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Critique de colimasson


Souvent, les gens ont peur. Ils font tout pour éviter de se confronter à des situations qui les terrorisent rien qu'à y penser (et souvent, d'ailleurs, ils ne font jamais rien d'autre que d'y penser). S'ils mettaient autant d'énergie pour les affronter, ces situations imaginaires, ça s'arrangerait peut-être, on ne sait pas. On se demande parfois comment dépasser ces peurs, comment éviter la crainte de l'effondrement. Winnicott a la réponse : en reconnaissant que l'effondrement a déjà eu lieu.


Ça n'a pas eu lieu n'importe comment. La preuve, vous ne vous en souvenez plus. Pas que vous ayez refoulé l'événement, non. Si vous l'aviez refoulé, il resterait quand même là, dans votre petit inconscient puant, et vous seriez simplement névrosé, ce qui n'est pas forcément cool non plus. L'opération relève plutôt de ce genre de forclusion dont parle Lacan: le traumatisme s'est produit mais personne dans la tête n'était là pour le reconnaître, c'est-à-dire que le système psychique n'était pas encore assez mûr pour comprendre vraiment ce qui se passait.


Winnicott en a vu des patients de ce genre-là dans son petit bureau de toubi. Il nous raconte quelques exemples marrants. Il met à jour la psychonévrose, située entre la névrose et la psychose. Les individus qui en sont touchés sont les plus emmerdants à rencontrer. Souvent, ils se dissimulent derrière une surface lisse et donnent l'impression de n'avoir aucun problème. C'est leur faux self qui parle à leur place et le vrai self peut finir par se désagréger totalement derrière cette figure de cire fondue. Pour dégommer cette mascarade, le toubi doit accepter de devenir un peu fou lui aussi et de participer au transfert délirant, seul moyen d'actualiser l'expérience de l'effondrement dans le présent. C'est pour ça qu'on dit que la psychonévrose (l'état-limite) se situe entre psychose et névrose. Ce sont toutes sortes de défenses de type névrotique qui ont été dressées pour juguler le noyau psychotique de l'expérience traumatique vécue originellement sur le mode de l'absence. Sans doute faut-il avoir été soi-même un peu absent toute sa vie pour comprendre ce genre de truc. La psychonévrose, c'est pas la vraie vie. Il faut l'abattre. Il faut permettre au type devant soi, tout bien coincé du cul dans son rôle de mec parfait, de devenir fou, dépressif, manique, obsessionnel, parce que c'est dans ce genre de folie ponctuelle que l'individu peut se montrer véritablement vivant.


« Ce que je désire suggérer c'est que, du point de vue clinique, l'individu qui est réellement en bonne santé est plus proche de la dépression et de la folie que de la psychonévrose. La psychonévrose est ennuyeuse. C'est un soulagement quand l'individu est capable d'être fou et d'être sérieux et de prendre plaisir au soulagement qui est offert par le sens de l'humour et d'être capable pour ainsi dire de flirter avec la psychose ».


La véritable santé, le copain Nietzsche nous en avait déjà causé, ce n'est pas de cette moyenne basse dont nous parlent les instituteurs pour forcer les gamins à faire la ronde sagement alors que tous rêvent de se transformer en satyres et de brûler l'instituteur au centre du cercle. Winnicott nous dit qu'il est important parfois de faire naître l'individu à la haine. Selon lui, c'est l'agressivité qui crée la réalité. En exerçant son agressivité, l'individu prend conscience de la nature de l'objet sur lequel il exerce ses pulsions destructrices. Si l'objet survit à ces assauts (c'est-à-dire, s'il ne fait pas de représailles), alors l'objet peut véritablement exister aux yeux de l'individu et celui-ci peut naître à des relations vivantes avec les autres autour de lui. Avant le véritable amour, la haine. Souvent, cette étape n'a pas pu être franchie avec le premier objet rencontré par l'individu (la figure maternelle, on s'en serait douté), soit qu'elle n'ait jamais été vraiment là, soit qu'elle n'ait pas survécu à l'agression, soit qu'elle se soit montrée trop vulnérable pour que l'enfant ose l'agresser. Il a alors fallu refouler l'envie de la buter, et ça ne se fait jamais au prix d'un vulgaire croissant chaud du dimanche matin.
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