Pour commencer, levons un à priori qui pourrait nuire à la compréhension de ce livre :
l'Orphelin de Perdide n'est pas un roman de science-fiction. Si vous tenez absolument à y accoler une étiquette préférez plutôt celle d' "aventure". Personnellement j'opte sans sourciller pour le qualificatif de chef-d'oeuvre, rien de moins. Certes, la barre est haute. Mais je crois, de manière un peu prétentieuse et risquée, moi qui n'est lu que trois roman de l'auteur, que
l'Orphelin de Perdide présente la quintessence de ce qu'est l'art de
Stefan Wul : poésie, sens de l'aventure, exotisme, émotion.
L'histoire présente, de base, un fort potentielle émotionnelle. Claudi, petit enfant de 4 ans, se retrouve seul sur la planète Perdide, suite au décès de son père. Celui-ci nous est narré dans le premier chapitre, séquence brève mais qui, déjà, prend à la gorge. le problème sur Perdide sont les frelons, qui infestent cette planète éloignée de tout. Durant la moitié de l'année, ils dévastent tout sur leur passage, gros comme la main et capables de percer le métal. de plus, il s'avère que ces charmantes bestioles sont friandes de cervelle. Juste avant de mourir, son père envoie Claudi dans les bois, sur les collines, seul endroit de la planète épargné par les insectes tueurs, à cause des gaz sécrétés par les arbres. Il lui confie également un micro, avec lequel il a désespérément tenter de joindre le Grand Max, forban de l'espace, mais néanmoins ami et homme de parole. Ce dernier finit par recevoir le message de feu son ami et comprend l'effroyable danger qui guette l'enfant. Dès lors, s'engage une course contre le temps pour rejoindre Perdide, à plusieurs mois de voyage, seulement relié à l'enfant par les ondes sub-spaciennes du micro.
Vous l'avez deviné je me suis régalé à la lecture de ce court roman, d'une centaine de page à peine. Comme évoqué précédemment je n'y vois pas nécessairement une histoire de science-fiction. Certes, on y voyage à la vitesse de la lumière, de planète en planète, à bord de vaisseaux spatiaux. Mais (et ce n'est là qu'un avis personnel), je n'y trouve pas, ce qui pour moi est un aspect nécessaire du genre "science-fiction", à savoir une visée prospective, quant au futur de l'humanité, au service d'une certaine critique du présent. Ainsi, si vous remplacez les vaisseaux spatiaux par des navires, les planètes exotiques par des îles des mers du sud et les pirates de l'espace par des pirates tout court, on est plus proche, à mon avis, d'un roman de piraterie, sauf que notre magnifique héros ne court pas après un trésor, mais un enfant.
C'est donc cet immense détail qui confère une forte charge émotionnelle à cette histoire, magnifiée par la poésie que
Wul insuffle à son style, particulièrement présente dans les descriptions. Il a, en effet, l'art de rendre charnel le vide sidéral de l'espace et de brosser, en quelques phrases, des mondes à l'exotisme sans pareil. de plus, il nous propose également des personnages forts, extrêmement bien caractérisés, particulièrement le Grand Max, magnifique et charismatique forban de l'espace. Les métaphores et expressions maritimes sont d'ailleurs nombreuses, ce qui renforce encore l'exotisme et le parfum d'aventure qui accompagne notre lecture. Enfin, l'écriture est fluide, dynamique et l'ensemble se lit d'une traite.
Pour conclure,
l'Orphelin de Perdide est un petit bijou de poésie et d'aventure et l'on comprend aisément ce qui motiva
René Laloux et Moebius à l'adapter en dessin-animé (les Maîtres du Temps). Celui-ci est d'ailleurs un souvenir fort de mon enfance (en fait, j'étais déjà fan de
Wul depuis 25 ans mais sans le savoir).