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sur 524 notes
Original, éclectique, foisonnant voire délirant. Ce roman de Virginia Woolf est la fois imprégné de la patte littéraire de l'auteur et totalement atypique. S'il est classé comme une fantaisie, un intermède après une écriture épuisante (Promenade au phare), il est cependant lourd des obsessions que l'on connaît, et d'une incessante introspection que l'on ressent comme douloureuse. C'est dans la forme que réside la légèreté, pas dans le fond

Orlando est un personnage étonnant, homme puis femme, et qui parcourt quatre siècles de l'histoire de l'Angleterre sans prendre une ride. C'est l'occasion pour lui ou elle d'analyser le rôle social dévolu à chaque sexe et son évolution dans le temps, mais aussi l'impact des progrès technologiques sur la vie quotidienne.

C'est assez déroutant, puis quand on se laisse porter par le récit on effectue un magnifique voyage entre le rêve et la folie, dans le temps et l'espace, sans répit.

On retrouve bien entendu le style riche et sensuel, qui semble parfois émaner d'une écriture automatique, de divagations de la pensée comme ce qui peut se produire au cours de l'état de veille juste avant de s'endormir.
Ce n'est pas une lecture facile, mais cet exercice de style apporte une lumière intéressante sur l'ensemble de l'oeuvre et sur la personnalité de cette femme hors du commun.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Quel chance nous avons, nous lecteurs babeliotes, d'avoir, dans ce monde de brutes, la compagnie des livres, et la possibilité de partager nos découvertes et nos analyses.

C'est encore d'un formidable roman de Virginia Woolf dont il faut que je vous parle aujourd'hui. Cette autrice est devenue, au fil du temps, un.e. de ces écrivain.e.s qui figurent mon Panthéon littéraire, c'est à dire ces auteur.e.s dont je rassemble les livres dans une partie de ma bibliothèque (on a le Panthéon qu'on peut).

Les mots me manquent pour dire toute la beauté de ce livre.

Pourtant, aux premières pages, le lecteur de Mrs Dalloway-Les vagues- Les Années- La promenade au Phare que je suis, s'est trouvé déconcerté par cette narration si différente, exubérante et fantaisiste, voire parodique, choisie délibérément par Virginia Woolf, qui disait d'ailleurs, qu'après avoir écrit La Promenade au Phare, ce livre était pour elle une sorte de « récréation d'écrivain ».
Mais, très vite, on se laisse emporter par l'histoire d'Orlando, présentée avec humour comme une biographie, qui va se dérouler depuis le 16ème siècle, où le jeune Orlando devient le courtisan favori de la Reine Elizabeth 1er, puis ambassadeur à Constantinople, se réveille en femme après une semaine de sommeil, vit dans une communauté de Tziganes, se retrouve au 18ème siècle où elle fuit la vanité et la futilité des salons pour le commerce des écrivains et poètes. Puis la voilà au 19ème siècle à l'époque victorienne dont elle critique notamment les moeurs rigides, la nature défigurée par l'industrialisation, mais qui lui fait rencontrer un aventurier des mers, Lord Marmaduke Bonthrop Shelmetdine (sic), qu'elle prénomme affectueusement Shel, avec lequel elle se marie et a un enfant. Et enfin, nous la retrouvons en 1928, année de la rédaction d'Orlando.

Une fois n'est pas coutume, je m'aperçois que je viens de vous « spoiler » ce roman, mais ce n'est pas cette histoire improbable qui est le plus important, c'est ce qu'elle sous-tend.
Je vais essayer de vous livrer les points qui m'ont marqué:

Avant tout, Orlando est, pour moi, un livre d'une folle liberté, une apologie, une défense de la liberté : la liberté revendiquée de la narration romanesque, avec une narratrice prétendument « biographe », qui intervient pour commenter les actions et parfois l'absence d'action, de son personnage, souvent avec un humour, une ironie qui m'ont fait sourire et parfois bien rire (ce dont je ne la croyais pas capable, marqué que je suis par l'image d'une Virginia dépressive et suicidaire). Cette manière de commenter les actions de son personnage me rappelle Sterne, Diderot, ou plus près de nous, Kundera. Et puis, il y a, surtout, cette façon de revendiquer pour chacune et chacun la liberté de choisir sa vie. Poussé à l'extrême ici, on peut être homme ou femme, vivre à une époque ou à une autre, peu importe, ce qui compte c'est la qualité d'être humain qui compte. Certains parlent de ce roman comme un roman féministe. Oui c'est vrai, et d'ailleurs ce livre est dédié à l'autrice féministe Vita Sackville-West avec laquelle Virginia Woolf a eu une liaison passionnée. Mais, plus que cela je trouve que c'est un roman humaniste, et qui plus est, qui prône l'harmonie de l'être humain avec la Nature, et cela nous parle en ces moments où nous sommes confrontés aux dégâts terribles que l'exploitation insensée de notre planète, notre démographie galopante, ont fait à la Nature.


L'autre aspect remarquable, qui traverse tout le livre, c'est la littérature ou plutôt la création littéraire. Orlando est d'abord un grand lecteur (ou une grande lectrice, selon l'époque), puis va s'essayer à l'écriture de différents genres littéraires. Son ambition littéraire est d'abord moquée au 16ème siècle dans un pamphlet de l'auteur Nicolas Greene, qu'Orlando avait reçu chez lui (à ce moment il était un homme). Au 18ème siècle, elle essaie d'avoir les conseils des célèbres Swift et Pope, et du moins célèbre Addison, mais tous préfèrent parler d'autres sujets, et Orlando constate d'ailleurs que leur vie, leurs pôles d'intérêt ne permettent pas de deviner le génie dont ils témoignent dans leurs oeuvres. Et puis le 19ème siècle voit Orlando reprendre l'écriture, et reprendre notamment la rédaction de son grand poème le Chêne, débutée en 1592! Nous la retrouvons enfin, écrivaine reconnue et couronnée par un Prix prestigieux lorsque la rédaction du livre se termine, en 1928. Toutes proportions gardées, cette préoccupation d'écrire une oeuvre fait penser à son contemporain Marcel Proust. En effet, dans La recherche du temps perdu, le narrateur se pose cette question récurrente de l'écriture d'un livre, et ce sont les dernières pages du dernier tome qui en exposent le thème. Il y a aussi chez Proust cette idée forte, exprimée dans le Contre Sainte-Beuve, que la vie publique d'un auteur n'explique en rien le moi profond qui s'exprime dans son oeuvre, idée exprimée aussi au détour de la vie d'Orlando

Enfin, le voyage d'Orlando au fil des siècles nous dépeint les évolutions de la ville de Londres, du paysage urbain, et des campagnes de l'Angleterre, avec notamment la laideur liée à l'industrialisation au 19ème siècle. . Et surtout Virginia Woolf décrit de façon très critique, mais avec finesse, humour et ironie, les évolutions de moeurs depuis le 16ème siècle. Sans entrer dans les détails, je citerais la violence et l'insouciance de l'époque élisabéthaine, la vanité des salons littéraires du 18ème siècle, la pruderie et le rigorisme de l'époque victorienne. Là, c'est la féministe qui parle, et qui critique la condition faite à la femme en ce temps-là: le corps enfermé sous plusieurs couches de vêtements de façon à ne laisser rien paraître de ses formes, la fonction unique de la femme étant la reproduction avec un objectif de faire dix à quinze enfants, etc… Et qui se réjouit que la condition des femmes se soit un peu améliorée au début du 20ème siècle. Je n'ai pu pourtant m'empêcher de penser que 100 ans après, cette liberté soit bâillonnée dans tant de parties du monde, Afghanistan, Iran, Arabie saoudite, et tant de pays musulmans où la femme est contrainte de cacher son corps ses cheveux et même son visage. Et que penser de certaines communautés de notre propre pays.

Il y aurait sans nul doute bien d'autres choses à dire. Par exemple, le caractère toujours positif, optimiste et tolérant d'Orlando, sa curiosité de tout.

Voilà, j'espère vous avoir convaincus, chères lectrices et chers lecteurs de Babelio, de lire ce livre étonnant, flamboyant, grisant de fantaisie sans être futile, et où passe le souffle de la liberté.



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Oufff!!! Une lecture trop laborieuse, une écriture alambiquée, des situations tout autant complexes que le personne pour lequel Virginie Woolf s'annonce d'être la biographe, Orlando, un personnage pour qui le temps n'a aucune influence. Les choses passent, les temps changent, l'histoire prend d'autres tournures, la nature bien qu'étant la même, se modifie selon le regard que l'homme lui lance mais Orlando, une fois atteint l'âge de trente ans, ne changera plus, si ce n'est qu'il changera de sexe, allant de celui d'un homme à celui d'une femme, mais son âge tournera autour de la trentaine alors qu'il ou elle traversera six générations sans prendre une seule ride...
Dans Orlando, le style de l'auteure est encore beaucoup plus hyperbolique que parvenir à trouver sa musicalité, il faut bien plusieurs tentatives, ce qui a été mon cas, car il ne s'agit pas que de pénétrer l'histoire, plutôt l'auteure elle-même, gouter au plaisir qu'elle prend de couvrir son récit de minutieux détails, de ce goût qu'elle manifeste de s'incruster dans la peau à la fois d'un homme et d'une femme, de son gout pour l'esprit rêveur, la nature, la littérature et de cette force qu'elle a de nous partager ses rêves à travers cette légende ou conte d'Orlando...
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J'ai trouvé cette lecture marquante pour plusieurs raisons. D'abord, il y a plusieurs passages remarquables qui valent certainement une relecture, notamment les réflexions d'Orlando sur son nouveau statut de femme pendant la traversée qui la ramène à Londres et les dernières dizaines de pages où elle entend «les coups du temps», ce qui induit souvenirs et réflexions. D'ailleurs ce livre ne finit pas, il s'éteint doucement. . . Ensuite Woolf est souvent ironique, masquant d'un sourire les dénonciations qu'elle glisse ici et là, quand elle ne devient pas franchement drôle comme dans la présentation des fiancées d'Orlando, ou encore dans la façon de se débarrasser d'un encombrant archiduc.

Les éléments fantastiques participent grandement à l'enchantement; après la surprise du Grand Gel, l'étonnante longévité des personnages et les apparitions hallucinatoires sont tout aussi jubilatoires. Les apartés du biographe m'ont paru éminemment sympathiques en plus d'établir une belle complicité avec le lecteur; le ton est si juste lors de ces interventions qui ne sont jamais par ailleurs anodines. Les aspirations littéraires d'Orlando qui le suivent tout au long du récit ajoutent non seulement un fil conducteur, mais sont aussi l'occasion de captivantes réflexions sur l'art. Et quelle écriture! Toujours précise, fluide, imagée, changeant de ton sans coupure, vive, louvoyant entre les thèmes sans effort. En somme un livre à l'écriture élégante, d'une originalité renversante, qui sollicite à la fois l'intelligence du lecteur et son sens féérique; quoi demander de mieux?
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On finit cette sélection des nouveautés poches là vous conseiller pour cet été par, une fois n'est pas coutume un classique et évidemment pas n'importe quelle classique puisque c'est sans doute le livre le plus céléèbre de l'imense Virginia Woolf..

Virginia Woolf, auteur anglais qui a révolutionné le roman au début du siècle (éclatement de la narration, utilisation systématique du monologue intérieur notamment dans Mrs Dalloway et Les vagues) a la réputation d'être un auteur difficile à aborder. pour des histoires qui nous emmènent toujours aussi loin dans les tréfonds de l'âme humaine.

Un de ses romans sans doute les plus accessible est Orlando qui avait fait l'objet en 1993 - je l'avais vu au cinéma à sa sortie- d'une belle transposition cinématographique de Sally Potter, avec Tilda Swinton dans le rôle-titre.

A travers son héros androgyne, on sait que Wollf tisse en fait le portrait idéalisé de la poétesse Vita Sackville-West avec laquelle elle entretint une liaison passionnée

Virginia Woolf entremêle son style sophistiqué et introspectif à une vraie odyssée picaresque, ironique et également follement romanesque.

On y retrouve l'humour mordant de Virginia Woolf, d'un grotesque assumé, dans ce qui est sans doute un chef d'oeuvre à la fois de singularité et de classicisme .
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Cela faisait longtemps que je tournais autour de Virginia Woolf. Je me rappelle avoir vu le film The Hours et m'être dit "Il faut que je lise un livre de Virginia Woolf"... le film est sorti en 2001... Oui j'ai mis le temps !

En relisant un passage de la Disparition de Perec, je vois citer Orlando de Virginia Woolf (oeuvre qui correspond parfaitement à la contrainte que Perec s'était imposée dans son livre). J'y vois un signe, me voilà lancé.

Cette concordance de signes m'a permis de découvrir un roman très intéressant. On découvre rapidement le côté pastiche, outré, moqueur, où l'auteur prend la voix d'un narrateur ironique qui se pose comme biographe d'un personnage unique et multiforme. Les adresses directes au lecteur, les brusques interruptions du récit, les moqueries sur l'écriture elle-même donnent toute sa modernité à ce texte de 1928, pourtant par ailleurs écrit dans une langue très choisie et même volontaire ampoulée.

Cela ne pourrait être que cet exercice de style en soi intéressant, mais Virginia Woolf en profite pour y distiller son jugement personnel sur son pays, son époque, le temps qui passe, la littérature, la place des femmes dans la société, les gens et leurs faux semblants. C'est intelligent et drôle et ça ne me fait que regretter d'avoir mis 16 ans à m'y mettre.
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  L'esprit exécute de folles cabrioles et gambades quand il déborde ainsi de la soucoupe . « 

Oui et c'est un bonheur  !

Que passent les jours et les siècles, que passent les royaumes, les empires, que passent toutes les modes mêmes celles des guerres , et celles des sexes mais que vive la création !

Orlando, c'est un hymne à la vie, à la littérature, à la poésie.

le temps ne passe plus pour Orlando. Pas réellement. Mais il passe vraiment !
« Le temps passa » c'est comme écrire «  il n'arriva rien du tout ».
Alors elle écrit, il écrit, ...écrire !

Et peu importe l'heure à laquelle nous arriverons ! Prenons toutes les routes , seul nous contera la vérité de l'acte !

« Et comme le jour était bref et que le jour était tout... »

L'enfant maladroit et solitaire, heureux et poète, amoureux fou continue de vivre.

Oublie-t-il d'en mourir ? En vérité, il lui faut écrire alors il écrit .

Orlando c'est la nuit qui s'éclaire , c'est les flammes d'un esprit qui illumine un monde.

Orlando c'est la liberté. La joie, l'innocence du génie, la folie.
La beauté, l'intelligence aussi .

Cet extrême sentiment qui nous est donné de vivre.
«  car le philosophe a raison de dire qu'il ne faut rien de plus épais que la lame d'un couteau pour séparer le bonheur de la mélancolie. »
Tellement fort que tout « après » semble déjà vouer à une poussière misérable.
Tellement fort que le temps ne signifie plus, que la raison transperce le coeur et l'âme, tellement fort que l'espace et le temps illuminent tout le Royaume.


L'écriture de Virginia Woolf touche au génie. sa plume se fait tour à tour fleuret, scalpel , caresse, souffle ou vol d'oiseau.
Elle nous conte, elle nous confie, elle nous interroge. Elle nous secoue, nous transporte. Nous chahute.

Trois cent ans passent si vite en son extrême compagnie.

« Le doigt de la mort doit nous toucher pour rendre supportable le chaos de la vie…. »
Et si la mort ne nous atteint pas…. ? Et si nous vivons encore, toujours, si fort, tellement…
Vivre toutes les formes, extrêmement.

Doit on marcher sur les bords de la Serpentine pour garder le reflet d'un visage ?.. Comment oublier la nuit ? Comment rêver ? Comment ne jamais s'éveiller ?
Orlando est liberté. Fragile parfois, invulnérable, parce qu'elle est ce qu'il vit, et elle vit ce qu'il est. Il ne dort pas, elle vit.
« La société est est tout et elle n'est rien . C'est la concoction la plus puissante du monde et la société n'a pas la moindre réalité. Seuls les poètes et les romanciers peuvent traiter avec de tels monstres ».

Et c'est un bonheur que de lire le sort qu'a réservé Virginia Woolf à ces monstres.

Avec art, avec humour, avec lucidité, avec force, avec fantaisie, avec poésie, avec courage , avec génie.

« Pudeur, Pureté et chasteté » pourront toujours tenter de faire taire les trompettes de la vérité...
Elles peuvent toujours s'écrier :
«  Les temps ont changé : les hommes ne veulent plus de nous et les femmes nous détestent. Nous partons, nous partons. ! »
« Moi ( c'est pureté qui parle) pour le perchoir du poulailler, moi ( c'est chasteté) pour les hauteurs encore inviolées du Surey ; moi ( c'est Pudeur) pour n'importe quel recoin aimable, bien pourvu en lierre et en rideaux.
Car c'est là-bas et non pas ici (toutes parlent ensemble, en se prenant la main et en faisant des gestes d'adieu désespérés en direction du lit où gît Orlando endormi) que résident encore, aux fonds des nids et des boudoirs, les bureaux et les tribunaux, ceux qui nous aiment encore, ceux qui nous honorent : vierges et hommes d'affaires, hommes de loi et docteurs, ceux qui interdisent et qui réfutent ; ceux qui vénèrent sans savoir pourquoi et ceux qui approuvent sans comprendre ; la tribu encore nombreuse ( le ciel soit loué) des gens respectables. Qui préfèrent ne pas voir, qui désirent ne pas savoir, qui aiment l'obscurité et nous adorent encore, non sans raison : car c'est nous qui leur
avons donné Richesse, Prospérité, Confort.Vers eux nous allons, et nous vous laissons.Venez mes soeurs, venez ! Ce lieu n'est pas pour nous. »
 
« Elles se retirent en grande hâte, rabattant leurs draperies sur leur tête, comme pour se préserver de quelque chose qu'elles n'osent pas regarder, et elles referment la porte après elles.
Nous restons donc entièrement seuls dans la pièce avec Orlando endormi, et les trompettes.
Celles ci se rangent cote à cote en bon ordre, et d'un seul souffle décuplé, elles exigent :
« La Vérité ! »
Et là dessus Orlando s'éveille
Il s'étire, il se lève.Il apparaît totalement nu à nos yeux et tandis que les trompettes clament «  la Vérité ! » « La Vérité ! » force nous est de l'avouer : il est devenu femme. »

Oui les vieilles rombières Pudeur, pureté et Chasteté pourront toujours s'écrier...
Virginia elle nous écrira toujours.




Astrid Shriqui Garain
Lien : https://dutremblementdesarch..
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Je suis attirée par cette auteure : la femme, l'écriture, sa personnalité (complexe) c'est un tout et je me suis proposée de lire son oeuvre (ou une bonne partie) sur 2018..... Après Mrs Dalloway  et Un lieu à soi, que j'ai beaucoup aimé me voici plongée dans un récit fantastique..... oui fantastique à plus d'un titre.

D'abord dans la notion de temps : Orlando ne vieillit pas, ne connaît pas les affres du vieillissement, il a une beauté qui le distingue et lui ouvre bien des portes, même celles des cours d'Angleterre au XVIème siècle, puis celles des palais de Constantinople lorsqu'il sera ambassadeur mais aussi les tentes de bohémiens dont il partagera la vie. Le récit se termine en 1928, année d'écriture du roman.

Quand il revient en Europe  la seule transformation qu'Orlando connaît, mais elle est de taille et il fallait oser,  c'est qu'il devient "elle". Elle est une femme et devra désormais s'accoutumer de l'autre sexe, ayant connu la part masculine de son être, il découvrira les contraintes d'une femme : vestimentaires, coiffure, langage etc... mais ne pourra oublier qu'elle a été homme.

Ce n'est pas une lecture facile : Virginia Woolf est une femme de sensations, de pensées, de nature, je dirais si j'osais une "éponge"..... Tout ce qu'elle sent, vit, voit, pense l'influence dans son écriture et elle note, parfois avec un trait d'humour, toutes ses réflexions sur l'existence, sur son environnement et sur la vie, même sur ses rapports exigeants avec l'écriture.

Quiconque a tâté des rigueurs du style me dispensera ici des détails ; il sait d'avance qu'Orlando écrivait et trouvait tout bon ; lisait et trouvait tout affreux ; corrigeait puis déchirait ; retranchait, ajoutait, touchait à l'extase, puis au désespoir ; connaissait les bons soins et les mauvais matins ; empoignait les idées pour les perdre ; voyait son livre naguère si net devant lui, se dissoudre ; mimait le rôle de ses personnages en mangeant ; déclamait en marchant ; pleurait ; riait ; hésitait entre divers styles ; préférait aujourd'hui l'héroïque et le pompeux, demain le simple et le terre à terre ; tel jour les vallons de Tempé, tel autre les champs du Kent ou de Cornouailles ; sans pouvoir décider, en fin de compte, s'il était le génie le plus divin ou le plus fieffé imbécile de la terre.(p52)

Elle ose, elle défie le temps, les lieux, les personnages, se joue des rapports hommes/femmes, nous balade dans les différentes strates de la société, ayant à travers son personnage qui a tout vu, tout vécu, même la transformation physique, la possibilité de se jouer des relations entre hommes et femmes, ce qui lui permet d'avoir une longue réflexion sur le sens de la vie s'allégeant des contraintes temporelles et sexistes.

Parfois flamboyant comme un récit d'aventures, parfois mélancolique, sombre et profond, elle se révèle elle-même, avec ses doutes, ses faiblesses mais aussi sa grande capacité d'observation, de ressenti, sans toutefois trouver toutes les réponses. S'arrêtant dans de longs moments de contemplations, de réflexion, de tourments mais sans tristesse réelle. le temps passe mais Orlando ne change pas, il s'adapte, lui.

Je me suis parfois un peu perdue dans son récit car je pense qu'il s'agit en plus d'une oeuvre très personnelle où l'auteure prend  conscience de ses ambiguïtés, ses fragilités mais aussi ses forces, ses capacités à comprendre le monde qui l'entoure, à en avoir peur mais aussi à l'aimer, avec ses faux-semblants, son hypocrisie mais aussi ses bonheurs.

On a le sentiment que Virginia Woolf a laissé la plume aller sur le papier, se laissant guider uniquement par ses pensées, ses émotions mais il y a la recherche du mot juste, du bon sentiment, de la bonne pensée. Rien n'est tout à fait libre, rien n'est tout à fait travaillé, c'est le récit, je pense, d'une "originalité" qui lui a permis d'aborder des pans de sa personnalité sous prétexte d'une sorte de conte fantastique, aventureux dont elle est l'héroïne.
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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En 1927, To the Lighhouse (Voyage au phare) venait de paraître, Virginia Woolf aspirait à une coupure, et s'embarqua dans ce qu'elle nomma "writer's holiday". A savoir se lancer dans une biographie fantaisiste de son amie Vita Sackville-West, pour laquelle elle éprouvait à l'époque des sentiments très forts.
Knole House, la demeure de la famille de Vita, en 1880

Jeune noble anglais né au 16ème siècle, Orlando s'essaie à l'écriture de pièces et poèmes, tombe désespérément amoureux, et évolue jusqu'en 1928, après une ambassade en Turquie, un séjour chez les Bohémiens où elle se retrouve devenue femme, la fréquentation de salons littéraires au 18ème siècle, et le succès grâce à la parution d'un poème.

Inutile donc de chercher de la vraisemblance dans cette biographie même si la demeure d'Orlando est inspirée de celle de la famille de Vita, et que celle-ci était une poétesse prisée. Woolf s'amuse visiblement beaucoup, intervenant comme biographe et menant l'affaire à son idée. Elle égratigne les milieux littéraires. Avec son héros/héroïne elle en profite pour analyser le rôle des sexes, avec beaucoup d'esprit.

Quand la plume de Woolf est en vacances, il ne faut pas s'attendre à du relâché et du médiocre! C'est toujours un vrai plaisir de la lire. Elle se joue des époques et des durées, allant jusqu'à proposer l'instant exact d'un changement de siècle, et n'hésite pas à entrechoquer les souvenirs d'Orlando dans un fabuleux chapitre final où Orlando fait les courses à Londres.

Conclusion : Après un début de lecture un peu difficile, pour manque d'empathie avec Orlando et "mais où veut-elle en venir?", la beauté de l'écriture m'a conquise (à nouveau) durant la débâcle sur la Tamise, et ensuite j'ai fortement apprécié l'esprit et l'humour de Woolf. Lu en VO, et c'est un vrai bonheur!
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j'ai lu Orlando il y a très longtemps mais je n'oublierais jamais ces moments de lecture : au premier tiers du livre, j'ai refermé le livre, l'ai rouvert, suis revenue en arrière nerveusement pour relire certaines phrases ......... j'étais complètement perdue ! quand j'ai compris ce qui se passait j'étais sidérée .... jamais un livre ne m'a fait cet effet là !!! si vous avez envie qu'on vous surprenne, qu'on vous secoue, qu'on vous fasse tourbillonner, si vous avez envie de vous perdre,de vous abandonner dans l'univers d'un auteur, de sentir le vin couler doucement mais surement dans vos veines, d'être à la merci d'un auteur, lisez ce livre.
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