A la relecture des « Vagues » de
Virginia Woolf se pose à moi la question de la réception de cette oeuvre parue en 1931.
Virginia Woolf a déjà publié à l'époque de grandes oeuvres telles que « La traversée des apparences », «
Mrs Dalloway », « La Promenade au phare », «
Orlando », « Une chambre à soi »... Avec «
Les Vagues », l'auteure étend son exploration stylistique encore plus loin, à un degré d'émancipation inédit. Cette oeuvre expérimentale, plus proche en effet de l'élégie que du roman, rencontre pourtant un vif succès, dès sa sortie. L'oeuvre est construite sur une série de monologues, entrecoupés de brefs intermèdes descriptifs qui dépeignent les métamorphoses successives d'un paysage marin à neuf moments de la journée, de la levée du jour jusqu'au crépuscule. le lecteur suit les personnages, de l'enfance à l'âge adulte, et comprend que ceux-ci, loin de toute psychologie, représentent une seule et même conscience éclatée, dans laquelle l'auteure entend cristalliser la mouvance de l'existence. L'adhésion de cette oeuvre auprès des lecteurs britanniques, d'abord dans le cercle restreint de l'aristocratie intellectuelle, puis auprès de la presse et du grand public, et dont on compare aujourd'hui la modernité à « Ulysse » de Joyce, me pose la question suivante : L'oeuvre de
Virginia Woolf fait partie des classiques de la littérature et, de ce fait, est largement connue. Mais, une telle oeuvre, paraissant aujourd'hui, remporterait-elle le même succès ?... J'en doute. Qui lit de la poésie aujourd'hui ? Une poignée d'irréductibles. Quant aux éditeurs, ils sont pour la plupart ces mêmes poètes délaissés.
J'ai choisi de relire «
Les Vagues » dans la première traduction qui en a été faite en 1937 par
Marguerite Yourcenar et qui, il y a fort longtemps, m'avait déjà éblouie. Cette traduction rencontre, elle aussi, l'adhésion du public francophone dès sa parution. Deux autres traductions ont vu le jour depuis, celle de
Cécile Wajsbrot en 1991, et celle de Michel Cusin, pour la Pléiade, en 2012.
Ce qu'annonce
Marguerite Yourcenar dans sa préface est le reflet sans pareil d'une rencontre merveilleuse entre les deux poétesses : « Les quelques pages qui vont suivre auront atteint leur but si je parviens à persuader le lecteur de l'intense sentiment d'humanité qui se dégage d'une oeuvre où il est permis de ne voir d'abord qu'un ballet admirable que l'imagination offre à l'intelligence. »
Quant à mon élan personnel, s'il a quelque intérêt, il se résume ainsi : Allez-y ! Plongez-y ! Noyez-vous dans ce flot langagier d'une force inouïe. Chaque phrase est un tourbillon qui vous retournera la cervelle.
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