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Critique de AnnCaro


"Trente ans de correspondance" où quand le plus grand architecte du XXème siècle rencontre le critique le plus perspicace de son époque !
Je suis depuis longtemps admiratrice de Franck Lloyd Wright, ce génie qui a révolutionné l'architecture en la faisant entrer dans l'ère de la modernité. Créateur prolifique, il fut à la tête de plus de quatre cents réalisations, des maisons principalement (la maison sur la cascade…) mais aussi des immeubles, hôtels, musées (le Guggenheim de New York) et autres chefs d'oeuvres… Il est notamment à l'origine du style Prairie et des maisons « usoniennes », petites habitations fondée sur le mode de vie américain et intégrée dans le paysage des États-Unis. Reconnu en 1991 par L'AIA (Institut des Architectes Américains) comme le plus grand architecte américain de l'histoire, les États-Unis ont demandé en 2015 l'inscription officielle de 10 de ses oeuvres au patrimoine mondial de l'UNESCO !
J'avoue par contre que je ne connaissais pas Lewis Mumford, critique, écrivain et historien de l'architecture de l'urbanisme qui est assez peu connu en France dont je n'avais que très vaguement entendu parler. Cette ouvrage m'a fait découvrir un homme dont les connaissances pluridisciplinaires lui ont permis de développer une approche globale de l'histoire des civilisations et qui s'avère, dans son domaine, tout aussi visionnaire que Wright. Ce que j'ai lu de lui dans cet ouvrage de correspondance m'a donné envie d'en savoir plus sur ses recherches à tel point que certaines de ses publications que la curiosité m'a déjà poussée à survoler, feront probablement partie de mes prochaines lectures... Très tôt, la diversité de ses centres d'intérêts, et notamment ses connaissances en économie permettent à Mumford de comprendre que c'est l'invention de l'horloge mécanique - et non la machine à vapeur - qui a révolutionné la société. Au temps naturel, fait place le temps mesuré, découpé, dont les unités deviennent la mesure de valeur du travail. Ainsi peut naître et croître la société industrielle...avec son lot d'ouvriers et d'employés de bureaux payés à l'heure. Ses réflexions vont bien au-delà de celles de ses confrères de l'époque puisqu'il s'interroge déjà sur le bien-fondé même d'une croissance continue. Non content de s'inquiéter avant l'heure des conséquences de l'agriculture intensive et de l'industrialisation à outrance, il va jusqu'à proposer la mise en place de systèmes de recyclage et d'énergies renouvelables pour limiter les effets du gaspillage et de la pollution. En analysant ainsi l'histoire de l'architecture américaine en parallèle avec l'évolution des techniques et les transformations de la société, Mumford met en lumière l'impact du lien politique et social sur les modifications du tissu urbain. Il acquiert dès le milieu des années 20' une place de premier plan dans le débat intellectuel de l'époque.
C'est en 1926 que débute à correspondance entre les deux hommes. Elle se fait à l'initiative de Franck Lloyd Wright. L'Architecte, bien que déjà célèbre, se trouve alors à une période critique de sa carrière et doit faire face à des revers de fortune. A l'inverse, celle du jeune Mumford qui a trente ans de moins en plein essor.
Avec de telles personnalités, les débats on s'en doute, vont bien au-delà de l'architecture, même si l'on y retrouve les figures majeures de l'époque comme Sullivan, Neutra, Le Corbusier ou encore Mies van der Rohe et Gropius (deux des directeurs de l'école du Banhaus que j'adore !).
La richesse de l'introduction est telle (60 pages) qu'elle pourrait presque suffire à elle-même ! La lecture des lettres permet néanmoins de saisir, dans leur différence de style, la personnalité des deux hommes, de mieux cerner leur tempérament, de ressentir leurs sujets de colère ou d'agacement tout comme leurs blessures et drames personnels. Ces échanges montrent notamment un Wright soucieux de l'opinion de Mumford et qui tente de développer avec le critique une proximité à laquelle ce dernier, soucieux de conserver son indépendance, parvient habilement à résister. Cette amitié, fondée sur un respect mutuel est néanmoins ponctués de désaccords parfois profond allant jusqu'à l'interruption de leur relation pendant une décennie. Elle reprendra en 1951 à l'initiative de Wright.
Merci à Babelio pour cette superbe découverte Mass Critique.
J'ai juste regretté l'absence de photos pour illustrer les oeuvres Wright auxquelles les lettres font références. Regret vite oublié en ce qu'il m'a conduit à me replonger avec bonheur dans un magnifique ouvrage sur Franck Lloyd Wright que je n'avais pas consulté depuis longtemps, "Les maisons" de Alan Hess et Alan Weintraub qui comprend une iconographe particulièrement riche (près de 300 maisons avec photos et plans) qui a parfaitement complété la lecture de ces "Trente ans de correspondance".
Une correspondance à conseiller à tous les admirateurs de cette époque.. et à ceux qui souhaitent la découvrir !
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