organes internes en une épave indestructible. Son visage était remarquable pour ses yeux et ses dents. Les yeux parvenaient à être à la fois profondément enfoncés et férocement protubérants ; et pendant que sa mâchoire inférieure se glorifiait d'une rangée complète de chicots jaunissants, ses gencives supérieures affreusement ravagées n'en abritaient que deux – une canine et une incisive – qui oscillaient, précaires, et dépassaient quand il refermait la bouche. » Billy le SDF vivait à Manchester, « une cité sombre. Une ville fantôme. Une ville de parias fièrement dressée, majestueusement brisée. » Billy passait ses nuits dans les cimetières, couché sur les conduits du crématorium, à la recherche d'un peu de chaleur humaine. C'est là qu'il voyait les morts et leur parlait, désespéré à l'idée de ne pouvoir leur venir en aide. Ayant depuis longtemps basculé dans la folie, parvenu au dernier degré de la misère physique et morale, Billy a été retrouvé pendu à une croix du cimetière Sud, un matin d'hiver.

Dans cette courte nouvelle rédigée à l'origine pour un magazine vendu dans la rue par des sans-abris, Tim Willocks ressuscite un souvenir de jeunesse. Alors qu'il avait 17 ans, il est devenu l'ami d'un SDF ressemblant beaucoup à Billy. Au coeur du texte, il y a la souffrance. Dans un entretien avec l'auteur en fin d'ouvrage, ce dernier affirme : « La souffrance est presque la condition sine qua non de la vie de tout être humain. Riches, pauvres, bons, mauvais, laids, nous l'éprouvons tous. » Plutôt que de la pitié, le narrateur ressent pour Billy beaucoup de respect : « Il était dur sans pour autant être méchant. Il était passé maître dans l'art de la survie. Il s'affirmait libre là où nombre d'entre nous en sont incapables. »

Un beau portrait, où, finalement, la folie n'est jamais très éloignée d'une certaine forme de lucidité. Touchant et juste.

A noter que ce tout petit livre (9 x 14 cm) propose à la fois le texte en anglais et la traduction française.

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Une courte nouvelle, suivie d'un entretien avec le maître.
Tous deux passionnants, mettant en évidence à la fois l'humanité du bonhomme, et sa capacité magique à rendre palpable les souffrances du jeune Werth... euh Billy.
Où l'on a également l'occasion d'une visite guidée bien glauque de Manchester.
Au vu de la courtitude du texte, à réserver aux fans de Willocks je pense ; on peut rester sur sa faim. Pour les autres, ce n'est pas le choix qui manque dans sa bibliographie. Si on me demande... Ah vous me demandez ? OK, alors, puisque vous insistez : "Green River" ou "Bad City Blues" en tête de liste, so far.
Où que tu sois, attends-moi Billy, j'arrive !
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Cette nouvelle en forme de portrait de Billy Micklehurst par Tim Willocks est triplement réjouissante. Tout d'abord, parce que l'auteur y dévoile un talent pour la précision et la concision doublé d'une force d'évocation qui va loin, très loin au delà des mots. Ensuite parce que l'on apprend dans la petite - mais passionnante - interview en fin d'ouvrage le rôle qu'a joué (et continue de jouer) cet incroyable personnage dans la vie de l'auteur, la place du fou dans la société, la beauté des rencontres hasardeuses. Mais enfin parce que cette édition est bilingue et que l'on peut ainsi savourer la verve inspirée et le vocabulaire luxuriant de l'auteur en version originale, si besoin en se raccrochant à la traduction.
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L'originalité, vient surement du fait que cette nouvelle est un peu autobiographique puisqu'elle s'inspire d'une rencontre que l'auteur a eu avec un homme qui deviendra le personnage de Billy, et que cette rencontre continue de la marquer des années plus tard...

Nouvelle courte et plutôt agréable à lire. Par contre, on en garde que très peu de souvenir quelques semaines après.
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critiques presse (1)
Telerama
09 mai 2012
Une nouvelle qui unit le récit fantastique et le réalisme brutal, et mêle autobiographie et cauchemar.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Et ainsi, dans mon imagination et grâce aux histoires de Billy et à ses visites guidées, une autre ville s'élevait, plus concrète et vivace que celle que je croyais connaître : une cité sombre. Une ville fantôme. Une vile de parias, fièrement dressée, majestueusement brisée : une architecture de perdition, de loin plus monumentale que les triangles grouillants de monde formés par les boutiques ou les bureaux entassés autour des gares, et investie sans le savoir de la grandeur de son passé oublié. La ville sombre de Billy était une épopée dont le but, la conception et la construction étaient bien au-delà des moyens - ou des rêves - de l'homme moderne, et elle avait été bâtie par une race dont on ne verrait jamais plus les semblables [...].
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Je ne savais pas que l’esprit de Billy était l’équivalent neurologique du paysage dévasté qu’il habitait. Les rues de sa mémoire et ses hallucinations étaient, de façon erratique, éviscérées et en ruines, bombardées et calcinées, plongées dans l’obscurité, emplies de gravats et infestées de rats affamés. L'intérieur de son crâne était comme les fragments brouillés d'innombrables puzzles - trempés dans l'alcool à brûler, cramés par les difficultés, ravagés par la malnutrition et la maladie - constamment assemblés et ré-assemblés par des mains tremblantes en tableaux fantastiques, distordus et portant endurés comme réels.
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Quand on le regardait, Billy pouvait avoir dix ans au-dessous ou au-dessus de la cinquantaine. Des décennies sur les routes et d’innombrables litres de Mann's brown, de Yates blobs et de spiritueux méthylés avaient forgé son squelette, sa peau et ses organes internes en une épave indestructible. Son visage était remarquable pour ses yeux et ses dents. Les yeux parvenaient à être à la fois profondément enfoncés et férocement protubérants ; et pendant que sa mâchoire inférieure se glorifiait d’une rangée complète de chicots jaunissants, ses gencives supérieures affreusement ravagées n’en abritaient que deux – une canine et une incisive – qui oscillaient, précaires, et dépassaient quand il refermait la bouche.
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Vidéo de Tim Willocks
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