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Critique de Presence


Il s'agit d'une histoire complète parue en 1999, écrite et illustrée par Barry Windsor Smith (en abrégé BWS).

Adastra (un compromis entre la déesse apparaissant dans Young Gods and Friends et Storm des X-Men) revient dans un village africain frappé par la famine. Elle y a déjà séjourné une fois, il y a plusieurs années et elle n'avait pu qu'assister impuissante au sacrifice d'un ancien (Mjnari) pour qu'un nouveau né puisse survivre sur les maigres quantités de nourriture disponibles. Malgré les progrès accomplis lors de sa précédente visite, elle retrouve le village dans une famine similaire. Ses habitants l'accueillent à bras ouvert, comme la déesse qu'elle est, en attendant d'elle un miracle. Elle constate que les villageois ont abandonné la coutume conduisant au sacrifice du plus vieux lors d'une nouvelle naissance pour garder le nombre d'habitants constant. La population a augmenté mais les gens meurent de malnutrition et de famine. Est-ce qu'un nouveau miracle sera suffisant pour redonner espoir à cette tribu ?

Pour bien comprendre cette histoire, il faut savoir qu'à l'origine son héroïne devait s'appeler Ororo Munroe, c'est-à-dire Storm des X-Men. Il devait s'agir de la troisième histoire intitulée Lifedeath, les 2 premières ayant été rééditées dans Lifedeath. Pour cette proposition, Barry Windsor Smith avait travaillé tout seul, y compris pour le scénario. Quand il a été présenter son projet à l'éditeur responsable des comics des X-Men, ce dernier l'a refusé en jugeant les idées contenues incompatibles avec les valeurs des superhéros. du coup BWS a repris ses planches, il les a retravaillées pour qu'elles puissent être publiées en noir & blanc. Enfin, il a changé le nom de l'héroïne pour Adastra, le personnage le plus piquant des Young Gods. Ces circonstances expliquent pourquoi Adastra fait référence à un précédent séjour dans ce village, alors qu'en fait il s'agissait de Storm. Cet historique permet aussi de comprendre que cette histoire est à aborder comme un conte (et non par à prendre de manière littérale) comme c'était déjà le cas pour Lifedeath II. Avec cette précaution en tête, le lecteur comprend que BWS n'adopte pas un ton condescendant vis-à-vis des populations indigènes d'Afrique noire.

Après ces éclaircissements, il est possible de commencer à apprécier l'histoire. BWS reprend donc le point de départ du village africain dont les habitants survivent tout juste. L'homme blanc est passé par là et il a laissé des tas de machines agricoles qui ne fonctionnent plus faute de carburant, et de pièces détachées pour l'entretien. Les habitants souffrent à la fois de malnutrition aggravée, de perte de repères culturels suite au décès de leur doyen, et de perte d'espoir du fait du caractère précaire de la vie et du caractère arbitraire de la mort. À nouveau la déesse est de retour et elle va pouvoir faire un miracle pour sauver le village, ou tout du moins pour pouvoir subvenir à ses besoins de nourriture. Mais, pour le coup, la question la plus pressante est celle de l'avenir. Est-il possible de pérenniser les effets du miracle ? Est-il possible de croire en cette déesse et de reprendre le dessus sur la fatalité ?

Adastra commence par se retrouver face à la mort injuste de ceux qui n'ont pas assez à manger. Comment a-t-elle pu rester si longtemps si loin de village ? N'a-t-elle par une part de responsabilité dans toutes ces morts. Et si elle accomplit un miracle, les indigènes sauront-ils retrouver la voie de l'autonomie ? Accepteront-ils ce nouveau cadeau venu des dieux ? BWS se sert donc du récit pour porter un regard curieux sur l'effet de la foi et sur les valeurs des autochtones.

Malheureusement ces débats philosophiques souffrent un peu de la transposition de l'histoire de l'univers des X-Men vers celui des Young Gods. Autant il est facile d'imaginer Storm dans ce rôle de femme un peu encline à un sentiment de supériorité, en train de materner ces individus ; autant Adastra aurait une attitude plus rentre dedans, moins fleur bleue, moins illusionnée. Or tout ce conte repose sur les échanges verbaux entre Adastra/Storm et les indigènes. Et BWS perd parfois la voix de son héroïne entre ses 2 facettes. du coup certains dialogues tombent dans l'artificiel et le guindé avec un effet pesant. Cette dichotomie est abordée par BWS dans la postface qui est présentée sous forme d'une interview entre Adastra et un journaliste, comme si elle avait joué le rôle de Storm pour à l'occasion de cette histoire. Il y a même des scènes coupées au montage, comme si Adastra n'avait pas su interpréter le personnage tout du long;

À l'évidence aussi, la transposition d'un projet en couleurs, à un projet en noir & blanc a occasionné quelques difficultés à BWS. Certaines cases sont vraiment chargées en nombre d'éléments, et donc de traits. le lecteur sent bien que dans ces occasions, les couleurs auraient permis de rendre lisible ce qui fait parfois un peu fouillis surchargé. Il n'y a pas de hiérarchisation dans les différentes formes ce qui oblige le lecteur à effectuer un déchiffrage plus attentionné. Pour le reste; BWS a vraiment passé beaucoup de temps pour des illustrations très travaillées. le lecteur retrouve avec plaisir la science du langage corporel au service des personnages. BWS se sert de la végétation comme d'un élément de décor qui sert à rehausser les sentiments de personnages et leur trouble intérieur. Comme à son accoutumé, il prête attention à des éléments qui passent pour superflu auprès des autres dessinateurs, mais qui confèrent une épaisseur et une identité spécifique à ce récit. Il y a la place de la musique tribale, les parures et les bijoux de fête, le rendu de la pluie, la présence des crânes des défunts, etc.

"Adastra in Africa" souffre à plusieurs reprises de sa transposition d'une histoire en couleurs mettant en scène Storm des X-Men, à une histoire en noir & blanc avec une héroïne au caractère bien différent. Malgré l'implication et l'application évidentes de BWS, le récit peine à prendre son plein essor. Il n'en reste pas moins une fable étrange sur des questions existentielles complexes mettant aussi bien en jeu l'individu, que la société au sein de laquelle il évolue, un questionnement sur l'ordre établi et l'ordre naturel des choses.
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