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Quel randonneur remplacerait son téléphone portable par « L'imitation de Jésus Christ » et sa Carte de Crédit par les « Oeuvres complètes » d'Arthur Rimbaud, Edition La Pléiade ?

C'est le choix réalisé par Charles Wright et Benoit Parsac pour pérégriner d'Angoulême à Notre Dame des Neiges dans les montagnes ardéchoises. Sept cents kilomètres, en été, vers l'abbaye où Charles de Foucauld fut moine avant de rejoindre l'Afrique du Nord. Dans des paysages variés, en partie désertés, au milieu d'une faune et d'une flore magnifiques, nos deux marcheurs ont le temps de lire, de méditer, de discuter, de se disputer.

Ils sont l'un et l'autre au noviciat jésuite de Lyon. Benoit semble être un Soldat de Jésus discipliné ; Charles a le profil d'un corsaire en quête de découvertes. Esprit éclectique il a publié un ouvrage sur « Casanova ou l'essence des Lumières » et un autre sur « Le chemin du coeur » consacré à l'Abbé du monastère trappiste Du Mont des Cats, puis ermite, André Louf (1929-2010). Toujours en train de vivre le grand écart, sa progression est aussi curieuse que joyeuse et confronte ses méditations aux enseignements de « L'imitation de Jésus Christ », aux errances des oeuvres de Rimbaud et aux questionnements de Charles de Foucauld.

Démarche qui rappelle les excursions de Sylvain Tesson ou celles de François Sureau dans « Ma vie avec Apollinaire ». A la grande différence que ceux là avaient leur téléphone portable et des moyens de paiement.

Quêter le gite et le couvert durant plusieurs semaines, dans une région en déclin, en dépeuplement, est une école d'humilité car les refus, les mépris, les craintes sont nombreux. Mais c'est aussi la source de rencontres authentiques, variées, parfois croustillantes. Benoit et Charles ont été accueillis tour à tour dans les salons dorés d'une préfecture ou le logis plus modeste d'une employée d'un EHPAD. Croyants ou incroyants, jeunes ou vieux, leurs hôtes, ouvrent leurs coeurs, leurs interrogations, leurs passions et ces rencontres sont à chaque fois fort différentes et m'ont passionnées et réjouies.

Le chemin des estives nous mène au coeur d'une France rurale, oubliée par nos gouvernants, vivant à son rythme paisible, où les habitants sont la véritable richesse et l'espoir d'un avenir où « le bonheur est à portée de main, il suffit de faire confiance et d'ouvrir les yeux ».
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Je l'avoue , j'avais éprouvé un immense plaisir à lire ," Immortelle randonnée " de Rufin et "Sur les chemins noirs " de Tesson et c'est tout naturellement que j'ai voulu découvrir " le chemin des estives "de Charles Wright . Mon intérêt pour ce livre était du reste décuplé par le fait que , le Massif Central et plus particulièrement le département de la Creuse , département cher à mon coeur,étaient le cadre de cette longue aventure et qu'il me plaisait particulièrement de les découvrir à travers le regard d'un pèlerin de passage .Un pèlerin ou plutôt deux puisque Charles était accompagné de Parsac , jésuite en quête de réponse à une foi particulièrement forte mais sans certitude quant à la poursuite d'une vocation qui pouvait s'en trouver renforcée ou ...ébranlée.
Imaginez , deux pélerins sans le moindre sou en poche , sans lieu de repos bien défini , il en faut du courage et de la volonté....
Je n'en dirai guère plus sur ce contexte particulier et cette épreuve que l'auteur nous donne à partager , tout est sur la quatriéme .
Non , je vais plutôt vous parler de mon ressenti , de mon intérêt qui s'est un peu émoussé au fil des quelques 700 kilomètres du parcours . Déjà , il ne faut pas ignorer le contexte religieux qui anime les deux personnages , un contexte qui pourrait gêner certains lecteurs , et qui entérine le fait que le christianisme connait un grand déclin dans les régions traversées . Les églises y sont souvent trés mal entretenues , les paroisses confiées à des prêtres africains ou polonais . Ensuite , il y a les gens dont l'accueil n'est pas toujours à la hauteur, désintérêt oblige , où le statut de pèlerin n'est plus un laisser - passer universel comme cela a pu être le cas dans un passé révolu . Certes , certaines personnes restent généreuses mais on se pose la question de savoir s'il ne s'agit pas plus de vaincre l'ennui et la solitude dans un monde rural de plus en plus dépeuplé que de pratiquer la charité chrétienne .
Les bourgs traversés sont ( trop ? ) rapidement décrits , le plus souvent là aussi pour traduire leur absence de vie . Reste la nature et là, le charme opère : solitude , liberté de l'esprit , absence des médias , des réseaux sociaux et une grand paix intérieure qui s'installe , avec la fatigue comme seule compagnie . C'est amusant , le maire d'un des villages traversés où j'ai travaillé quelques années m'avait dit que le département de la Creuse deviendrait un jour un " département ressource ", idée parfaitement " juste " que l'on peut du reste étendre à toute la contrée parcourue . Alors , Charles Wright nous confie ses yeux mais , surtout , il nous livre ses pensés érudites , vraiment trés érudites pour délivrer des messages qui , s'ils sortent des ornières du chemin , peuvent paraître redondantes et fastidieuses . J'avoue m'être parfois ennuyé en dehors des moments de rencontres du soir , drôles ou émouvantes . A peine saurons nous que Parsac sortira de cette épreuve conforté dans ses idées , contrairement à Charles mais leurs échanges de points de vue qui auraient pu s'avérer essentiels n'auront jamais lieu .
Aprés , il faut le reconnaître , l'écriture est belle et efficace .
Peut - être ce livre subjuguera - t -il ,nombre de croyants qui y verront des motifs d'espérer et tant mieux . Pour moi qui suis une personne baptisée , qui a fait sa Communion (trois jours d'école en moins , tout de même ,et des cadeaux !!! ) qui s'est mariée à l'église et qui souhaite passer par l'Eglise pour le grand départ ( plus tard , les valises sont pas faites ) , bref , une personne qui a suivi le chemin des hommes et femmes de l'époque , sans croire , athée , donc , mais pour faire " comme tout le monde " et trés respectueuse par contre des idées des gens convaincus , certains faisant du reste partie de mes amis proches , je n'ai sans doute pas pu percevoir le message profond que , néanmoins , je n'attendais pas .
Un avis mitigé , certes , mais aucun regret de m'être lancé sur ce " chemin des estives " et traversé une contrée fabuleusement belle , au calme extraordinaire .

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Tout quitter et partir à l'aventure sur les sentiers. Qui de nous n'en a pas rêvé? "Ne plus rien prévoir, s'ouvrir à l'inattendu, n'appartenir qu'à la route".

Charles Wright a beaucoup étudié avant de devenir journaliste. le travail, les amours, le métro, les infos, les réseaux sociaux... Cet homme avait une vie parisienne bien remplie. Mais quelque chose de plus grand l'appelait ailleurs. C'est ainsi qu'en 2019, il rejoint une communauté de jésuites pour y faire son noviciat. Veut-il devenir moine? Il ne le sait pas encore. Pour l'heure, il explore les régions du coeur que le monde moderne laisse en jachère, la bienveillance, la gratuité, le partage, le dénuement.

Au cours de ce noviciat, il doit, avec un autre novice, s'acquitter d'un pèlerinage. Cela fait partie de leur chemin spirituel. A pied, sans argent et sans tente, Charles et Benoît devront parcourir près de 700 kilomètres pour rejoindre un monastère dans le Sud. Pendant un mois, ils seront des vagabonds, des mendiants, des pèlerins d'un autre temps.

Le chemin des estives est le récit de ce long voyage sur les routes de France, une aventure humaine avant tout. Car devant quémander chaque jour le gite et le couvert, ils vont de rencontre en rencontre. Mais la méfiance et l'individualisme s'étant installés partout, ils ne trouvent pas toujours l'âme charitable qui les sauverait de la faim. Qu'il est humiliant de réclamer son pain! Qu'il est inconfortable de dormir à même le sol! Mais quelle joie quand les portes et les coeurs s'ouvrent, vous offrant la confiance en même temps qu'un bon dîner. "La pauvreté est une voie vers la joie parce qu'elle ouvre un espace illimité d'accueil. Quand on n'a rien, on est obligé d'ouvrir les mains, et on se dispose à tout recevoir."

Au cours de son périple, Charles Wright dresse un état des lieux du christianisme. Tous ces villages jadis construits autour des églises semblent avoir perdu leur phare et les messes du dimanche ne font plus recette. "Il faut être aveugle pour ne pas voir qu'en France le christianisme connaît une éclipse, un passage par le vide, une traversée des tombeaux." nous dit-il. "Du Christianisme, il ne reste que des lambeaux: le culte des morts, les enterrements, la Toussaint, les Rameaux..."
Cette désertion pourrait le faire douter mais pas de regrets ni d'amertume pour notre apprenti jésuite. Franciscain qui s'ignore ou infiltré, celui-ci voit Dieu en toute créature vivante et au fond se fiche bien des églises. Un âne, une vache le mettent en joie. Pour lui, l'amour est dans le pré et non dans le kitsch des statues en plâtre.

Mais il est tout de même légitime de s'interroger. Dans ce monde d'images et de vitesse, cela a-t-il encore un sens de vouloir devenir moine? A écouter nos politiques, la valeur d'un homme ne se mesure qu'à l'aune de son utilité sociale. Et quoi de plus inutile qu'un moine?
Pourtant Charles Wright croit en un avenir pour ces hommes qui vivent hors de la course. "L'époque a besoin d'hommes de silence, de solitude et de prière. On ne peut pas vivre indéfiniment sans orienter son regard du côté des étoiles".
Des étoiles, nos deux novices vont en voir beaucoup, eux qui dorment le plus souvent en plein air. Et peu à peu, ils prendront goût à cette vie qui va de l'avant, sans savoir où elle va. "La vie errante est la liberté à l'état pur."

Loin des radios qui déroulent l'information en continu, loin des réseaux sociaux qui réagissent trop vite et trop fort à la moindre chose, nos deux hommes vont se reconnecter à la nature et à leur intériorité." Quand on se coupe du vacarme ambiant, qu'on se dégage de l'écume, l'âme s'allège et se dilate. On devient attentif à ce qui compte vraiment et se produit souvent sans bruit, dans le secret, loin des caméras: un lever de soleil, l'apparition d'une bête, le souvenir d'un être cher."

Oh bien sûr il y a des moments de découragement, quand la nuit tombe et que l'avarice garde les portes fermées. Quand il faut dormir dans la pluie et le vent. Quand les coutures de vos chaussures vous lâchent sur un chemin de pierrailles. Ou quand l'autre vous agace, cet autre avec lequel vous cheminez mais que vous n'avez pas choisi. C'est presque rien mais ça vous titille jour après jour, ses petites manies. C'est aussi cela le chemin des estives, un chemin d'acceptation et de fraternité. Apprendre à s'oublier pour mieux découvrir l'Autre.

De belles rencontres, ils en feront. Des gens de peu qui partageront leur repas ou leur prêteront une chambre. Sans surprise, ce ne sont pas les plus riches ni les plus dévots qui seront les plus généreux. Les jardins des maisons bourgeoises ont de hauts murs pour se protéger des mendiants. "C'est une peine de l'avouer: jusqu'ici, ce n'est pas chez les chrétiens patentés que nous avons reçu le meilleur accueil..." Mais ils vivront des soirées mémorables en compagnie de vieux retraités ou de marginaux retirés du monde. le hasard (ou faut-il l'appeler Dieu?) finissant toujours par mettre un bon samaritain sur leur route.

Ainsi Charles Wright chemine, se nourrissant des pensées de Charles de Foucauld et de la poésie de Rimbaud, deux hommes qu'il admire, deux hommes qui vivaient en dehors des normes et qui poussaient toujours plus loin la découverte et le chemin.
"L'homme n'existe-t-il pas que dans le mouvement qui l'ouvre à l'infini? N'y a-t-il pas dans son coeur un appel à ne jamais se contenter du rivage?"

Mais comment Charles Wright, nourri de la pensée de ces hommes épris d'absolu et de liberté pourrait-il finir ses jours cloîtré dans un monastère? Les paysages sauvages du Massif Central ont exercé une fascination sur son esprit. La vie de pèlerin lui a donné le goût d'une vie humble mais sans contrainte. "La sobriété n'est pas la vie à basse intensité." nous dit-il.
Aussi, sans surprise, l'auteur quittera le noviciat à la fin de cette aventure pour s'installer dans une vieille ferme en Ardèche. Il y écrira son récit et d'autres ouvrages encore. C'est décidé, l'homme ne sera pas moine mais écrivain, ce qui est une autre façon de se cloitrer.

J'ai refermé le chemin des estives" à regret, tant je m'étais attachée à ces deux-là, tant j'enviais leur confiance et leur foi inébranlable. Et si c'était le "hasard" qui avait mis ce livre sur mon propre chemin? Croyant, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ou pas du tout, ce Chemin des estives est à mettre entre toutes les mains, chacun pouvant y puiser sa manne. Charles Wright ne fait ni angélisme ni prosélytisme. Il nous ouvre simplement son coeur et nous invite à partager ses réflexions. Et comme l'homme est cultivé, intelligent et plein d'humour, je vous assure qu'on ne s'ennuie pas une seconde au cours de ce voyage.
D'ailleurs, conquise par cet idéal du peu et de l'instant présent, je lui laisse le mot de la fin:
"Ne partageant pas le credo actuel selon lequel une vie réussie est une vie remplie, je prends plaisir à gaspiller les heures, à me délecter du vide, à écouter le silence. En guise de télévision, la fenêtre de ma chambre découpe un bout de montagne et de ciel bleu."
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Une ode à la liberté, découvrir et se redécouvrir entre les monts d'Auvergne. Oser penser et oser vivre simplement sans l'injonction des ondes !

L'étonnante invitation au voyage, de Charles Wright, est servie par la savoureuse métaphore de Rimbaud, " j'irai par les sentiers, picoté par les blés", "rêveur, j'en sentirai la fraîcheur, à mes pieds".

Et en même temps citant "arides et desséchés sont les chemins, qu'il faut suivre"... Charles Wright semble se contredire. La fin de la phrase, " jusqu'à la source", dévoile le propos, vivre avec son corps toutes les rencontres, mais soutenir aussi une autre quête : quelle sera ma place demain dans ce monde ?


L'exercice de la marche est peut être une mode, l'envisager comme un temps de repos ou de recul, une nécessité. Inverser toutes nos priorités devient les premiers jours une pirouette insensée, stupide ou dangereuse pour les uns, après 5 jours de marche, changer l'ordre de ses ultimes devoirs, une évidence.


Beaucoup ont adoré Sylvain Tesson et ses Bois noirs, d'autres Stevenson et son âne...Combien sont émus de raconter leurs St Jacques. Charles et Benoît Parsac difficilement miscibles forment un couple bancal qui à pas comptés finiront par aplanir leurs amertumes pour mieux optimiser l'attelage.

L'invitation de Charles Wright n'est pas d'aller à la découverte du plus déprimant des parcours. Au coeur de la France, un espace unique nous ouvre des paysages et des sentiers à saisir d'émotion le plus desséché de nos citadins. L'Auvergne déversera tout au long de leurs découvertes une nature démesurée. Les arbres centenaires vous livreront les notes cristallines, de leurs locataires musiciens, des oiseaux perchés sur les plus hautes branches.


Tout devient émerveillement et l'accueil des pèlerins engendre une richesse indicible dans le calme des repas partagés d'une lenteur auvergnate. C'est le temps que nos deux compagnons, cultivent pour abuser des pauses. Les siestes et les lectures voient défiler Julien Gracq, Rimbaud, La Roche Foucauld, Camus, le Tao, Chardin, Homère....

On commence à comprendre que la sobriété n'est pas une vie de basse intensité, avouent-ils, page 167. " Ces petits riens si on sait les saisir, révèlent leur poids de beauté et de mystère."

Au terme de ce sentier les deux novices suivront deux chemin différents, l'un devenant Jésuite, Charles trop sensible à son besoin de grande liberté poursuivra sa route en dehors du noviciat.
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Voici donc l'aventure de deux novices jésuites, temporairement pèlerins mendiants, jetés à pied et sans argent, sur les chemins qui les mèneront d'Angoulême à l'abbaye Notre-Dame des neiges.
Ce pèlerinage imposé aux novices est un très judicieux révélateur de la nature authentique de leur foi car, au-delà de la véritable épreuve physique, à la croisée des chemins, l'acédie les guette.

C'est curieux comme l'écriture de Charles Wright m'a immédiatement et craintivement fait penser à celle de Sylvain Tesson.
Craintivement, car je n'aime pas l'arrogance bourgeoise et éthylique de ce dernier.

trois liens unissent « le chemin des estives » et « Dans les forêts de Sibérie »
Le désir de rupture, la convocation d'auteurs et l'énoncé de pensées.

Chez Tesson, Les références aux auteurs catalyseurs de son esprit sont un déballage prétentieux, chez Charles Wright, elles sont un véritable point d'appui, un socle sur lequel poser les pieds sur les chemins.
Néanmoins ces références à Arthur Rimbaud, à Charles de Foucauld m'ont paru un peu trop présentes, presque obsessionnelles. le thème du livre m'invitait plus parmi les vaches et les puys, voire l'introspection, les rapports avec la foi, les difficultés de compréhension des non croyants, les églises désertées et à la suspicion au lieu de la bienveillance. Je ne m'attendais pas à lire des biographies d'auteurs.

Allez, je continue sur ma lancée : Même les « pensées » assenées – autre point commun aux deux auteurs – n'ont pas la même épaisseur. Banalités et évidences chez l'un, elles deviennent nettement plus spirituelles - certes, sous des aspects parfois enfantins ce qui n'est pas un défaut - chez l'autre. L'autre étant Charles Wright, vous l'avez compris.

Je sais, on ne peut pas plaire à tout le monde, et ceci n'est que mon impression.

Donc, bien que la forme et le style de ces deux témoignages les unissent, nous sommes ici à l'exact opposé d'une prétention mal déguisée en humilité, d'un retrait de la société très assisté et très alcoolisé.
En parcourant le chemin des estives, nous sommes dans l'humilité authentique, la rupture totale avec la société des injonctions. Et pourtant, pas de Sibérie, juste ce magnifique Massif Central, à deux pas de chez nous

Un témoignage qui m'a beaucoup plu : simple, sincère, authentique sur la nature humaine, notre société et sur la foi chrétienne d'un homme droit qui ne pourra jamais se soumettre à des entraves, de quelque nature qu'elle soit….



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« Pour expliquer cette incongruité, je dois faire mon coming out chrétien. J'ai bien conscience qu'afficher cette qualité n'est pas la meilleure façon d'entrer dans un livre. Avouer par les temps qui courent que l'enseignement d'un charpentier juif donne du sel à votre vie, la conduit même vers les profondeurs, c'est se condamner à récolter des haussements d'épaule. »

Après une vie professionnelle riche, Charles Wright décide à trente-sept ans d'intégrer le noviciat jésuite de Bron. Durant sa formation, il doit partir un mois (le mois « mendiant ») avec un autre novice qu'il n'a pas choisi, cheminer sur les routes en quêtant chaque jour le gîte et le couvert. Sans un sou en poche, sans téléphone, sans carte de crédit, il choisit d'emporter dans son sac la pléiade de Rimbaud et L'Imitation de Jésus Christ, et de traverser le Massif central d'Angoulême à Notre Dame des Neiges. Ce parcours n'est pas anodin, ses pas le portent dans une région peu peuplée sur les traces de Charles de Foucauld.

Charles Wright nous raconte ici son périple avec Benoit Parsac, ce qu'ils vivent au quotidien alors que la cohabitation n'est pas toujours facile. Il nous fait découvrir des paysages magnifiques dans ce coin de France qui compte désormais plus d'églises que de fidèles. Il nous relate surtout les rencontres avec des personnes, bien souvent athées d'ailleurs, qui acceptent de les recevoir et de partager. Ce voyage met en lumière quelles sont les vraies richesses, loin de toute possession matérielle, sans néanmoins nous leurrer. Ne rien posséder, ne pas savoir ce que le jour vous réserve, ne pas être sûr de manger à sa faim, compter sur la générosité d'autrui, n'est pas toujours rassurant et idyllique.

En arrière-plan, nous devinons que Charles Wright réfléchit s'il se sent prêt à devenir jésuite. Vous connaîtrez sa réponse à la fin de ce livre. Bien que ce livre ne soit pas spécifiquement destiné à un lectorat croyant, il m'a fait réfléchir à la place du chrétien dans notre monde. de façon prosaïque, dans cet environnement où l'on me répète sans cesse de me méfier de tout et de tout le monde, oserais-je accueillir deux hommes inconnus qui demandent l'aumône ?


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A 36 ans, après avoir bien roulé sa bosse, Charles Wright devenu aspirant Jésuite doit réussir l'épreuve', découvrir la vie du peuple en voyageant un mois sans argent, sans smartphone, en duo avec un aspirant qu'il n'a pas choisi.

Au long des 700km traversant le Massif central l'auteur raconte la faim, la mendicité à laquelle on finit par s'habituer, l'accueil bien souvent par les vieux, les plus démunis, les incroyants, l'entente parfois difficile avec son compagnon Parsac, mais aussi l'émerveillement face à la nature.

Il en résulte une prose simple et belle, une prose du coeur, évoquant fréquemment ses deux maîtres que sont Rimbaud et Charles de Foucauld.

Me reste l'image de l'accueil de cette vieille de 92 ans: "La mort est devant moi. Quand je repense à ma vie, ce qui m'a rendue heureuse, c'est les gens à qui j'ai rendu service"


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« Une fois encore, je reçois une leçon d'humanité de la part de deux incroyants. Comme un vin tourne à l'aigre, il arrive que le christianisme vire à l'idéologie. Dans ses rangs se trouvent encore des doctrinaires qui crachent des anathèmes et cherchent à tout prix à amener les autres à la vérité dont ils se croient les dépositaires. Mais le christianisme n'est pas une opinion, une idée à laquelle on tient. Charles de Foucauld dit qu'il faut « bannir l'esprit militant ».

Il y a cinq de cela l'auteur, alors engagé dans un noviciat jésuite, est parti sur les grands chemins du GR4, pendant trente jours. Il était accompagné d'un autre novice, Benoît. Pendant cette période, pour la réalisation de cet exercice, ils s'étaient engagés à ne rien emporter avec eux et de quémander chaque jour eau, nourriture et logement… Un exemple de pauvreté évangélique on ne peut plus décalée avec notre époque connectée et marchande.

Partis d'Angoulême ils se dirigeront vers le Massif central, pour le traverser intégralement. le but ultime est l'arrivée en Ardèche, à l'abbaye Notre Dame des Neiges où Charles de Foucauld a été brièvement novice. le parcours de cet homme a toujours fasciné Charles Wright, qui est lui aussi incapable de se fixer longtemps quelque part. Mais c'est avec deux livres qu'il aborde ce pèlerinage : l'oeuvre complète d'Arthur Rimbaud dans une édition Pléiade fatiguée et un classique de la littérature religieuse, « L'imitation de Jésus-Christ ».

Ce duo qu'il forme avec Benoît connaît rapidement ses premiers tiraillements. Il faut dire que ces deux hommes sont on ne peut plus dissemblables. Et chacun devra supporter l'autre jusqu'au bout du parcours ! Charles Wright n'est plus tout jeune, il a multiplié les expériences dans divers environnements professionnels et religieux sans parvenir à trouver une ligne directrice à son existence.

Ce mois de juillet est très chaud, et les marches sont épuisantes comme il fallait s'y attendre. Cette randonnée difficile va les mener au bout d'eux-mêmes…

J'aime ces récits qui prennent les chemins buissonniers pour des leçons de vie. Mon préféré dans ce genre, depuis sa lecture dans les années 1970, reste « Chemin faisant » de Jacques Lacarrière. J'ai aussi aimé plus récemment « Sur les chemins noirs » de Sylvain Tesson. Et je dois avouer que ce « Chemin des estives » tient bien la comparaison. Evidemment cette relation de pèlerinage a ses aridités : on n'échappe pas à une forme de monotonie malgré les nombreuses digressions autour de la vie de Rimbaud et de Foucauld. Mais globalement on suit avec intérêt les aventures de ces deux novices, dont l'un est raide dingue des vaches ! Et il va en rencontrer beaucoup en chemin.
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Un très grand merci à Babelio et aux éditions Flammarion J'ai lu pour l'envoi de ce livre solaire.
J'ai passé un excellent moment en sa compagnie. Que de belles réflexions, paysages. Je me suis régalée.
Lisant souvent des livres de marcheurs j'ai bien retrouvé cet esprit qui colle à la peau des poètes-marcheurs voire philosophes. Se dépouiller pour mieux recevoir non des choses inutiles mais juste l'essentiel de quoi subvenir à ses besoins primaires et le reste à vous de voir que se soit la foi en soi, aux autres ou toute autre forme de spiritualité. Marcher c'est avancer vers soi vers les autres, c'est quitter son monde matérialiste pour un monde autre plus léger sans doute. Tu n'as pas, demande au chemin et tu recevras.
C'est tellement beau à lire que j'ai eu du mal à le quitter.
Très belle plume, poétique et teintée d'humour.
J'ai passé un agréable moment et mon dieu que ça fait du bien de pouvoir se ressourcer au coeur d'un livre. de constater que vous n'êtes pas seul à croire que l'important ce n'est pas d'avoir mais d'être dans le moment présent tout simplement.
Faites de la marche et vous comprendrez.

Je ne m'étale pas car beaucoup de très belle critiques me précédent.

Encore merci pour ce beau partage.
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Je confesse que le confinement m'a laissé des séquelles. La plus importante, c'est cette envie de liberté, de ne plus avoir de périmètre ni d'horaire de sortie. Alors je marche, je vis dehors, je fais du vélo. Je recherche l'immensité au bout de la rue, la vue dégagée sur la mer, les sommets ou du vert. Et bien entendu, je lis des livres de marcheurs, d'ermites, de road trips. Des livres sur le choix d'être où on veut. Alors quand j'ai vu sur Facebook (parce que parfois un réseau social ça a du bon), la photo d'une lectrice tant absorbée par sa lecture de ce roman lors d'un voyage en train, tentée de louper son arrêt, voire de tirer sur le signal d'alarme pour prolonger le moment, je n'ai pas hésité.
Je viens de le refermer et comme son auteur, je suis un peu triste que le voyage soit déjà fini. J'ai vraiment passé un moment délicieux. Les pages ont fait résonné en moi une multitude de cordes sensibles. J'aurais bien aimé que l'auteur puisse rencontrer ma grand-mère. Elle était de ces croyants qui vivent leur foi au quotidien, par une multitude de petits gestes vers l'autre, sans en faire de publicité. Au contraire de certains donneurs de leçon qui vivent sans générosité, mais font un pèlerinage annuel qui devrait racheter leurs fautes des 12 derniers mois. Elle était joyeuse, blagueuse, marcheuse. Parfois elle partait en retraite. Elle m'a légué j'espère son naturel joyeux, un peu de sa gentillesse et surtout son goût pour la marche. Enfant, elle m'emmenait à l'église et je chantais à tue-tête. Elle ne me l'a jamais interdit ; on s'asseyait juste vers fond pour ne pas déranger les autres. En revanche, la foi n'étant pas génétique, je suis passée à côté. Peut-être pas toujours convaincue par les discours parfois un peu poussiéreux et austères de certains catholiques. Il reste que j'aime les églises et l'épaisseur de leurs silences. Cette odeur particulière de cire, d'encens, de poussière et de pierre froide. J'aime aussi entrer dans un lieu de culte d'une autre religion. Où la densité de silence s'intensifie de mystère, d'inconnu. J'aime le recueillement. Je regrette le manque de spiritualité de notre vie actuelle. Alors je lis. Alors je marche.
J'aime aussi l'idée que l'autre est bon. Qu'on n'est pas tous méchant. Je me dis que si l'on met de la bonté dans sa vie, elle va finir par déteindre sur les autres et se multiplier. Alors cette marche , au rythme de la générosité des bonnes âmes, a été une bouffée de fraicheur, d'espérance. La connaissance de pas mal de coins auvergnats a ajouté à mon enchantement. Je salue le courage des deux compagnons. Je l'avoue, je n'oserais pas. Trop habituée à prévoir, j'ai besoin d'avoir un chemin et un planning, même flou. Mais j'aspire à me défaire de ces marottes qui peuvent devenir des tares. Et ce récit donne des bouffées d'allègement. Des envies de se débarrasser du trop. Trop de choses, trop de mails, trop de bruit, trop de réseaux sociaux. Bon, on garde babelio quand même.
Ce qui est appréciable, dans ce récit, c'est la candeur et la franchise de l'auteur à dire que non, ce n'est pas évident. Avec son compagnon de route ils ont mal aux pieds, ils tâtonnent à trouver la façon de demander à manger ou un toit pour la nuit, ils s'agacent, ils cherchent des toilettes, ils avouent leur foi chancelante, ils s'émerveillent des paysages et de la générosité qui se cache derrière des portes ou des visages inattendus.
Et on se pose fatalement la question : et moi, est-ce que j'ouvrirais ma porte à des vagabonds ?
C'est également en filigrane, une étonnante double biographie de Arthur Rimbaud et Charles de Foucauld . Comme je connaissais un peu le premier (peu versée dans la poésie) et très peu le second (encore moins versée dans la vie des saints), ce fut aussi l'occasion d'enrichir ma culture générale.
Je suis juste navrée pour Charles Wright qu'il ait du traverser cette zone en n'aimant pas le fromage. C'est un…sacrilège.

Alors, faut-il le lire ? Oui. Ce livre est une lumière, un sourire. Pas de panique si vous n'êtes pas de la partie (catholique) : ce n'est pas non plus un récit qui tente de convaincre les incroyants. Même si ce roman a du forcément et à juste titre passer en bonne place dans les conseils de lecture de Pèlerin magazine, il est tout public. Humain.

Message pour l'auteur : moi non plus je n'ai pas encore réussi à voir celui qui peint les petits traits rouges et blancs sur les GR.
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