Merci aux éditions Kyklos pour cette découverte.
Juin 1914. Mathieu de Chaudenac termine sa 2ème année de droit à Paris et s'en retourne pour les vacances au château familial dans le Périgord. Il y retrouve sa mère, baronne veuve, accrochée à son rang et à ses principes, et les domestiques du domaine. Mais surtout, il y fait connaissance avec la jeune et belle Maria, fille de l'Espagnol, homme à tout faire. C'est le coup de foudre, mais dans la discrétion (Maria n'est qu'une domestique, quel scandale !), et dans l'urgence.
Car en août éclate l'orage tant attendu, celui de la 1ère guerre mondiale. Mais à ce moment, personne n'imagine encore l'ampleur de la boucherie. Au contraire, depuis le temps que court la rumeur, les hommes attendent la guerre avec impatience, pressés d'en découdre avec les Boches, persuadés de leur mettre la pâtée et d'arriver à Berlin en trois semaines. Quand l'ordre de mobilisation générale arrive, c'est la liesse, on accompagne les recrues à la gare en fanfare…Si l'idée de s'enfuir avec Maria a effleuré Mathieu un instant, le sens du devoir et de l'honneur l'emportent, et après quelques mois d'instruction, il monte au front. Il sera affecté près de Verdun. Après deux ans de batailles perdues et gagnées dans les tranchées, il sera blessé et renvoyé chez lui pour sa convalescence. Y reverra-t-il Maria ?
Quoi qu'il en soit, il retournera à la guerre une fois guéri, et y découvrira une tout autre ambiance : la mutinerie couve parmi les soldats, révoltés par cette guerre où ils ne servent que de chair à canon sans que la ligne de front ne bouge d'un pouce.
Impossible d'en dire plus pour ne pas tout dévoiler…
Il est donc beaucoup question d'oppositions et de choix, entre un fils et sa mère, une fille et son père, de simples ploucs et le haut commandement, l'amour ou la mort, l'amitié ou le devoir, la vie ou la Patrie, l'honneur ou l'obéissance aveugle. Et c'est surtout l'absurdité de cette guerre qui est mise en évidence, où pendant des mois les deux camps ont continué à envoyer leurs hommes à l'abattoir par millions, sans que cela change le cours du conflit. Il ne fallait pas s'étonner ensuite que des tracts et pamphlets pacifistes (cf le titre du livre) émergent peu à peu des tranchées, provoquant la rébellion des soldats. Rébellions matées à coup de conseils de guerre et de pelotons d'exécution, où, comble des combles, on finit par tuer les membres de son propre camp. Ca ferait bien rire l'ennemi, s'il n'était pas confronté à la même situation.
Beau petit roman qui se lit très vite, à l'écriture simple, parfois un brin paillarde, qui fleure le patois du terroir et l'argot des tranchées. Un peu de légèreté bien utile pour contraster avec la gravité de ces heures sombres, malheureusement avec une surabondance (à mon goût) de points d'exclamation et de suspension.
Même si j'ai passé un agréable moment de lecture, je n'ai pas été totalement conquise. L'histoire me paraît un peu trop naïve, trop prévisible et manichéenne. Les personnages sont presque caricaturaux, pas de surprise quant à leur comportement, pas de complexité psychologique. Il y a bien quelques états d'âme, quelques dilemmes, mais j'ai eu l'impression de rester constamment en surface, comme si l'auteur avait survolé l'histoire, préférant décrire les faits qui s'enchaînent sans temps mort plutôt que d'aborder tel événement ou tel personnage plus en profondeur. Je ne me suis pas vraiment attachée aux personnages, même si le récit est globalement émouvant, parfois poignant.
Mais ça n'empêche pas de ressentir, presque 100 ans après, toute l'horreur et la vanité de ce gâchis.
Voici le refrain de la chanson de Craonne, qui donne son titre au livre :
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés
PS : je ne félicite pas l'éditeur, le correcteur,…ou je ne sais qui, d'avoir laissé passer des bourdes et coquilles telles que « 30 février », « Willoquet, sur sa poitrine, sert sa musette », « qui font des inhalations de souffre pour se donner des poumons de gazés », « il connaît les amours interdites à plusieurs lieux alentour »…