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Critique de SMadJ


SMadJ
09 septembre 2015
Paris, 1572, ça pue la saleté, la merde et les entrailles. Ça pue aussi le huguenot, ce mécréant qui se croie supérieur et que les catholiques haïssent plus que tout. Pas grave, la Saint Barthélemy c'est pour aujourd'hui...

Matthias Tannhauser est de retour et vous allez vite voir qu'il n'est pas content. C'est pas grave, nous, on est bien content de revoir sa trogne.

Il n'est pas content donc, car sa femme enceinte en visite à Paris a été enlevée. Et ça Matthias, il ne va pas le pardonner. Et ils vont prendre cher ceux qui se mettront en travers de sa route. Parce que quand tu mords Tannhauser, il fait un malheur !

Après un dantesque et époustouflant "La Religion", Tim Willocks nous conte la suite des aventures de Matthias Tannheuser dans un nouvel opus apocalyptique au cœur de Paris. Un Paris de cauchemar avec des habitants crades, des rues souillées et emplis de souillons. Un Paris dégoulinant de sang et croupissant sous les cadavres en putréfaction.

Mais comment se renouveler après un premier volume qui frappait (c'est le cas de le dire) aussi fort ?

Ce second opus malgré des qualités évidentes n'est pas du même acabit.
L'histoire de la Saint-Barthélemy telle qu'elle nous est contée ici est moins opulente et riche que le siège de Malte du livre précédent.
L'envie d'en proposer un pavé de 1000 pages devient dès lors une opération risquée. Surtout que le choix de Willocks a été de délaisser l'aspect politique au détriment du massacre. Inévitablement, l'auteur enchaîne les longueurs et les répétitions. De plus, 1000 pages de massacre, ça peut vite faire beaucoup.
Cette dernière affirmation est évidemment exagérée à escient par votre chroniqueur, Tim Willocks ayant une large palette d'émotions à faire passer. Et plus d'un tour dans son sac à malices.

1) Ce livre, c'est avant tout une magnifique histoire d'amour qui va faire vibrer chaque parcelle de votre corps. Vous serez vite subjugués par ce lien indéfectible qui unit Matthias à Carla, sa femme. Deux êtres aux caractères et tempéraments diamétralement opposés mais aux âmes inexorablement mêlées.

2) Mais ce n'est pas tout, au delà de la violence extrême, c'est bien le rapport à l'enfant, le questionnement sur la maternité et la paternité qui sont au centre du livre.
La difficulté de donner naissance à un enfant (physiquement ou métaphoriquement), de l'élever, de lui donner une direction, une voie, un chemin. Que ce soit pour un jour ou pour la vie.
La paternité n'est-elle que biologique ou se développe-t-elle intuitivement ? Comment se positionner en modèle ? Avec quelle légitimité ? Oui, ce livre est loin d'être aussi bourrin qu'il en a l'air et son titre n'est pas anodin. L'est-il jamais quand il est judicieusement choisi ?

3) Les personnages principaux (et il y en a beaucoup !) sont admirablement croqués. A commencer par Tannheuser évidemment, cette espèce de guerrier aux talents multiples, icône fascinante d'un monde en perdition, un vengeur quasi-indestructible et à la rage meurtrière. L'autre personnage effarant créé par Willocks est Grymonde dît l'Infante, sorte de Quasimodo au QI et à l'intelligence développés dont la puissance fait rugir les pages où il figure. Et évidemment, tous autres enfants du titre couvés par Matthias et dont chacun est un joyau de la couronne apposé sur le crâne de Willocks.
Pour le reste du casting, on se perdra plus dans la multitude de personnages secondaires mais vu les durées de vie de beaucoup d'entre eux, ce n'est pas bien grave.

On pourra donc reprocher à Tim Willocks son manque d'ambition au niveau de la trame et une répétition des scènes gores à outrance. Oui mais voilà, le bonhomme est talentueux et même ses répétitions valent leur pesant d'or. C'est répétitif mais c'est viscéral, charnel, organique.
Il puise son écriture dans le sang, tel un encrier mortel, pour alimenter sa verve et faire bourgeonner les sensations qu'il plante en nous tout le long de son récit.

Et pourtant, dans ce bruit, ce tumulte, cette fureur émerge de la sagesse, du bon sens, de la pensée philosophique et pacifique. La patte Willocks. Cet homme a un talent fou.

"C'est un mauvais jour, dit Tannhauser, mais il passera, comme le font tous les jours, bons ou mauvais. Et même dans un mauvais jour, on peut trouver de bons moments, en cherchant bien."

"- Pourtant les saisons tournent.
- Ah, elles tournent ! Comme le font les étoiles, comme une roue sans s'arrêter. Elles ne connaissent ni mois, ni années, ni commencement, ni fin, parce qu'il n'y a pas de fin. Il n'y a que ce qui vient après. Combien de temps dure un rêve ? Ou un souvenir ? Ou une étreinte ? Et si on ne peut pas répondre à ça, comment pourrons-nous dire combien de temps dure une vie ? Sans parler de la Vie Elle-même ?"
3.5/5

Lien : http://cestcontagieux.com/20..
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