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Critique de 5Arabella


Livre du second Soleil de Teur (L'Ombre du bourreau)

L'ombre du bourreau
La griffe du demi-dieu
L'épée du licteur
La citadelle de l'Autarque

Ces quatre volumes constituent le cycle d'origine, et à mon sens se suffisent parfaitement à eux-mêmes.

Il s'agit d'une immense fresque de plus de 1400 pages pour l'ensemble des quatre volumes, où Sévérian nous raconte son parcours. C'est un homme adulte, au sommet de ses moyens, à un moment crucial de sa vie, en train de prendre une décision essentielle pour lui et pour l'ensemble des habitants de la Terre. Et avant de franchir le pas, d'aller vers l'irréversible, il fait en quelque sorte le bilan de sa vie, surtout de ses jeunes années, tout ce qui l'a amené à se trouver à la place où il se trouve et en position de prendre la décision qu'il prend.

Il faut préciser que Sévérian possède une capacité très particulière, celle de ne rien oublier, de garder la mémoire la plus exacte de tous les événements qu'il a vécu, de toutes les personnes qu'il rencontrées, il en garde trace à tout jamais dans le moindre détail, il ne peut rien effacer, rien retrancher de sa vie. Il nous fait donc le récit de sa vie comme s'il la vivait de nouveau, avec la même intensité et le même ressenti qu'à l'époque où se passaient les choses.

Son récit débute lorsqu'il est un jeune garçon, apprenti dans la guilde des bourreaux. Il faut préciser que rentrent dans cette guilde les enfants mâles des condamnés à la peine capitale, et les enfants ainsi recueillis ne doivent pas dépasser une certaine taille, mesurée à une aune inamovible. Ceux qui dépassent la taille maximum sont exécutés. Comme tous les apprentis bourreaux, Sévérian ignore qui sont ses parents, et pourquoi ils ont été exécutés, il sait seulement que ceux qui sont ses maîtres, ses mentors, ses pères adoptifs les ont tués.

Ses jeunes années se déroulent comme celles de autres garçons de son âge, à jouer avec ses camarades, à imaginer des histoires, à découvrir le monde qui l'entoure, à apprendre son futur métier de bourreau. Mais, et c'est une des grandes richesse de ce cycle romanesque, aucun événement que Sévérian nous rapporte, aussi insignifiant qu'il apparaisse à première vue, n'est en réalité anodin, et il aura des répercussions ultérieures, où alors le sens de ce qui s'est réellement passé apparaîtra par la suite. Car Sévérian nous rapporte les faits avec les yeux de celui qu'il était au moment où les choses se sont passées, sans nous expliquer plus que ce qu'il était lui-même en état de comprendre à ce moment-là. Donc il nous rapporte les moments choisis, significatifs mais leur importance et sens véritable ne surgiront qu'au fur et à mesure du déroulement du récit. Vous voilà prévenus, faites attention au moindre détail, il pourra se révéler capital par la suite.

Sévérian n'a en fait jamais remis en cause sa destinée de bourreau, jusqu'à l'incarcération dans la Tour Matachine, où vivent et travaillent les bourreaux, de Thécla, une noble dame, qui suite à des sombres complots de la cour de l'Autarque, se trouve emprisonnée, et doit attendre pour être fixée sur son sort.

Cette situation persiste pendant suffisamment longtemps pour que Sévérian s'attache à la fascinante prisonnière, et que pour elle il transgresse une règle essentielle de l'ordre. Il sera, en punition, banni, et envoyé comme licteur (sorte de bourreau) dans une lointaine province.

Le voyage pour y arriver sera en lui-même une très grande aventure, il aura l'occasion de faire de nombreuses rencontres qui seront capitales pour le reste de sa vie, et de mieux découvrir le monde dans lequel il vit. Il s'agit d'une Terre en train de dépérir, en même temps que meurt peu à peu le soleil. Un monde en décadence, rappelant par certains aspects un monde médiéval, mais aussi rempli de machines sophistiquées, que certains manipulent avec aisance. Il y a aussi toute une série de créatures étrangères, toutes ne sont pas nées sur la Terre. Des guerres ont lieu sur cette Terre des derniers jours, des conflits de pouvoir existent, certains poursuivent des buts inavouables. Sévérian verra tout cela, croisera la route de beaucoup de personnages puissants et mystérieux, car il est une pièce maîtresse dans le destin de la planète, et le découvre peu à peu.

Ne vous attendez pas à un récit linéaire, où tout vous sera expliqué. Gene Wolfe nous montre des choses, en apparence dans des descriptions très réalistes et très précises, mais les zones d'ombres sont plus nombreuses que les choses qu'il nous explique. C'est à chacun de se raconter sa propre histoire à partir des éléments qu'il nous fournit. Il se passe énormément d'événements, mais le plus essentiel, c'est la façon de ressentir, de donner une cohérence à l'ensemble, et c'est au lecteur de le faire. C'est une oeuvre complexe, qui a énormément de niveaux d'explication possibles, d'interprétations admissibles, un magnifique et chatoyant puzzle, qui ne trouve jamais de solution définitive, il y a toujours un morceau qui ne trouve pas sa place et qui demande de reconsidérer l'ensemble d'une autre manière. Mais que de plaisir à chercher les réponses dans l'écriture magnifique de Gene Wolfe, un plaisir sans fin, chaque fois que je viens à bout du quatrième volume, j'ai une désespérante envie de relire le premier, car j'ai le sentiment que certains choses m'ont échappées et j'ai envie de chercher encore, et puis tout simplement je n'ai aucune envie de quitter l'univers de Sévérian.

Un univers étrange, mi fantasy, mi science-fiction, personnellement si je devais qualifier cette tétralogie, je préférerais parler d'un roman d'apprentissage, comme la littérature classique en a fournit des magnifique, et en premier lieu (pour moi en tous les cas) le Wilhelm Meister de Goethe. C'est dire à quel niveau je place ces livres, qui furent le deuxième cycle de fantasy qu'il m'a été donné de lire, et dont je n'ai plus jamais trouvé d'équivalent dans le genre.
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