Je ne cacherai pas d'avoir eu beaucoup de mal à entrer dans ce roman, pourtant le plus connu de
Virginia Woolf. Surtout les quarante premières pages, puis une fois ce cap franchi, on découvre et on apprécie peu à peu le côté impressionniste et intimiste du roman où la volonté de l'auteure est de s'introduire dans les pensées des personnages. Néanmoins il est difficile de ne pas se perdre dans un livre sans chapître, où les personnages apparaissent sans présentations, où l'on passe sans transition des réflexions intérieures de l'un puis de l'autre en rebondissant sur un mot ou une impression. Bref, je trouve qu'il manque une ossature, même si l'unité de temps et de lieu (le récit décrit une journée de Clarissa Dalloway, à
Londres en 1923 dans une Angleterre de l'ère post-victorienne juste après la Grande Guerre) peut faire illusion. En effet pour moi trop de sujets y sont abordés: critique de la haute société londonienne, l'angoisse devant la vie, le traumatisme de l'après guerre à travers le personnage de Septimus, introspection qui peut conduire à la folie voire le thème du dédoublement de la personnalité (
Virginia Woolf était elle même atteinte de bipolarité).
Dans l'ennuyeuse préface de l'édition de poche Folio on découvre que
Virginia Woolf a été marqué par la publication d'
Ulysse de
James Joyce et sa technique du flux de conscience et ce, malgré les sarcasmes qu'elle adressa à l'ouvrage de l'auteur iralandais qualifié de “diffus et bourbeux”. Je crois que, malheureusement, cette critique pourrait partiellement s'appliquer pour
Mrs Dalloway. Ce n'est pas un hasard si cette technique du flux de conscience fit son apparition après la première guerre mondiale, période ayant engendrée beaucoup d'interrogations et de troubles, et évidemment
Mrs Dalloway est indubitablement un roman avec beaucoup de fond; mais on revient sur la critique évoquée ci-dessus du “qui trop embrasse mal étreint” aboutissant au fait que, dans
les années 1990 le roman fut oublié et caricaturé puis redécouvert avec le courant féminisme.
C'est également un roman par certains côtés très proustien dans lequel la fiction se déroule dans le temps complètement subjectif de la conscience lequel ne correspond pas au temps objectif qui nous est rappelé par les heures sonnées par
Big Ben. le temps ne se déplace pas de façon chronologique mais au gré des impressions.
Mrs Dalloway nous apparaît comme une sorte d'anti-héroïne bipolaire avec d'une part, côté face " la
Mrs Dalloway officielle ", celle qui s'affiche et s'affaire à organiser une soirée où tout le gratin snob de
Londres est convoqué et, d'autre part,côté pile, Clarissa, qui présente son moi intérieur, s'interrogeant sur l'homme qu'elle aurait peut-être dû aimé,
Peter Walsh. Celui-ci se consommait d'amour pour elle mais rejeté, partit aux Indes, et revint après plus de vingt ans à
Londres où il retrouva Clarissa, sucistant souvenirs et regrets enfouis.
En résumé c'est un roman que l'on peut conseiller à tous les amoureux de l'histoire de la littérature, du moins à ceux qui ne sont pas effrayés par la perspective de lire un récit dans lequel il ne se passe quasiment rien. Pour ma part, je le classe dans mon Panthéon personnel un cran en dessous de la Recherche car jamais je ne me suis ennuyé à la lecture de
Marcel Proust alors que je ne pourrai pas en dire autant de
Mrs Dalloway surtout la scène de la réception avec ses descriptions un peu répétitives. Malgré ces réserves les qualités littéraires indéniables de ce roman sont indéniables , tout particulièrement la peinture impressionniste du kaléidoscope des sentiments .