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sur 2302 notes
Une journée dans la vie d'une femme, mais pas n'importe laquelle. Bourgeoise anglaise, qui prépare une soirée, qui se penche sur ses choix de vie, qui voit sa fille devenir une femme, qui voit revenir son amour de jeunesse… Mais on passe aussi sur d'autres personnages, avec d'autres préoccupations, certaines bien plus tragiques.

Entre futilités de la bourgeoisie, introspection féminine et imagination torturée, ce roman est une sorte d'instantané d'une journée, comme un tableau par petites touches. Je l'avais lu (et étudié) à la fac, mais avais complètement occulté l'importance des différents points de vue, j'avais oublié les autres personnages. Une lecture tourmentée et incontournable, quelques longueurs et circonvolutions, mais j'ai aimé retrouver cette plume très british et féminine.
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Mrs dalloway de Virginia Woolf
Clarissa, qui organise une réception pour son mari part se promener dans Londres, la guerre est finie le roi et la reine sont à Buckingham palace, les choses ont repris leur cours habituel, les poneys trottinent tandis que les filles promènent leurs chiens ridicules. Elle rencontre Hugh Whitebread ami d'enfance qui l'a saluée
avec cérémonie, il est à Londres pour qu'Evelyn sa femme voit des médecins , d'ordinaire on y vient pour voir des tableaux. Tout en discutant avec lui, Clarissa se demande si elle a bien choisi son chapeau! . Peter détestait Hugh. Peter faisait un bon compagnon de promenade elle avait failli l'épouser mais il était fatigant, elle avait eu raison de rompre. Elle était désormais Mrs Richard Dalloway. Une voiture fait un bruit effrayant tout le monde autour imagine qu'il s'agit d'une personne importante, Clarissa, qui vient d'acheter des fleurs, est persuadée que c'est la reine qui fait des courses. Déception de ne pas avoir été invitée à un déjeuner, sentiment de virginité malgré une maternité. L'amour, Sally, l'avait elle aimée? Peter réapparaît après cinq ans passés en Inde, toujours le même, critique envers elle, mais bien habillé. Peter se souvient du jour où Mr Dalloway avait rencontré Clarissa, il avait été subjugué elle avait été si maternelle avec lui. Et puis apparaît en alternance Septimus, ancien soldat qui menace de mettre fin à ses jours, atteint d'une profonde dépression nerveuse, soutenu par sa femme Rezia et suivi par le docteur Holmes qu'il ne veut plus voir. On suit les réflexions de miss Kilman au service des Dalloway, qui hait leur réussite et leur fortune, la beauté de Clarissa alors qu'elle est si laide, tant d'injustice dans ce monde et pourtant elle était très proche d'Elizabeth Dalloway.
Une journée dans la vie de Clarisse Dalloway, on suit ses pensées comme ses déambulations, présent, passé, futur se télescopent. En parallèle il y a Septimus, ancien soldat traumatisé par la guerre, dépressif dont ce sera la dernière journée. Un livre dépressif, un peu déprimant, une prose raffinée mais un peu trop sage pour moi. Je n'avais pas pu finir « Entre les actes » il y a donc un progrès mais l'univers de Woolf manque de chaleur, trop cérébral. J'y reviendrai…plus tard.
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J'avais lu Mrs Dalloway il y a une trentaine d'années, au début de ma vingtaine. Cette lecture m'avait marquée, j'avais beaucoup aimé, mais pas tout compris. Si tant est que j'aie mieux compris aujourd'hui, en tous cas ma relecture en juin dernier fut différente. Plus intense, profonde, intime, peut-être, et le coup de coeur, lui, a été monumental. J'ai tout adoré dans Mrs Dalloway, et continuellement admiré le génie de Virginia Woolf, sa plume légère et poétique, le talent merveilleux qu'elle déploie dans cette histoire. Sa manière de décortiquer chaque pensée et chaque nuance, comme si tout était une aventure, m'a stimulée, réconfortée et continuellement inspirée (C'est vous dire dans quel état je devais être avant de partir en congés début juillet, hahaha). J'ai lu des auteurs qui pratiquent avec grand talent le monologue intérieur, je pense à John Banville, Mike McCormack ou Anna Burns... Mais Virginia Woolf, en plus, fait glisser le flux de conscience d'un individu à un autre, avec une souplesse et un naturel, absolument confondants. C'est comme si une brise soufflait dans les rues de Londres, exposant chaque personnalité frôlée à une mise à nu consentie de son âme. Chaque petite bribe, pensée, interrogation, souvenir ou pas de côté construit un ensemble mouvant et fascinant à plusieurs voix qui, au-delà de raconter des destins individuels et de creuser dans des personnalités distinctes, interroge l'humain dans son épaisseur, le couple, la société, la vie, l'amour, la mort, la folie… Quel génie, mais quel génie ! Il semble ne rien se passer dans Mrs Dalloway, mais ce n'est qu'un leurre habile, car de bout en bout c'est une société en pleine mutation qui s'y réfléchit, celle de l'après première guerre mondiale.

« La paix descendait sur elle, le calme, la sérénité, cependant que son aiguille, tirant doucement sur le fil de soie jusqu'à l'arrêt sans brutalité, rassemblait les plis verts et les rattachait, en souplesse, à la ceinture. C'est ainsi que par un jour d'été les vagues se rassemblent, basculent, et retombent ; se rassemblent et retombent ; et le monde entier semble dire : « Et voilà tout », avec une force sans cesse accrue, jusqu'au moment où le coeur lui-même, lové dans le corps allongé au soleil sur la plage, finit par dire lui aussi : « Et voilà tout. » Ne crains plus, dit le coeur. Ne crains plus, dit le coeur, confiant son fardeau à quelque océan, qui soupire, prenant à son compte tous les chagrins du monde, et qui reprend son élan, rassemble, laisse retomber. Et seul le corps écoute l'abeille qui passe ; la vague qui se brise ; le chien qui aboie, au loin, qui aboie, aboie. »
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En épousant Richard Dalloway, à l'âge de vingt ans, Clarissa Parry est devenue Mrs Richard Dalloway. le livre se passe à cette époque où, en épousant un homme, une femme prenait, non seulement son nom, mais aussi son prénom.
Clarissa Parry a disparue, et avec elle :
les jours heureux de l'enfance à Bourton ; son vieux père Justin Parry ; Fred ; l'oncle William et Tante Helena ; sa soeur Sylvie tuée par la chute d'un arbre ; le shilling jeté dans la Serpentine ; l'ami-prétendant-confident-potentiel époux, Peter Walsh, «Vous êtes prude, froide, sans coeur disait-il, vous ne comprendrez jamais combien je vous aime», «avec vous je m'amuse mais avec Richard, je suis de coeur» répondra-t-elle ; l'amie, encombrante confidente : «Ses rapports autrefois avec Sally Seton, n'était-ce pas de l'amour, après tout ?»
Elle est devenue Mrs Richard Dalloway :
« La moitié du temps je fais les choses pour que les gens pensent ceci ou cela » ; elle fréquente Hugh Whitbread dont «Peter déclarait qu'il n'avait ni coeur ni cervelle, rien que les manières et l'éducation d'un gentleman anglais» ; elle fait comme «Les ardents jeunes gens et les jeunes filles rieuses, aux transparentes mousselines, qui, ce matin même, après avoir dansé toute la nuit, promenaient leurs ridicules chiens aux poils de laine.»
«De l'autre côté de la rue, les échos résonnèrent, étranges, aux oreilles des jeunes filles qui choisissaient pour leurs noces des du linge frais garni de purs rubans blancs.»

Elle parle en ces termes de son mariage :
« Si adorable qu'elle ait été dans sa jeunesse, il vint un jour - sur la rivière, derrière le bois à Clieveden - où sans doute elle le déçut. Puis à Constantinople, et d'autres fois encore. »

Elle jalouse Miss Kilmann la préceptrice de sa fille Elizabeth :
«Kilmann est arrivée comme nous avions fini de déjeuner. Elizabeth a rougi. Elles se sont enfermées. Je crois qu'elles prient.

Ce matin de juin, un été anglais au soleil blanc, elle approche de ses cinquante-deux ans, et pense à la soirée qu'elle organise, aux invités, aux non-invités, car dans cette société on est attentif à être «invité» et l'on se morfond lorsque l'on quitte ce groupe béni pour devenir un «non-invité» ; elle doit sortir pour rencontrer Miss Pynn chez le fleuriste Mulberry.

«(Elle regarda dans la glace) et vit le délicat visage rose de la femme qui allait ce soir même donner une soirée, Clarissa Dalloway, elle-même»
Elle marche dans ce quartier de Westminster et croise des choses et des gens qui semblent immuables, qui semblent avoir été placés là, sur son passage, pour lui rappeler qui elle est.
Comme au théâtre, chaque personnage, chaque chose, chaque lieu, a un nom, qui le définit et le caractérise. Ces «utilités» accompagnent Clarissa, Peter et le couple Warren Smith, les rôles centraux de la pièce que l'auteur leur fait jouer, qu'ils jouent pour eux, qu'ils jouent pour nous, qu'ils jouent pour persuader ces «utilités» que leur présence n'est pas vaine et donne tout leur sens aux rôles principaux.
«Jouons quoiqu'il en soit, notre rôle; adoucissons les souffrances de nos compagnons de geôle» (encore Huxley)
Leurs longs monologues sont rythmés par ces rencontres de circonstance où l'on croise comme des balises, des phares dans la nuit, des panneaux lumineux, des panneaux fléchés, des itinéraires et des guides à la fois :

Mrs Turner, Mrs Walcker, Miss Pynn, Mr Wilkins, Miss Brush, Mrs Foxcroft, Lady Bexborough, Lady Millicent Bruton, Miss Cummings, Joseph Breitkoff, Hugh et Evelyn Whitbread, les Kindersley, les Cunningham, les Kinloch-Jones, les Morris, Mrs Barnette, Lady Lovejoy, le major Orde, Ellie Henderson, Mrs Marsham, Mrs Burgers, l'horloge de Big Ben, Whitehall, le Strand, Trafalgar Square, Hay Market, Picadilly, Regent Street, Marylebone Road, les magasins Mulberry , Hatchard, Rumpelmayer, Dent, Mrs Filmer, Mrs Peters, l'Agence Sibley et Arrowsmith, Mr Brewer, MM Rigby and Lowndes, Septimus et Lucrezia Warren Smith, le docteur Bradshaw et Lady Bradshaw, Evans, Isabelle Pole, Scrope Purvis, Mr Bowley, Mrs Coates, Mrs Bletchey, Maisie Johnson, Mrs Dempster, Mr Bentley (roule son gazon à Greenwich), le Docteur Holmes, Mr Fletcher, Miss Gorham,

Peter Walsh : Chacun, s'il était sincère, dirait la même chose : on ne tient plus aux autres passé cinquante ans ; on ne dit plus aux femmes qu'elles sont jolies ; la plupart des hommes de cinquante ans feraient cet aveu.
Lucrezia Warren Smith : C'est le chapeau qui est le plus important. Les anglais sont très silencieux.
Septimus Warren Smith : Car maintenant que tout était fini, la paix signé et les morts enterrés, il était saisi, surtout le soir, de ces foudroyants accès de peur. La mort d'Evans ne lui avait pas fait de peine, c'était le pire.
La vieille femme de la station de métro de Regent's Park : ee um fah um so
foo swee too em oo
Docteur Williams : Personne ne vit seulement pour soi.
Docteur Bradshaw : Les gens que l'on aime le plus ne sont pas ce qu'il faut quand on est malade. Il faut qu'il apprenne à se reposer.
Docteur Holmes : Ma chère madame, je suis venu en ami.
Lady Bruton : Hugh est lent, il engraisse.
Sir Richard Dalloway : Un homme resté pur, mais devenu un peu silencieux, un peu tout d'une pièce - il se répéta que c'était un miracle qu'il eut épousé Clarissa ; un miracle ; sa vie avait été un miracle, pensa-t-il, en attendant pour traverser. Les déjeuners en ville font perdre l'après-midi entier.
Miss Kilmann : Dans son Mackintosh, qui écoutait tout ce qu'elles disaient...elle avait plus de quarante ans et, après tout, ne s'habillait pas pour plaire. C'était vrai que sa famille était d'origine allemande. Aussi elle n'enviait plus les femmes comme Clarissa Dalloway ; elle en avait pitié.
Elizabeth Dalloway : C'est parce que Miss Kilmann parle toujours de ses souffrances qu'elle est difficile à supporter. Elle aime les gens qui sont malades. Abbesses, principales, surintendantes, dignitaires, voilà ce qu'on était, sans éclat, dans la lignée des femmes.
Clarissa Dalloway et Peter Walsh : C'est décevant de connaître si peu les gens.
Clarissa Dalloway : Si ravie de vous avoir vu.

La force du roman réside dans l'intensité de cette journée d'été anglais qui précède la soirée de Clarissa, les gens vont et viennent, paraissent ce qu'ils sont les uns pour les autres, bien cachés derrière leurs noms, et chacun tout en affirmant avec force ce que suggère son nom, tente de maîtriser le flot de peurs, d'angoisses, d'incertitudes, d'interrogations, de doutes qui le traverse de façon ininterrompue.
Ce jeu d'ombre et de lumières se déroule dans les mêmes lieux, aux mêmes heures, ils montent et descendent des mêmes bus à impériale, fréquentent les mêmes rues, les mêmes magasins, mais jamais leurs échanges ne vont au-delà de la couche friable du sable léger qui masque leur personnalité profonde.
Enfin la soirée arrive, pas la libération. A l'entrée, l'extra Mr Wilkins égrène les noms des invités, et le jeu reprend de plus belle.
La conclusion appartient à Lady Rosseter et à cette phrase ambiguë : « Que vaut l'intelligence comparée au coeur»

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Le récit couvre 17 heures de la vie de Clarissa Dalloway, une femme mondaine très prise par ses obligations de dame de la haute société et qui s'apprête à donner une réception où le premier ministre est attendu. Pendant sombre de ce personnage, Septimus Warren Smith est un jeune homme que la perte d'un camarade à la guerre fait peu à peu sombrer dans la folie et le conduit au suicide. On peut considérer ces deux personnages comme les personnages principaux, même s'il convient de dire que l'effet polyphonique recherché par l'auteure peut amener à considérer que la vie du Londres des années 20 est le véritable “personnage principal”. En effet, la multiplicité des points de vue, la manipulation du temps du récit avec l'usage de l'analepse, le recours au “courant de conscience” par le discours indirect libre laisse une impression de porosité narrative et en définitive d'une totalité dans le pouls de la vie londonienne, et en fait le digne pendant anglais d'Ulysse de James Joyce.
Le style du livre est une petite musique très agréable, pleine de délicatesse et d'humour ce qui rend sa lecture passionnante. C'est le type même de roman que j'apprécie alliant la sureté du style avec une certaine complexité narrative qui demande la participation active du lecteur qui jouit en retour d'une grande sensation de plénitude dans ce moment privilégié de la lecture.
Saluons la magistrale préface de Bernard Brugière qui éclaire cette oeuvre et en rend l'expérience plus riche de sens et de signification.
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Beaucoup de « tel qu'en elle même », tel qu' «en les autres », tel qu'entre soi et tellement d'autres. Dans ce roman, beaucoup de regards, de plans, de séquences, beaucoup de mouvements, tellement de lucidité, de clairvoyance. Virginia Woolf écrit.Elle dit. Amour et désamour, absence et douleur, cette difficulté de vie de l'être face à cette insupportable survie d'un paraître. Tenir l'équilibre, le juste équilibre. Vertige, bascule, tenir la distance. Être mouvement intérieur . Tenter de garder le contrôle de l'absurdité de son rôle... Roman fondateur. Fondateur pour l'histoire du Roman. A la lecture de « Mrs Dalloway » je me suis demandée combien de personnages de Duras n' auraient peut être pas vu le jour si Virginia Woolf n' avait pas donné vie à Clarissa. Impossible de ne pas penser à cela. Woolf et Duras, si intérieurement liées . Intimité de la souffrance.  «  L'âme doit prendre courage et subir... » Douleur d'une connaissance. Comme « une lame de canif ». Et cette incroyable écriture du Lieu. Londres embarque sur le regard de Woolf. Rien n'est innocent, rien, ni même personne. Tout est si vrai et et nous parlons de roman. Tout est si parfaitement clair, c'est peut être pour cela que tout cela est follement beau.

Astrid Shriqui Garain
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Je vous présente un roman et un auteur que je désirais découvrir depuis quelques temps. Mrs Dalloway est un roman fleuve qui ne se laisse pas apprivoiser si facilement. En effet, ma lecture fut parfois déconcertante car je suis passée par des passages d'une clarté sans équivoque pour aller vers des paragraphes interrompant le cours du récit où je me suis sentie démunie et perdue. On sent parfaitement que Virginia Woolf a voulu faire passer beaucoup de messages mais ils sont parfois difficiles à cerner. Je me suis régalée de l'écriture et de la construction des phrases. Ces dernières sont souvent très longues mais si bien échafaudées qu'elles se lisent sans problème. La plume est poétique et travaillée comme si chaque mot avait été choisi dans un but bien précis.

Ce roman est clairement un hymne à Londres. L'auteur nous fait de belles descriptions de cette capitale et donne envie à son lecteur de s'y perdre. Big Ben est mainte fois citée comme le référent temporel qui rythme la journée de Clarissa et de bien d'autres personnages. Comme vous l'aurez compris le temps est primordial à l'intrigue. Il s'agit d'une histoire profondément nostalgique et empreinte de mélancolie. Clarissa Dalloway est un personnage qui m'a beaucoup touchée par son passé et ses efforts pour maintenir les apparences. On se rend compte que sa vie aurait pu être ailleurs et tout autre. Septimus est un personnage bien étrange qui semble entre deux mondes : celui des vivants et celui des morts.

C'est donc avec une sensation étrange que j'ai refermé ce roman. Il est parfois difficile de saisir tous les sous-entendus de Virginia Woolf et de jongler entre les changements abrupts de narrateur. Cependant, j'ai été agréablement surprise par sa très belle plume, ses personnages et sa vision de Londres. C'est un roman sur lequel je reviendrais surement lorsque j'aurais lu d'autres oeuvres de l'auteur et la biographie qui m'attend.
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J'ai été stupéfait par la précision des descriptions, le côté presque palpable des émotions ou des emportements. J'ai apprécié la fluidité des passages d'un personnage à l'autre, complétant une même scène, en y apportant une nouvelle lecture. le regard de Virginia Woolf trahit une très grande sensibilité -sensibilité qui me parle beaucoup. Sa vision du monde, des moeurs, et des Hommes est à la fois très originale et extrêmement perspicace. Cette histoire m'a emportée, je reste encore sous le poids de la dernière phrase.... (Plus sur Instagram)
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Prodigieux roman. Un chef-d'oeuvre.
J'ai été absolument émerveillé par ce récit d'un peu moins de 200 pages, mais d'une densité extraordinaire. C'est le récit d'un jour presque ordinaire à Londres, hormis le fait que Clarissa Dalloway va y donner au soir une réception mondaine. Dans une démarche quasiment cinématographique, le lecteur va y suivre les évènements et pensées de Clarissa et de toutes celles et ceux qui vont croiser son chemin jusqu'à la soirée.

Clarissa d'abord, dont on partagera un peu de la préparation de l'événement du soir, mais surtout toutes les pensées, les sentiments variés,et les souvenirs, ceux d'avec son soupirant d'il y a longtemps, Peter Walsh, mais aussi ceux de la rencontre avec son futur mari, Richard, de son amie Sally. Ses sentiments, sa nostalgie du passé, sa vision triste et désabusée du présent, mais aussi sa détermination à avancer quand même, se conjuguent, dans une atmosphère d'une ville de Londres éminemment présente, et d'une journée chaude et ensoleillée.

Mais on va vivre les pensées, éprouver aussi les sentiments, et parfois les souvenirs, d'une galerie prodigieuse de personnages, qui ont, de près ou de loin, une relation avec Clarissa. Au premier rang Peter Walsh, venu des Indes pour quelque temps, et dont le sentiment amoureux reste sous-jacent et ambigu. Il y a aussi au premier plan, l'émouvant couple formé par Septimus Smith et sa femme Lucrezia, Septimus rendu fou par l'expérience de la guerre de 14-18 et la mort d'un de ses camarades, et qui se suicidera lorsque son médecin le Docteur Holmes voudra le faire hospitaliser. Sur son parcours, le couple rencontrera le Docteur Bradshaw, l'horrible et inhumain psychiatre, que le couple va consulter. Et puis, des personnages plus positifs, le mari Richard, un homme politique plein de bonhommie et de gentillesse, et sa fille Elizabeth, l'amie de jeunesse de Clarissa, Sally Seton, maintenant mariée et mère de 5 enfants. Et d'autres plus désagréables, la mondaine et intrigante Lady Burton, l'inélégant Hugh Witghbread, la tourmentée et frustrée préceptrice Anne Kilman.

Dans ce roman se côtoient la folie, le tragique, la tendresse, le ressentiment, la cruauté, la solitude des êtres, si bien évoquée lors de la soirée mondaine, le sentiment de nostalgie, du temps qui passe inexorablement. Et dans une formidable façon d'écrire, de rendre tout cela palpable, terriblement vivant, avec en toile de fond, éminemment présente, la ville de Londres qui pourrait être aussi considérée comme un personnage du roman.

Un roman à relire et relire.
Virginia Woolf est, pour moi, de cette veine plutôt rare des écrivaines et écrivains qui sortent de la tradition de l'intrigue romanesque pour aller "au-delà", vers la sensation, le monde poétique, la magie du souvenir, la tentative d'atteindre l'indicible. J'y range, entre autres, et même s'ils ont chacune et chacun une manière bien particulière et unique d'aborder le récit et ne sont pas toutes et tous au même niveau dans mon esprit, Marguerite Duras, Herta Mueller, Alice Munro, Sidonie-Gabrielle Colette, Patrick Modiano, et bien sûr, Marcel Proust.
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Que s'est-il passé ? Que vient-on de me raconter exactement ? S'essayer à résumer Mrs Dalloway lorsqu'on en achève la lecture est une gageure, tant l'intrigue est mince et à l'évidence secondaire : Clarissa Dalloway, une femme de la haute société londonienne, met la main aux derniers préparatifs d'une fête qu'elle organise le soir-même, et l'on passe le roman en sa compagnie.

La superficialité de cette intrigue annoncée dès les toutes premières phrases convie le lecteur à chercher ailleurs le véritable propos. Tous les marqueurs pointent vers l'urgence de ne prêter aucune attention à ces préparatifs : la classe sociale aisée et indolente à laquelle Clarissa appartient, son statut relégué d'épouse oisive, l'intitulé même du projet auquel elle s'affaire ("party" en anglais : il ne s'agit pas même d'un dîner ou d'un cocktail où l'on aurait pu suspecter que glissent sous le flot des conversations badines quelques bribes d'entretiens confidentiels ou d'apartés stratégiques). Virginia Woolf prend soin, sans toutefois jamais le dire expressément, de suggérer d'emblée la vanité de tout cela.

S'amorce alors une lecture introspective, exigeante, un prototype parfait de la technique du flux de conscience. De même que la logique est parfois absente dans l'enchaînement de nos pensées lorsque nous vaquons à nos occupations, Clarissa passe du coq à l'âne, met le doigt sur telle ou telle sensation, laquelle laisse place à un malaise inexplicable ou à un éblouissement envahissant ; alors elle songe, elle divague, elle se creuse la tête jusqu'à parvenir à mettre le doigt sur l'objet nu à l'origine du trouble, jusqu'à dévoiler et se révéler à elle-même ce qui, dans son rapport au monde, constitue l'obstacle. Le texte n'est plus tant le récit d'événements que celui du passage de l'intuition à la conscience, et il avance par méandres, par chemins de traverse : on perd souvent de vue ce qui est à l'origine des mots qui s'enchaînent, comme si la pensée se dessinait à mesure que la lecture avance, dans une immédiateté parfaite entre l'expérience de la pensée de Clarissa et sa restitution textuelle.

Virginia Woolf reprend là où Proust s'était arrêté dans sa dissection de l'expérience sensorielle et ouvre en grand l'incision jusqu'à pénétrer à l'intérieur du système nerveux. L'écriture est d'une beauté immense et traduit au plus près les balbutiements et les hésitations de l'esprit devant ce qu'il peine à comprendre. Les phrases s'enchaînent dans un rythme unique : elles sont telles des vagues qui se succèdent, battent la plage d'un même mouvement, certaines plus petites, certaines plus puissantes, jusqu'à ce qu'enfin la marée atteigne son point haut. En bout de course, il se dégage de ces paragraphes une fébrilité dérangeante, une inquiétude sourde et rampante, le rappel obsédant de la solitude essentielle des êtres. La narration, à ces fins, passe sans transition d'un personnage à un autre (Clarissa, Septimus, Peter, Miss Kilman...), et malgré leur existence conjointe, leurs croisements plus ou moins occasionnels, ils font tous figure d'îles espacées qu'un océan gigantesque sépare envers et contre tout.

Au bout du compte, Mrs Dalloway est un roman précurseur qui amorce déjà le post-modernisme par sa fragmentation formelle et le sentiment de panique et d'instabilité qu'il suscite en permanence. S'il est aisé d'y voir les résonances avec le rapport difficile à la vie que son auteure connut, il va bien au-delà d'une tentative d'exorcisme personnel pour Virginia Woolf et invite chacun à contempler ses propres moments de trouble intérieur les yeux bien en face—une littérature de la conscience ultime, en somme.
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