Joyeux Noël, Frost !

Beaucoup d'entre vous ont certainement vu un ou plusieurs des 42 épisodes télévisés populaires d'Inspecteur Frost ("A Touch of Frost"), basés sur les romans de Rodney David Wingfield (1928-2007), avec - du moins au début - David Jason ( de son vrai nom, Sir David Jason White) dans le rôle de Jack Frost. Un personnage drôle et attachant, en dépit de son nom (frost = gel), à cause de son mauvais caractère, désinvolture, manque d'organisation, allergie aux paperasses, mais au bon coeur. Une plaie ambulante pour ses supérieurs, mais comme c'est de loin le meilleur policier et le plus fin limier de la ville fictive de Denton, dans les Midlands ou centre d'Angleterre, ses chefs ne peuvent se passer de ses services et s'adaptent à leur subordonné, tout en rouspétant et proférant des menaces qu'ils savent vaines.

" Joyeux Noël, Frost ! " est la toute première histoire du "Chief Inspector (C.I.)" Jack Frost (inspecteur principal), publiée en 1972 ... à la demande de l'éditeur Macmillan. Il est vrai que R.D. Wingfield s'était déjà fait une solide réputation d'auteur de pièces radiophoniques. Il est, malheureusement, mort avant la fin de sa série télévisée, d'un cancer de la prostate. Dans les derniers épisodes, Frost lui-même a été incarné par d'autres acteurs, après que David Jason, né en 1940, trouvait qu'il n'était plus crédible dans son rôle du plus vieux policier d'Outre-Manche en ajoutant, lors d'une conférence de presse, dans son style bien à lui : "Vous voyez déjà un inspecteur Frost se déplacer en chaise roulante ?"

Dix jours avant Noël, la petite Tracey, 8 ans, disparaît. Sa mère, Joan Uphill, 24 ans et exerçant un métier horizontal, a été retenue par un client, et Tracey, en sortant de son catéchisme, ayant lieu dans même rue que son domicile, s'est évaporée ! À l'appel d'une mère paniquée, une patrouille de police est vite sur place. Ce que font les agents relève de la pure routine, pas trop de nature à retrouver la môme ou faire progresser l'enquête. On est dimanche nuit et il faudra pour cela attendre l'arrivée du C.I. Jack Frost dans sa toute première apparition. Ce moment "historique" arrive, sous forme de plainte sur le bureau du commissaire divisionnaire Mullett (page 38). À la réunion matinale, le seul qui manque est notre Frost, qui l'a tout simplement oublié. Ce qui met Mullett, un ambitieux, vaniteux et maladivement pointilleux du règlement, encore plus en rogne. Ce que Mullett ignore cependant est que Frost a heurté et abîmé avec sa vieille Morris, sur le parking du commissariat, sa splendide Jaguar toute neuve !

Pendant que la police, l'armée et de nombreux volontaires ratissent bois et champs autour de Denton à la recherche de la gamine, Frost mène sa petite enquête "en solo". Il découvre que probablement le dernier à avoir vu Tracey vivante est le dernier client de sa mère. Mais Joan ignore le vrai nom de cet habitué du dimanche après-midi. Grâce à ses bons contacts avec chauffeurs de taxi et personnel des chemins de fer, notre inspecteur réussit à identifier ce visiteur de dimanche. Il s'agit de Stanley Farnham, un enseignant solitaire et complexé qui habite non loin dans un petit bled....et Frost a raison, Stanley a croisé Tracey dans la rue en sortant de chez sa mère.

Si Farnham, qui n'a pas d'alibi, est responsable de la disparition de la petite, ou, au contraire, un inconnu qui a été signalé, à bord d'une bagnole rouge près du presbytère où se tient le catéchisme par les voisins, pendant qu'il essayait d'embarquer des gamines avec du chocolat, je vous laisse découvrir, chères lectrices et lecteurs. de même, la sérieuse tempête qui se pointe entre Mullett et Frost, à cause de la Jaguar.

J'ai vu de nombreux épisodes du feuilleton Frost à la télévision, toujours avec le même plaisir, mais "Joyeux Noël, Frost !" est le premier livre que je lise sur les aventures de cet inspecteur principal tout à fait particulier. À ma grande satisfaction, je dois reconnaître que le style et le sens d'humour de R.D. Wingfield, rendent ses livres aussi agréables que la série télévisée, qui a battu des records d'audience.
À titre d'exemple du style et humour de l'auteur, je cite sa description du bureau de Frost : "... un vrai capharnaüm... qui a l'air d'une décharge publique... un fouillis à être horrifié..." Comme les dossiers traînent un peu partout et jonchent le sol, il est évidemment un peu compliqué à notre héros d'établir les statistiques réclamées avec une impatience grandissante en haut lieu.

Cet humour à propos des frasques de l'original et pour le lecteur sympathique Frost, n'empêche nullement que R.D. Wingfield a eu le souci d'écrire un roman policier captivant. On toune les pages allègrement, curieux de savoir ce qui est finalement arrivé à la petite Tracey Uphill.