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Critique de viou1108_aka_voyagesaufildespages


De nos jours, une telle phrase serait considérée comme un brin provocatrice, et surtout politiquement incorrecte, puisqu'on n'arrête pas de nous bassiner avec des concepts de développement personnel, épanouissement, quête du bonheur. Au point, paradoxalement, de mettre une pression dingue et de culpabiliser ceux qui n'atteignent pas cet état d'euphorie rose-bonbon malgré cours de yoga, huiles essentielles, séances de thérapie par le rire ou abonnements à la revue Psychologies.
Mais je m'égare, ceci est une autre histoire.
Parce que Mme W. n'a pas pensé à tout ça lorsqu'elle a asséné cette phrase à sa fille adoptive Jeanette (l'auteur du livre), quelque part dans les années 70. Tout ça parce que celle-ci a osé lui avouer, à 16 ans, qu'elle était homosexuelle. Cette fameuse phrase constitue une charnière dans la vie de Jeanette, elle consomme la rupture définitive entre la mère et la fille. Non pas que jusque là Jeanette ait grandi dans l'ambiance idyllique d'une famille formidable où plus belle est la vie. Bien au contraire. A des années-lumière de tous les principes éducatifs conçus dans l'intérêt de l'enfant et de son épanouissement, Mme W. ne connaît qu'une seule vérité : celle de l'Apocalypse, qui viendra enfin la délivrer de cette misérable vie terrestre. Cette vie qui n'a qu'une fonction : être un long Purgatoire avant la mort et le Paradis. Et Mme W. entend bien partager avec son entourage cette « philosophie » aussi irrationnelle que malsaine. C'est ainsi que Jeanette grandit sans imaginer que les relations familiales peuvent être chaleureuses, et sans savoir que l'amour maternel et filial existe.
Enfant adoptée, donc « abandonnée », elle chercher à se construire une identité au milieu de la vie étriquée et des vexations et punitions auxquelles sa mère adoptive, pourtant en demande d'enfant, la soumet. Autodafé des livres que Jeanette cachait sous son matelas, nuits d'hiver passées dehors sur le pas de la porte en sont les exemples les plus frappants. Cela vous forge certes un caractère de dure à cuire, mais cela génère surtout un sérieux handicap relationnel et émotionnel pour cette adulte en devenir.
Ce récit autobiographique d'une incommunicabilité et d'une incompréhension totales entre mère et fille est sidérant et vous fait ouvrir des yeux ronds comme des billes face à la méchanceté de cette marâtre aigrie.
Instable, fragile, colérique, le mental cabossé, Jeanette se sauvera de l'abîme par la littérature, dont elle fera son métier.
Ce livre est d'ailleurs un peu à l'image de son parcours de vie chaotique : la narration n'est pas linéaire, parfois même décousue. Au début, l'auteur s'attarde trop sur son 1er livre « Les oranges… », faisant craindre une resucée de celui-ci. le texte, non dénué d'humour (noir et vachard), bourré de phrases « aphorismes », rend bien l'état d'esprit de son auteur, entre rage et révolte, désespoir et instinct de survie. L'état d'esprit de quelqu'un qui se bat surtout contre lui-même pour sortir de sa prison intérieure, à la recherche de ses racines.
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