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Critique de ileana


Une excellente biographie, malgré une baisse de régime au milieu du récit. Ah, l'art de Virginia Woolf ! J'ai particulièrement savouré l'humour (un exemple, l'exquise improvisation sur l'étymologie du mot épagneul tout au début). Sur l'ensemble, le discours balance entre pudeur et sensualité : la pudeur, lorsque l'auteur effleure les sentiments ; la sensualité en évoquant l'odorat, les textures, ou alors, dans le dernier tiers, l'Italie, vus par Flush, le cocker spaniel. Autre détail, ou plutôt une vignette : le portrait et la très brève bio de la fidèle femme de chambre Lilly Wilson, à peine 5 pages, à la fin dans le notes.

J'ai prolongé cette lecture en explorant tout ce qui accompagne la naissance de l'oeuvre et les sources d'inspiration. La vraie vie d'Elisabeth Barrett, la poétesse, et de son mari Robert Browning ; leurs portraits victoriens sur le web ; leur fugue et la notoriété qui a suivi ; la genèse de cette oeuvre, conçue comme une parodie des récits biographiques publiés par le cher ami défunt, Lytton Strachey.

D'ailleurs la bio du couple Barrett Browning était dans l'air du temps dans Les années 30 (pièce de théâtre, film). J'ai identifié sur wiki des images de la très respectable adresse à Londres, Wimpole Street No 50. http://en.wikipedia.org/wiki/Wimpole_Street

Pour finir, j'ai choisi deux longs extraits : Londres et Florence
« Il est possible qu'aujourd'hui encore personne ne tire sans trépidation une sonnette de Wimpole Street. C'est la plus auguste et la plus impersonnelle des rues de Londres. En vérité, lorsque l'esprit croit voir le monde entier tomber en ruine et notre civilisation vaciller sur ses bases, il suffit de pénétrer dans Wimpole Street ; d'avancer le long de cette avenue ; de promener son regard sur ces façades ; de contempler leur uniformité ; d'admirer aux fenêtres la consistance des rideaux, aux portes les marteaux de cuivre, leurs éclat, leur alignement ; d'observer tour à tour les bouchers qui présentent des gigots et les cuisinières qui les reçoivent ; de supputer le revenu des habitants du lieu et d'en déduire justement leur soumission aux lois divines et humaines – il suffit, dis-je, d'aller dans Wimpole Street, de s'abreuver profondément à l'esprit de paix que l'autorité y souffle, pour pousser un soupir de soulagement et remercier le ciel – car, s'il est vrai que Corinthe est tombée, que Messine a croulé, qu'on a pu voir les couronnes jetées bas par la tempête et les vieux empires volatilisés dans les flammes, Wimpole Street, du moins, est demeurée inébranlable ; [ ] car aussi longtemps que Wimpole Street demeurera, la civilisation sera sauve. »p38

Florence :
Quel fumet le soleil peut faire exhaler à la pierre ! [ ] de quelle acidité l'ombre imprégnait les dalles ! Flush [le chien] dévorait des grappes entières de raisins mûrs, surtout à cause de leur odeur pourpre ; [ ] Il suivait la douceur défaillante des bouffées d'encens dans l'entrelacs violets des sombres cathédrales ; et, reniflant, tentait de laper au passage l'or répandu par un vitrail. [ ] Il appréciait, de Florence, tour à tour les lisses douceurs marmoréennes et les caillouteuses rugosités. La pierre usée des grises draperies, les doigts, les orteils des statues reçurent bien souvent la caresse de sa langue, le frôlement des narines tremblantes. Sur les coussinets infiniment sensibles de ses pattes s'imprimèrent d'orgueilleuses inscriptions latines. Bref, il connut Florence [ ] comme ne l'ont jamais connue Ruskin ni George Eliot – comme seuls, peut-être, les muets peuvent connaître. Pas une seule des sensations lui arrivant par myriades ne fut soumise à la déformation des mots. »p151

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