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J'ai achevé le Choeur des femmes dans la nuit, après trois soirées de lecture-bonheur … Difficile de parler de « bonheur », me direz-vous, en évoquant les souffrances décrites par Martin Winckler, mais ce livre m'a fait un bien fou. Tout d'abord en tant que femme : je me suis reconnue dans le questionnement, les peurs et les complexes tenaces de très nombreuses patientes, au fil des âges … dans ces questions que l'on n'ose poser à personne, tant on se sent idiote et, plus encore, sans droit aucun face au médecin qui ne voit souvent en nous qu'un corps, une série de symptômes auxquels il décide « arbitrairement » d'accorder du crédit, ou non. La méconnaissance du corps féminin, de son fonctionnement, par les femmes elles-mêmes demeure incompréhensible, et ce ne sont pas les quelques heures – quand elles existent – d'éducation à la sexualité et à la vie affective dispensées à l'école primaire, au collège ou au lycée, qui permettent d'ancrer clairement des connaissances sur le corps. Nous quittons l'enseignement secondaire avec une meilleure connaissance des mathématiques ou de la langue française que du fonctionnement de notre corps … Ensuite en tant qu'aidante : accompagner une (un) malade permet parfois d'oser questionner davantage que pour soi-même, on se fait le porte-voix des souffrances et des non-dits plus facilement pour une (un) autre, mais encore faut-il que cet autre accepte notre démarche, et ne se sente pas humilié par la mise en lumière de son absence de courage ou de ses hésitations. Puis en tant que patiente : j'ai découvert un milieu médical que je soupçonnais être ardu, mais qui m'est, cette fois-ci, apparu dans toute sa brutalité et sa violence pour les médecins eux-mêmes. Lutter pour être le meilleur interne, briguer l'affectation la plus prestigieuse, s'infliger des violences en niant ses besoins les plus élémentaires, en faisant taire son moi intérieur, sa sensibilité, construire autour de soi un mur pour survivre, sans omettre « les rapports de séduction entre industrie pharmaceutique et jeunes praticiens »qui laissent des traces concrètes sur les ordonnances et dans le choix des spécialités … Enfin en tant que sympathisante de la cause LGBT, et transgenre en particulier : je savais, grâce à l'association Arc-en-Ciel, et à mes lectures récentes, que des nourrissons inter-sexes subissent encore aujourd'hui « pour leur bien », des mutilations en vue de leur réassignation sexuelle, au cours des premiers jours de leur vie. Les témoignages évoqués par l'auteur ont conforté ma révolte contre ces pratiques à la fois inutiles et imposées dans l'urgence, à des parents qui, et c'est bien naturel, font confiance. Les « apprentis sorciers » qui décident, dans leur toute puissance, du sexe de ces enfants sur la seule base de leurs observations (un sexe semblant plus développé que l'autre) se rendent-ils compte des risques psychologiques futurs qu'ils leur font courir, et des conséquences médicales irréversibles des gestes posés ? J'avais lu toute l'admiration que porte Baptiste Beaulieu à Martin Winckler, et c'est grâce à lui que je suis arrivée à cette lecture. Sachant que Baptiste s'est battu et se bat encore quotidiennement pour que la médecine soit humaine (aller découvrir, si vous ne le connaissez pas déjà, son blog «Alors voilà ! Journal de soignées/soignantes réconciliées » en suivant ce lien https://www.alorsvoila.com/ ), je ne pouvais pas être déçue, et je ne l'ai pas été, bien au contraire ! Je vous invite, avec tout mon enthousiasme et mon coeur, à lire ce très beau roman-témoignage qui explore le corps et l'âme des femmes, et la face sombre de la médecine. + Lire la suite |