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Critique de batlamb


Si on y réfléchit intensément, Woolf, c'est un nom qui sonne un peu comme un aboiement, non ? Voilà qui prédestinait donc à écrire un livre sur le meilleur ami de l'homme. En tout cas, le prémisse de ce roman est amusant, puisqu'il consiste à raconter la vie d'une poétesse (Elisabeth Barrett) à travers le point de vue de son chien Flush. J'admets que Woolf fait quelques efforts méritoires pour adopter la perception canine, surtout vers le début, où elle évoque les bruits, les odeurs et les formes du cabinet de Miss Barrett, un monde inconnu et angoissant pour un chien. Cela fournit parfois de jolies descriptions. Toutefois, la scène de la première rencontre ne laisse aucun doute quant à la véritable intention de Woolf : « Ils se ressemblaient. Tandis qu'ils se considéraient, chacun d'eux sentit : « Me voilà » — puis chacun : « Quelle différence ! » ».

Hé oui, Woolf cède à la facilité de l'anthropomorphisme. Elle prête à Flush des pensées et des émotions humaines, trop humaines, qui viennent démentir tous les efforts effectués par ailleurs pour nous faire croire que le point de vue du chien est différent de celui d'un petit enfant chevillé au sort de sa mère. de ce fait, que se passe-t-il lorsque, quelques phrases plus tard, Woolf nous lance cette constatation qui aurait pu être déchirante ? :

« Entre eux béait le gouffre le plus large qui puisse séparer un être d'un autre. Elle parlait ; il était muet. Elle était femme ; il était chien. »

La réponse à ma question rhétorique est : je n'y crois pas. Pour la simple raison que Woolf vient précisément de faire parler Flush comme un être humain. Un discours direct certes inaudible pour Miss Barrett, mais pas pour le lecteur.

Le récit baigne dans cette contradiction agaçante. L'ambition de raconter le monde du point de vue d'un chien est systématiquement sapée par le fait que ce chien n'en soit pas vraiment un.

A cause de ce traitement bancal du sujet, le style affecté de Virginia Woolf sombre parfois dans le ridicule. Les manifestations de cette préciosité viennent même gâcher les passages qui s'éloignent de la perception humaine, comme dans cette description olfactive, qui verse carrément dans la "purple prose" : « II semble que la Beauté, pour toucher les sens de Flush, dût être condensée d'abord, puis insufflée, poudre verte ou violette, par une seringue céleste, dans les profondeurs veloutées de ses narines ».

Ou comment parler avec grandiloquence des odeurs sans finalement rien dire de précis, ne rien faire sentir de précis. Woolf ne parvient jamais vraiment à s'extraire d'une préciosité anthropomorphique qui se manifeste aussi dans de pathétiques tentatives d'humour (quand Flush prend conscience de l'équivalent des classes sociales humaines chez les chiens ou court après les chiennes romaines comme un aristocrate libertin).

Toute cela ne m'a guère brossé dans le sens du poil, et je n'ai guère trouvé d'intérêt à cette histoire finalement très mièvre (qui ne nous apprend d'ailleurs pas grand chose sur l'oeuvre d'Elisabeth Barrett). Une première rencontre manquée donc. L'humour de Woolf ne me touche pas. Je lui accorderai peut-être une seconde chance dans un autre registre, au risque de m'ennuyer tout autant.
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