Balistique est le premier roman du jeune canadien DW Wilson. Il fait partie de mon butin du festival America, pour prolonger le plaisir de la conférence à laquelle il participait avec Lise Tremblay et Emma Hooper. J'en ai terminé la lecture il y a quelques semaines, et j'y pense encore ; souvent.
« Une balle s'esquive bien plus aisément qu'un coeur brisé. »
Colombie Britannique, été 2003. Les Rocheuses brûlent. Alan a vingt-neuf ans. Sa thèse de philo piétine, la relation avec sa petite amie Darby part à vau-l'eau. Il décide de passer quelque temps à Invermere, chez son grand-père qui l'a élevé. Lorsque « Granp‘ » fait un infarctus et lui demande de partir à la recherche de son fils Jack – le père d'Alan – pour le ramener, la vie du jeune homme prend un tournant imprévu ; bascule ?
Alan entame un périple mouvementé, entre ombres et lumière, fait de rencontres et de réminiscences. Les contrées traversées ne sont pas toutes indiquées sur la carte. Un road-trip avec pick-up, bières tièdes sous le siège et mastiff à l'arrière, un voyage dans le passé aussi, son passé et celui de ses ascendants, une excursion dans l'âme humaine.
Parce que voilà. Dès le départ il y a un mystère. Des secrets, peut-être un drame. Pourquoi Alan s'est-il retrouvé à vivre tout seul avec son grand-père ? DW Wilson excelle à distiller par étapes truffées de non-dits riches de sens les parcours de chacun, dans une narration pas forcément linéaire, mais pas trop difficile à suivre non plus. Juste se laisser embarquer et s'accrocher au siège. Une écriture mouvante, riche, puissante, flamboyante même parfois, un genre de rugueux délicat sauvagement poétique.
« A cet instant les montagnes étaient des silhouettes en papier gris ardoise soulignées d'orange – les Enfers vus par un enfant -, et les arbres sur leurs pentes s'étaient desséchés au point de prendre les couleurs de l'acier rouillé. Rien ne distinguait les nuages chargés de pluie de la fumée des incendies et le ciel se couvrait d'écume, sombre et obstiné, comme ces vagues qui lèchent et polissent le littoral. »
Une histoire d'humanité brute et de personnalités complexes. La beauté des gueules cassées et des coeurs meurtris. « L'erreur est humaine, a rétorqué Nora. On est des gens bien. » Avec le recul de quelques semaines, je pense que l'essence du livre est dans ces mots-là.
Quand est-ce que tout a vraiment commencé, avant de basculer ? Une balle tirée dans un mollet, un premier baiser échangé ? le titre est extrêmement bien trouvé. « Balistique : adj. Relatif aux projectiles, à leur tir, leur trajectoire, leur portée. » Ce qui s'est joué avant la naissance d'Alan n'en finit pas de se nouer, même brisé, de plus en plus serré. Serait-il, trente ans plus tard lui, le projectile nécessaire au dénouement de la pelote ? Aller, retour, ami, amour, devoir, nécessité. Esprit aiguisé, coeur déchiré.
Mes seuls bémols, je pense, sont que les personnages féminins manquent de netteté. Je les ai trouvées un peu ternes, quand même, les miss, comparées à leurs hommes (à ce propos, je me suis très fortement attachée à Archer). Et pourtant elles sont fortes et ne s'en laissent pas compter.
Balistique a été pour moi une découverte de premier ordre. Je vous laisse le découvrir.
« J'ai trop de cals sur les mains pour flatter des égos. »
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