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1861. Abraham Lincoln est assassiné alors que débute tout juste la Guerre de Sécession opposant les états du nord à ceux du sud des États-Unis. Profondément choqués par cette disparition, les deux camps décident de mettre rapidement fin au conflit et adoptent pour se faire un nouvel amendement à la Constitution. Ce treizième amandement stipule que le Congrès n'a désormais en aucun cas le pouvoir de légiférer sur l'esclavage et que son abolition ou son maintien est une décision qui doit être prise à l'échelle de chaque état. Libre donc à l'Alabama, au Missouri, à la Caroline ou encore à la Louisiane de continuer à asservir les populations noires sous son contrôle, et cela sans qu'aucun des états voisins ne lève le petit doigt. Plus d'un siècle plus tard, les États-Unis comportent ainsi toujours quatre états esclavagistes dans lesquels les Noirs triment dans les usines et les champs sous la supervision des Blancs. On ne parle plus d'esclaves, toutefois, mais plutôt de TA (comprenez « travailleurs affiliés »), une terminologie moins connotée qui laisse à penser à un statut revalorisé. Il n'en est toutefois rien, et Victor est bien placé pour le savoir. Après être parvenu à fuir l'exploitation dans laquelle il avait grandi et à gagner le Nord du pays, cet ancien TA n'aura pas pu profiter bien longtemps de sa liberté retrouvée. Repéré par une agence gouvernementale, le voilà forcé depuis des années à travailler en tant que « chasseur d'âme », autrement dit à traquer les esclaves en fuite afin de les livrer aux autorités. Si la plupart de ses missions se déroulent d'ordinaire sans accros et s'achèvent inévitablement par l'arrestation du fugitif, la dernière affaire qu'on lui a confié lui donne du fil à retordre. A priori banale, son enquête va très vite mettre en lumière un certain nombre d'anomalies mettant en cause le gouvernement lui-même.

Véritable page-turner, le roman de Ben H. Winters happe le lecteur dès les premières pages sans plus le relâcher. On retrouve ici tous les éléments caractéristiques du thriller : un rythme haletant du début à la fin, de nombreux rebondissements, beaucoup de scènes de tension, et bien évidemment un bon nombre de mystères qu'il tarde au lecteur de voir élucider. On pourrait reprocher au roman quelques scènes un peu tirées par les cheveux et quelques facilités scénaristiques, mais l'ensemble reste tout de même bien orchestré, même si certains aspects sont abordés de manière trop expéditive. le récit nous est rapporté à la première personne par le protagoniste, le chasseur-d'âme Victor, qui nous expose sans chercher à se justifier ou se dédouaner en quoi consiste son rôle dans l'arrestation des esclaves en fuite. En dépit de sa profession, qui incite immédiatement le lecteur à le ranger dans la catégorie des ordures, le personnage parvient peu à peu à attendrir tant grâce à sa sincérité qu'à une dureté de façade dont on devine bien vite qu'elle témoignage davantage d'une douleur profondément enfouie que d'un véritable manque d'empathie. Ce héros nuancé est sans aucun doute l'une des plus grandes réussites du roman qui comprend également d'autres beaux portraits (quoique moins étoffés que celui du protagoniste), à commencer par le personnage de Martha, mère célibataire rongée par la disparition de son compagnon, ou encore celui plus effacé encore mais néanmoins très émouvant de Jackdaw. Ben Winters échappe d'ailleurs avec succès à un écueil pourtant fréquent dans ce type de récit en n'opposant par les gentils abolitionnistes aux méchants esclavagistes : il y a des salauds dans les deux camps, et ce n'est pas parce que la cause défendue est juste que tous les moyens pour y parvenir doivent être tolérés ou que tous ceux qui la défendent sont des saints.

L'aspect le plus intéressant du roman de Ben Winters reste toutefois la manière dont il aborde cette Amérique uchronique, ainsi que les parallèles effectués avec celle que nous connaissons aujourd'hui. C'est particulièrement visible dans la première partie du roman qui se déroule au nord du pays, c'est-à-dire dans des états où les Noirs n'ont, à priori, pas à s'inquiéter de leur couleur de peau. La situation telle que dépeinte par notre narrateur fait toutefois état d'une toute autre réalité. Racisme, ségrégation, inégalité devant la loi, réponses disproportionnées des forces de polices… : l'Amérique que nous décrit le personnage n'a en fait guère de différences avec celle que l'on connaît, ce qui renforce évidemment le propos du roman. Difficile de ne pas être révolté face à la description de certains comportements, moins ceux des Blancs, d'ailleurs, que ceux des Noirs, forcés pour se protéger à singer attitude de servitude (ne jamais regarder un Blanc dans les yeux, ne pas répondre à un policier, se laisser fouiller sans aucune raison…). La violence telle que présentée dans le roman est ainsi moins physique que sociétale, et nous incite évidemment à nous interroger sur notre propre société, son hypocrisie et ses compromis impardonnables. L'auteur aborde par exemple la question des vêtements ou des aliments fabriqués par des esclaves dans les états du sud et la volonté de certains citoyens de boycotter ces produits. Une initiative louable mais qui, dans les faits n'a que peu d'impact, les grandes entreprises de distribution rendant presque impossible la traçabilité des marchandises qui peuvent tout à fait se retrouvées estampillés « propres » (sous entendu « non produites par des esclaves ») alors que ce n'est absolument pas le cas. La situation telle que vécue par les esclaves au sud du pays est elle aussi évoquée mais de manière plus brève. On retrouve évidemment de nombreuses références au contexte du XIXe : les punitions, l'éparpillement des familles, l'Underground Railroad (un réseau clandestin utilisé par les esclaves pour rallier les pays du nord et auquel le titre du roman est évidemment un clin d'oeil)...

Ben Winters signe avec « Underground Airlines » un bon page-turner et une uchronie captivante qui permet de mettre en lumière la situation des Noirs aux États-Unis, non seulement à l'époque de l'esclavage mais aussi et surtout aujourd'hui. A noter qu'une adaptation télévisée serait apparemment en préparation…
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Underground Airlines avait attiré mon attention grâce à son postulat osé et puissant. Puis il a reçu quelques prix, et pas des moindres. Alors quand ActuSF me l'a proposé en service presse, j'ai sauté sur l'occasion. J'ai bien fait, car il s'agit d'une pépite de la dystopie et de l'uchronie.

L'une des premières qualités du roman est sa capacité à nous plonger dans un monde terrifiant. L'écriture de Ben H. Winters nous plonge immédiatement dans un univers violent. Sa plume est directe et sèche, s'accorde peu de fioritures hormis pour souligner les moments où notre personnage principal baratine en empruntant une autre identité. L'auteur ne lésine pas sur les insultes et les moments de pur malaise tant le racisme suinte au Nord comme au Sud.

Il y a quelques détails particulièrement finement pensés. En dehors des quatre Etats esclavagistes, il existe par exemple des marques de cigarettes avec un label qui garantissent leur production hors esclavage. C'est un peu cynique et tellement réaliste tant la proximité avec les labels équitables est visible. L'autorisation de l'esclavage amène à de nouveaux modes d'organisation du travail, avec ses rites, ses règles, mais aussi ses espaces consacrés qui montrent un paradoxe criant entre une société qui perpétue un racisme institutionnel mais en le maquillant d'une humanité paternaliste qui dégouline d'hypocrisie.

Outre le contexte, l'histoire est en elle-même captivante. L'auteur prend le parti de l'ambiguïté en mettant en avant un ancien esclave qui capture les fuyards qui tentent de rejoindre le Canada. Dès lors, on comprend que l'on sera baigné dans une moralité grise, où personne ne peut vraiment être un héros, où les combattants de la liberté ne sont pas toujours les plus reluisants et les esclavagistes ont aussi une famille et des rêves.

Le centre de l'histoire est dans un premier temps une chasse et une enquête classiques à première vue. Mais on découvre avec Victor qu'il y a plus de profondeur : les rebondissements sont nombreux et maîtrisés. le scénario est à l'image de l'univers, complexe et doux-amer. Certains moments sont violents, physiquement comme psychologiquement, mais ce n'est jamais dans la gratuité.

Les personnages sont également très bien campés. Victor brille par sa psychologie fine. On est dans sa tête l'ensemble du récit, observant ses doutes, constatant son évolution. Mais les autres protagonistes sont parfaits. Martha, la jeune femme faussement insouciante, amoureuse d'un esclave. Même ceux dont on a juste quelques lignes de description sont parfaitement croqués et on se les imagine très nettement.

En conclusion, c'est un bon cru. Je commençais à désespérer de trouver des dystopies qui soient originales. Underground Airlines parvient à échapper aux tropes les plus répétitifs du sous-genre pour proposer une histoire avec une critique acérée des problématiques raciales aux Etats-Unis mais aussi sur la fragilité de l'histoire et de la tolérance. Monde immersif et bien pensé, personnages bien construits et scénario mené de main de maître, c'est un récit marquant que je vous conseille !




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J'ai reçu ce roman à l'occasion d'une Masse critique.
J'avais déjà aimé Dernier meurtre avant la fin du monde du même Ben H. Winters. Underground airlines est une uchronie, l'esclavage n'a pas été aboli partout aux États-unis, il perdure encore dans 4 états. C'est l'enfer pour 3 millions de personnes.
Victor/Jim est noir, il a vécu en tant qu'esclave pendant plusieurs années et s'est évadé. Maintenant vivant dans les états libres du Nord, il recherche un esclave évadé qui attend un vol vers le Canada. Underground airlines fait référence au circuit clandestin de libération des esclaves qui existait à l'époque. Mais l'histoire ne prend pas du tout le chemin attendu.
C'est un bon roman plein de rebondissements. Ben H. Winters en profite pour parler du racisme, pour réfléchir sur les États-Unis et sur la nature humaine. Victor/Jim est un personnage complexe qui n'a pas eu le choix de sa vie jusqu'à maintenant. Il n'est pas vraiment libre.
Ben H. Winters décrit un système d'esclavagisme terrible qui rapporte des milliards en toute légalité. Et on fait le rapprochement avec les travailleurs indiens, chinois, vietnamiens ou autres qui fabriquent nos vêtements dont les conditions de travail sont souvent difficiles.
Le mode de vie occidental a des conséquences sur la vie d'autres personnes à plusieurs milliers de km, un peu d'éthique sur nos étiquettes ne ferait pas de mal.
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Dans le monde de Victor, les USA ne sont pas ceux que nous connaissons . Dans le monde de Victor, la guerre de Sécession s'est finie en eau de boudin. Les Quatre, les États du Sud, continuent à vivre de l'esclavage, dans l'indifférence coupable des autres membres de l'Union. Parfois l'indignation molle . Mais bon, rien ne change pour les troupeaux de Noirs du Sud, si ce n'est le perfectionnement des systèmes de production, et des méthodes de répression .
Quelquefois, un esclave plus déterminé que les autres parvient à franchir la ligne de démarcation, et à rejoindre la résistance qui l'expédie au Canada, via l'Underground Airlines .
Mais c'est rare . Victor le sait bien, lui qui n'a accompli que la moitié du chemin avant d'être coincé, pucé, embrigadé par les US Marshals; depuis lors, il a gagné le droit de se promener à peu près librement dans le cadre de sa mission.
Qui consiste à infiltrer les antennes locales des Airlines pour rattraper d'autres fuyards .
Des scrupules, il n'en a plus depuis longtemps . Il a trop vécu avec la peur pour accepter d'y replonger; il veut être du bon côté de l'horreur, voilà tout . Et il accomplit son travail méthodiquement, avec succès .
Sauf lorsqu'on lui refile un dossier pourri. Celui de Jackdaw. Un jeune homme trop beau, trop endurant, trop cruel pour être vrai, en quelque sorte . Un jeune homme dont les descriptions administratives sont trop floues . Les projets qu'on lui attribue sont nébuleux . le récit de ses délits imprécis .
Entre conscience professionnelle et conscience tout court, il va falloir choisir .

J'ai trouvé ce roman excellent en tous points . On vit au rythme de la traque, on entre dans la psychologie du héros très progressivement mais avec assurance, et l'auteur nous plonge dans un monde parallèle sans avoir l'air d'y toucher. Tout a l'air vrai.
C'est peut-être le cas ?
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Après les bons avis des Blogopotes sur ce roman et le fait qu'il ait obtenu deux Prix (celui de Sidewise en 2016 et celui du Prix Imaginaire 2019 du roman étranger), il n'est donc pas étonnant que j'ai accepté le service presse proposé par ActuSF. Et à ce titre, je les remercie de me l'avoir envoyé car j'ai eu un énorme coup de coeur pour ce roman!

Dans un XXIème siècle alternatif, quatre États américains du Sud (Alabama, Mississippi, Louisiane et les deux Caroline unifiées) maintiennent encore l'esclavage. Cette « main d'oeuvre » peu coûteuse leur permettent ainsi d'avoir une économie prospère au point de supplanter les autres États et d'alimenter les marchés mondiaux en produits bon marché. Ils achètent aussi leur bonne conscience en régissant leur exploitation afin que cela paraisse acceptable aux yeux du monde (les esclaves sont par exemple appelés TA pour Travailleurs Affiliés, leur meurtre est en théorie interdit et les châtiments encadrés). Toutefois, il n'en demeure pas moins que les conditions de vie des esclaves restent effroyables au point que certains d'entre eux choisissent de s'enfuir. Pour cela, ils sont aidés par l'Underground airlines, une organisation clandestine des États du Nord qui permettent aux esclaves en fuite de rallier le Canada. C'est ainsi qu'intervient Victor, un ancien TA contraint par le Gouvernement américain d'infiltrer ce fameux réseau et de pister les fugitifs. Il est chargé de retrouver Jackdaw mais cette affaire ne va pas se dérouler exactement comme prévue…

Une uchronie…

Underground Airlines est une uchronie dont le point de rupture se situe en 1861 lorsque le Président Abraham Lincoln est assassiné (dans notre Histoire, il le sera mais quatre ans plus tard). Si les conséquences immédiates sont la fin de la Guerre de Sécession, l'abolition de l'esclavage ne sera en revanche pas promulguée en 1862 ; pire, un amendement à la Constitution permet à chaque État de choisir s'il veut le maintenir ou non et c'est ainsi que les quatre États pré-cités le confirment et l'institutionnalisent.

Le titre du roman Underground Airlines fait également référence à un réseau clandestin qui a véritablement existé au XIXème siècle mais qui s'appelait dans notre réalité Underground railroad (qui est aussi le titre éponyme du roman de Colson Whitehead sorti en 2016). Ce réseau n'était pas un chemin de fer comme le laisse entendre le terme « railroad », il permettait aux esclaves en fuite de se rendre soit au nord, au Canada soit au sud, au Mexique. Les fugitifs aidés par les organisateurs appelés « chefs de gare », se déplaçaient de nuit et de jour étaient abrités dans des lieux secrets, les « stations ». Les propriétaires d'esclaves commençaient à craindre que ces fuites ne se généralisent et ont fait appel à l'Etat pour qu'il intervienne. Ainsi, des marshalls et des chasseurs de prime ont été mandatés pour retrouver les fuyards. le roman Underground Airlines reprend exactement le même procédé excepté que le voyage s'achève par un vol direct vers le Canada, d'où le terme « airlines ».

…efficace…

Le roman est divisé en trois parties : la première et la dernière se déroulent dans les États du Nord et la seconde, dans un Etat du Sud, celui de l'Alabama. Si le début de ma lecture a été un peu longuet (je dirais les cinquante premières pages), je ne l'ai plus lâché par la suite, le finissant très rapidement. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé le rythme de l'intrigue menée tambour battant (cela est renforcé par les courses-poursuites et les nombreux jeux de chat et de la souris) qui alterne avec de nombreux rebondissements et des cliffhangers en fin de chapitre ou de partie.

Le personnage principal de Victor est également très intéressant dans le sens où bien qu'il soit le narrateur, non seulement il mène souvent son lecteur en bateau mais il est un personnage des plus ambivalents. Ancien TA dans un abattoir, il parvient à s'échapper en Indiana. Six ans plus tard, il est rattrapé par un Marshall qui lui propose un deal : il n'est pas livré à son ancien propriétaire en échange de quoi, il devra aider le Gouvernement à retrouver d'autres TA en fuite. N'ayant pas vraiment eu le choix, Victor accepte et c'est ainsi qu'il se retrouve à traquer ses frères. Ce personnage est vraiment très nuancé et très crédible, j'ai trouvé.

…qui dénonce les discriminations raciales aux Etats-Unis.

Cette uchronie est également l'occasion pour Ben H. Winters de dénoncer les violences à l'encontre des Noirs, dans les Etats-Unis actuelles. Cela m'a ainsi fait penser à l'essai Triste Amérique de Michel Floquet que j'avais lu il y a trois ans ainsi que l'excellent roman historique Power de Michael Mention qui retraçait le parcours du Mouvement des Black Panthers, dans les années 60 et 70. Il n'est donc pas étonnant que Underground Airlines fasse référence à ce parti alors même qu'il a été dissous dans les années 80.

Le racisme est partout présent dans le roman :
– dans les quatre États du Sud évidemment dans lesquels les Noirs sont réduits en esclavage et sont obligés de travailler dans des usines qui s'apparent à des camps de travail (le roman donne l'exemple d'un abattoir pour Victor mais Jackdaw travaillait dans une usine de vêtements). Ils subissent également des mauvais traitements que ce soit des tortures, des horaires de travail longs et difficiles, peu de protections, peu de soins, ils sont attachés, subissent des punitions physiques et morales, etc…
– dans les États du Nord où ils sont libres, ils sont parqués dans des quartiers insalubres comme celui de Freedman Town. Cela fait directement référence à la situation actuelle des Etats-Unis.

En conclusion, Underground Airlines est une véritable réussite et c'est ce genre de roman que j'aime mettre en avant lorsque je dois défendre les Littératures de l'Imaginaire. Possédant un double niveau de lecture, cette uchronie efficace n'est pas seulement un thriller. Au contraire, s'inspirant du passé des Etats-Unis, elle permet de dénoncer les discriminations raciales et les inégalités à l'encontre des Noirs, et ce bien qu'un Président Noir ait été élu à la Maison Blanche, entre 2009 et 2017. Bref, un roman remarquable que je recommande!
Lien : https://labibliothequedaelin..
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(...)
L'histoire va bien entendu traiter de ces inégalités, dénoncer l'hypocrisie du système mis en place. Mais en premier plan,c'est un thriller, qui va nous happer et nous tenir en haleine jusqu'à la fin. Qui est réellement Victor? Un homme libre ancien esclave, un esclave « moderne » ? Qui le manipule ? Quel est donc cet esclave en fuite qu'on le fait traquer? Beaucoup de question auxquelles même le protagoniste principal, Victor, ne sait pas répondre. Il va donc mener l'enquête, comme on lui a si bien appris à le faire. Nous allons donc le suivre dans ses recherches qui le ramène dans le sud glaçant et dangereux dont il s'est enfui.
(...)
Lien : http://www.leslecturesdemari..
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Bienvenue (ou pas…) dans des Etats-unis dans lesquels l'esclavage n'a pas été aboli. On n'est en effet dans une uchronie, une trame temporelle où Lincoln a été abattu avant la ratification du XIII ème amendement, où la Guerre de Sécession (que les américains appellent Civil War) n'a pas eu lieu et où quatre états ont décidé de maintenir l'esclavage des Noirs. Aussi, lorsque l'un d'eux arrive à s'échapper, les marshals lancent-ils à ses trousses un chasseur.

Nous suivons l'eux d'un, Victor, un ancien esclave qui s'est mis au service de la Loi. Contre une liberté toute relative, mais aussi parce qu'il a un implant permettant de le localiser et susceptible de le tuer sur ordre de son superviseur. Une autre forme d'esclavagisme, en quelque sorte. Victor, comme il'a fait des dizaines de fois, approche le réseau qui a aidé un homme à fuir d'une plantation de coton. Mais cette fois, tout ne va pas se passer si facilement, et il va vite comprendre que le dossier qu'on lui a transmis est incomplet et que ce n'est pas un « simple » esclave qu'il doit traquer…

Le personnage de Victor porte le roman. Très bon chasseur, surdoué pour la traque, froid et désabusé, il veille à ne pas s'attacher à ceux qu'il croise et à se concentrer sur sa mission. Tout en chassant de sa tête les démons de son passé d'esclave dans un abattoir (on connaîtra progressivement les conditions – terribles – de sa fuite). Et c'est donc avec horreur qu'il va devoir retourner dans un des états du Sud, et nous montrer ainsi la vie telle qu'elle est vécue là-bas par les Noirs.

Une plongée terrifiante, le pire étant les conditions de vie des « travailleurs », avec une main d'oeuvre « optimisée » et exploitée, notamment pour la production de vêtements (pourquoi aller en Chine quand il y a aux USA des « travailleurs » bien moins chers ?!). En filigrane, l'auteur brosse aussi le tableau d'une Amérique partiellement raciste, et les compromis entre les états abolitionnistes et leurs voisins, certes dérangeants mais aussi fournisseurs potentiels. Dans le contexte actuel du pays, on n'est hélas pas toujours très éloigné de cette autre réalité.

Le titre du roman est une allusion au Underground Railroad (que personnellement je ne connaissais pas), « un réseau de routes clandestines utilisées par les esclaves noirs américains pour se réfugier au-delà de la ligne Mason-Dixon et jusqu'au Canada avec l'aide des abolitionnistes qui adhéraient à leur cause » comme le dit si bien Wikipédia. Ici, il n'y a pas de lignes aériennes, mais un réseau de passeurs qui s'efforcent de rester le plus discrets possibles.

On reprochera peut-être au roman quelques longueurs ou une résolution finale un brin trop facile mais c'est chipoter un peu car avec un contexte passionnant (même si glaçant), un personnage principal très bien caractérisé et quelques questions de fond, que l'uchronie permet d'aborder, Underground Airlines se révèlent être un très bon roman, de ceux qu'on ne lâche pas une fois commencés et qui font réfléchir une fois reposés.

A noter aussi la postface de Bertrand Campeis, co-auteur érudit du Guide de l'Uchronie.
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For my people

Lorsqu'un auteur parvient à mêler deux genres différents, en l'occurrence la SF dystopique et le polar, tout en construisant un univers terriblement réaliste, il en résulte un excellent récit.

Dans des USA plus très unis, où la guerre de sécession a connu un dénouement drastiquement différent, Victor est chargé de capturer les esclaves fugitifs échappés des États sudistes. C'est la loi, et malgré la rage qu'il ressent il n'a d'autres choix que d'accomplir son métier, mais la dernière mission que l'on vient de lui confier va mettre à mal toutes ces certitudes.

La réussite du récit tient d'abord au personnage de Victor. Un homme complexe aux motivations bien enfouies. Un homme partagé entre son devoir abject et sa race, un homme qui a enseveli sa colère sous un sourire mielleux et un regard soumis. Mais Victor est aussi un enquêteur doué, qui sait lire dans le coeur de ses interlocuteurs. L'auteur le dépeint comme un héritier des détectives dur à cuire de Raymond Chandler, un héritage lourd à porter mais qui correspond bien à l'ambiance poisseuse du récit.

Il faut aussi noter la cohérence de l'univers dans lequel l'auteur place l'action de son récit. Aucun détail n'est oublié, de l'économie jusqu'à la justice en passant par la religion les USA qu'il nous décrit semble réaliste, à notre plus grand désarroi.

L'intrigue, qui emprunte d'abord les codes du polar, prend peu à peu des airs de roman d'espionnage et d'anticipation qui font oublier les températures élevées de l'État d'Alabama tellement les éléments décrits par l'auteur sont glaçants.

Tous les éléments de l'intrigue sont parfaitement maîtrisés, qui font d'Underground Airlines un récit qui a parfaitement assimilé ses références et qui pourraient plaire aussi bien aux amateurs de polars que de récits dystopiques.

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La quatrième de couverture percutante m'a tout de suite séduite. Cette uchronie américaine nous ramène en arrière, mais pas si loin que ça finalement. Il est question d'esclavage, de liberté et de chasse à l'homme. L'auteur, Ben H. Winters, dépeint une Amérique esclavagiste qui rappelle sans mal notre passé. Ce livre traite d'un sujet sensible, même encore à notre époque. le fait d'en avoir fait une uchronie, rend le récit encore plus parlant et perturbant. L'auteur aborde les traques et le démantèlement des réseaux parallèles qui aident les esclaves en fuite.

L'auteur nous présente tout d'abord Victor, vu comme un traître envers son peuple car son job est de prendre en chasse les fuyards. Au fil des pages le personnage se livre, ou plutôt, les souvenirs douloureux qui remontent à la surface se chargent de nous renseigner sur la raison d'une telle chose. Plus la chasse se précise, et plus l'auteur s'immisce dans l'esprit de ce Victor.

On le suit dans ses investigations et on assiste à ces différentes mises en scène, étudiées minutieusement, pour se fondre dans la masse.

Dans toute la première partie je n'ai cessé de me demander comment cet ancien esclave, devenu libre, pouvait se plier à cette obligation de travailler pour les US Marshals sans se rebeller. J'étais curieuse de savoir comment l'auteur allait amener cette révélation et comment il allait justifier un tel comportement. J'ai eu la réponse à mes questions mais je ne sais pas pourquoi j'imaginais quelque chose d'un peu plus surprenant.

Du côté du récit, la narration à la première personne restreint assez le développement de certains personnages. L'histoire est centrée sur Victor, ses états d'âme et ses démons. le lecteur est au coeur de ses émotions mais le reste est un peu laissé à distance sans vraiment nuire au récit.

Lors de sa rencontre avec Martha, j'ai tout de suite eu envie d'en savoir davantage sur elle. C'est le genre de personnage attachant qui apporte une bouffée d'oxygène dans un récit, et qui est capable de se mettre en danger sans le vouloir.

Le style de l'auteur est concis, c'est clair et direct et il ne s'attarde pas sur des détails insignifiants ni même sur des descriptions superflus. L'auteur a focalisé toute son attention sur Victor, d'où le choix du point de vue à la première personne.

Pour conclure, Underground Airlines est un livre poignant qui navigue en permanence entre réalité et fiction, et qui amène de ce fait le lecteur à la réflexion. N'hésitez pas à le découvrir.
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De cet auteur, j'ai déjà à mon actif sa trilogie Dernier meurtre avant la fin du monde. Je me souviens que Lune l'avait qualifié de polar apocalyptique et c'était tout à fait ça (moi et les étiquettes...). J'avais vraiment apprécié cette lecture. Avec Underground Airlines, Ben H. Winters change la donne et se lance dans une uchronie d'envergure : la Guerre de Sécession n'a jamais eu lieu, Lincoln a été abattu avant la ratification du XIIIe amendement. L'esclavage perdure donc dans quatre États du sud des États-Unis : les Hard Fours.

Nous suivons Victor, qui est Noir et vit dans le Nord. Son boulot consiste à traquer les esclaves qui réussissent à s'évader afin de les renvoyer à leur propriétaire. Pas besoin de mettre des guillemets, c'est réellement ça. Sauf que l'on comprend très vite qu'il n'a pas le choix Victor. Il en faisait partie, il a été chopé, marqué, pucé et travaille pour le gouvernement… en laisse comme il dit. Soit il fait ce job, soit il retourne à la chaîne dans les abattoirs Bell d'où il vient.

L'auteur adopte la première personne du singulier et nous place ainsi dans la tête de Victor. On partage toutes ses réflexions les plus intimes, tous ses états d'âme et l'empathie est totale pour ce personnage torturé. C'est véritablement poignant.

Mais on n'a pas vraiment le temps de pleurer sur son sort. Lui non plus d'ailleurs, sauf lors de ses longues insomnies. Parce que ce roman est construit comme un véritable thriller et les pages s'enchaînent à une vitesse frénétique. Ce roman de 426 pages, je l'ai avalé en deux soirées, la plupart du temps avec la gorge serrée. C'est dur, c'est brut de décoffrage, c'est parfaitement adapté au sujet.

Victor est sur un nouveau dossier, le cas Jackdaw, le 212e… Il fait comme si, mais il se souvient de tous. C'est un très bon enquêteur, doublé d'un excellent acteur, capable de changer de personnalité comme de look en un tour de main. Et dans ce dossier Jackdaw, rien ne va. Il va devoir infiltrer l'Underground Airlines, cette filière qui se charge d'exfiltrer des esclaves fugitifs vers le Canada. Et pire, il va devoir retourner dans ce Sud honnis. Les retournements de situation sont légion et on tremble plus d'une fois pour lui. Il sera aidé par Martha, une jeune mère célibataire qu'il a rencontré dans le dernier hôtel où il était basé. Elle a un gamin, un métis… le père était un fugitif, il a été repris. Pas par Victor non, mais c'est tout comme pour la conscience de ce dernier.

Alors bien sûr c'est une uchronie, mais on ne peut pas s'empêcher de faire le rapprochement avec ce qui se passe aujourd'hui aux États-Unis, ou la majorité de la population noire reste en marge de la société. Où leurs droits sont plus souvent bafoués qu'à leurs tours. Où le président Trump ferme les yeux sur les agissements du Klu Klux Klan comme dernièrement...

Underground Airlines est un roman puissant, chargé en émotions et doublé d'un thriller d'une rare efficacité. Entièrement porté par un antihéros charismatique qui cherche à se montrer à nous sous son plus mauvais jour pour supporter sa honte, pour encaisser la peur qui le ronge h24. Ce roman m'a toute retournée et j'ai eu bien du mal à passer à autre chose une fois refermé. Je ne peux que vous conseiller, moi j'en fais un gros coup de coeur. Prévoir juste une phase de digestion post-prandiale délicate !
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