Si j'ai mis longtemps à terminer ce roman récupéré au milieu de ma PAL, c'est que certains impératifs m'en ont détourné (emprunts de livres à la médiathèque avec date de retour à respecter, critique à publier sur Babelio suite à opération Masse Critique chanceuse et accessoirement obligation d'aller au travail...). De ma propre volonté, je me serais confortablement installée et aurais avalé les 700 pages d'un seul jet, tant l'histoire est prenante.
Voilà ce que j'appelle un Roman , un "vrai de vrai", un qui nous transporte ailleurs, participe à notre culture en nous faisant découvrir l'histoire méconnue d'un pays et fait battre notre coeur de lecteur au rythme des joies et des peines de ses personnages. Si comme moi, vous croyez que Barbara Wood est juste une auteure de romans sentimentaux à l'eau de rose (genre que j'exècre), détrompez-vous !
A travers l'histoire de trois générations, c'est presque un siècle de l'histoire du Kenya que l'on parcourt. Après avoir découvert le pays lors de la première guerre mondiale, les Britanniques commencent à s'y installer, attirés par l'immense territoire. C'est le début du colonialisme.1920, Lord Traverton vient de créer une plantation de café à Nyéri, son épouse Rose arrive d'Angleterre pour le rejoindre, ainsi que sa soeur Grace. Cette dernière, médecin, a décidé d'y construire un dispensaire mais elle va se heurter à la guérisseuse de la tribu kikuyu qui occupait les terres avant leur installation. Celles-ci vont être happées par l'ambition des Européens pendant que les populations locales vont se diviser. Certains vont accepter de travailler pour les Blancs quand d'autres vont entrer en rébellion pour lutter pour la sauvegarde de l'âme africaine jusqu'à l'obtention de l'indépendance en 1963.
Dans ce roman, l'auteure nous parle de la condition féminine et de son évolution à travers le temps : Grace est une des premières femmes médecins et a eu du mal à s'imposer dans un milieu d'hommes. Son existence est en total opposition avec celui de sa belle-soeur Rose, la femme de Lord Traverton, qui n'a pour seule raison d'être que de mettre en valeur son mari et sa propriété à travers de grandioses réceptions. Mais les temps changent, la révolte gronde aussi dans le coeur des femmes. Barbara Wood nous décrit également le sort de la femme africaine, encore moins enviable, notamment avec ses coutumes ancestrales telle que l'excision contre laquelle Grace va lutter de toutes ses forces. J'ai adoré ce roman car les femmes y jouent un rôle magnifique. Entre haine et amour, l'histoire de deux peuples qui se déchirent, une lutte qui ne verra même pas de répit à l'indépendance du pays.
En livre de poche, presque 700 pages, une police d'écriture minuscule, plein de termes en langue locale, mais un style si fluide, si poétique et si cruel à la fois pour décrire toute l'ambiance africaine, que je regrette déjà d'avoir tourné la dernière page. C'est ainsi avec les coups de coeur, alors bien sûr que j'accorde 5 étoiles (10 si c'était possible) et un 20/20 pour un si beau voyage.
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Ca fait un moment que j'ai lu ce superbe roman et que je viens de retrouver dans ma bibliothèque après rangement. L'auteur nous fait voyager dans ces terres Africaines avec pur enchantement, d'autant plus que l'histoire de cette jeune médecin venu rejoindre son frère en Afrique est attachante.
Un roman qui se mélange avec passion dans l'histoire de l'Afrique et ses ethnies. Superbe ... à lire absolument.
D'ailleurs, je pense m'y replonger une deuxième fois !
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Problème avec la colonisation c'est que le pays colonisateur veut toujours imposer sa vision du monde sans chercher à connaître le peuple colonisé. Dans ce livre les kikuyus sont des gens avec leurs propos régles , coutumes..., les anglais l'ont un peu oublié!
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- Mais la terre nous appartient également, précisa Valentin. Notre domaine s'étend assez loin dans cette direction.
- Des gens vivent sur nos terres ?
- Des squatters. C'est un systèmes mis au point par le ministère des Colonies. Les Africains peuvent établir leur "shambas" - c'est le nom qu'ils sonnent à leur champs - sur nos terres s'ils travaillent pour nous en retour. Nous prenons soin d'eux, nous réglons leurs querelles, nous faisons venir un docteur s'ils en ont besoin, nous leur donnons à manger et de quoi se vêtir, et ils travaillent la terre pour nous.
- Cela me paraît très féodal.
- Pour tout dire, c'est exactement ça.
- Mais... - Grace fronça les sourcils - N'étaient-ils pas déjà ici, avant que tu achètes ces terres ?
- Rien ne leur a été volé, si c'est le fond de ta pensée. Le gouvernement de sa Majesté a proposé au responsable du village une offre qu'il ne pouvait pas refuser. Elle le transformait en chef - les Kikuyus ne connaissent pas les chefferies - et lui conférait toutes sortes de pouvoirs. En échange, il a vendu la terre pour des perles et du fil de cuivre. Une opération parfaitement légale. Il a placé l'empreinte de son pouce sur l'acte de vente.
- Tu t'imagines qu'il comprenait ce qu'il faisait ?
Quand ils atteignirent la véranda, Grace dit :
- Il faut remédier à la condition des femmes africaines, James. Rendez-vous compte, nous avons eu une invasion de criquets il y a deux mois et les hommes en ont tenu les femmes pour responsables ! Ils ont dit que c'est parce qu'elles portaient des jupes courtes et que Dieu avait envoyé les sauterelles en châtiment.
Elle se tourna vers lui.
- James, j'ai pesé certains des fardeaux de ces femmes. Il y en a une qui portait quatre-vingt-dix kilos ! Et le taux des naissances est tellement élevé. On voit beaucoup de femmes avec huit et dix enfants, qui cultivent leurs champs toutes seules parce que les maris travaillent pour l'homme blanc. Depuis qu'ils reçoivent une certaine instruction, les jeunes Africains ne veulent plus rester sur leurs terres. Ils reviennent à la maison en visite, mettent leur femme enceinte et disparaissent de nouveau. Et ils sont très opposés à l'instruction pour leurs épouses et leurs filles.
Les Africains avaient été surpris, à leur arrivée dans le territoire sous mandat, de découvrir qu'ils avaient des quartiers et un mess séparés du reste du bataillon. Au Kenya, il était admis que les Africains et les colons blancs demeurent séparés - c'était simplement comme cela et il en avait toujours été ainsi - mais ils s'étaient attendus à ce que l'armée soit démocratique. En somme, ils portaient tous le même uniforme et servaient la même cause, non ? Pas plus tard que la semaine précédente, David avait appris que les soldats Africains recevaient une solde inférieure à celle de leurs homologues blancs.
Cela avait été un choc. Plusieurs de ses camarades avaient protesté contre cette différence, déclarant qu'un soldat était un soldat, noir ou blanc, et devait recevoir la même solde. Mais les officiers, tous blancs, avaient rappelé aux protestataires africains qu'ils étaient mieux lotis que les compatriotes restés en Afrique et devaient remercier l'armée de les avoir pris au lieu de les laisser trimer comme des femmes dans les plantations.
Nous appartenons aux hommes. Nous sommes leur bien, dont ils disposent à leur gré. Mais n’oublie jamais, fille de mon fils, que les nôtres s’appellent les Enfants de Mumbi, la Première Femme, et que les neuf clans des Kikuyus portent chacun le nom d’une des neuf filles de Mumbi. Ceci pour nous rappeler que nous les femmes avons été puissantes et qu’il y a eu une époque perdue dans les brumes où nous commandions et où les hommes nous craignaient.
Vous vous apercevrez que votre nouveau titre sera pour vous une malédiction autant qu’un privilège... Nombreux seront ceux qui vous en voudront de votre intrusion dans leur confrérie jalousement gardée, et plus d'un malade vous jugera incapable de pratiquer la médecine. Vous n’aurez pas une vie sociale normale parce que vous n’entrerez dans aucun des rôles féminins admis. Certains hommes vous placeront sur un piédestal et vous estimeront hors d’atteinte. D’autres vous considéreront comme une curiosité, un phénomène de foire.