Frappé sans doute des précoces dispositions de son aîné, le père avait dès lors décidé d’en faire un musicien. Il espérait que la protection de l’Électeur vaudrait bientôt à l’enfant un subside, ou quelque emploi bien rémunéré. Aussi, dès l’âge de cinq ans, Louis se mit-il, sous la direction de son père, à étudier simultanément le piano et le violon. Et comme on désirait qu’il avançât très vite, il se vit contraint de passer, tous les jours, plusieurs heures consécutives à répéter de fastidieux exercices. Il avait beau pleurer, résister, se débattre ; il lui fallait se mettre devant son instrument, avec défense de se relever avant que la leçon fût apprise. Je ne crois pourtant pas que, sauf cette discipline rigoureuse, son père se soit jamais montré bien cruel envers lui.
Si l’Allemagne a trop longtemps dédaigné ses vieux peintres, elle n’a, en revanche, jamais cessé d’honorer la mémoire de ses musiciens. Bach et Hændel, Haydn et Mozart ont reçu leur tribut de monuments, de fêtes commémoratives, d’études biographiques et critiques. Entre tous, pourtant, Beethoven a été le mieux traité : sans parler des statues qui lui ont été élevées, et des solennités qu’ont occasionnées les fréquentes translations de ses cendres, il a eu, pour rendre hommage à son génie, toute une bibliothèque d’ouvrages excellents.
Enfin nous croyons que Beethoven doit à son origine flamande le goût qu’il a toujours eu des vastes compositions bien solides, ce goût qui donne à chacune de ses oeuvres un aspect de saine grandeur. C’est le trait d’une race sanguine et pleine de bon sens : il était déjà dans l’âme des Van Eyck : il a triomphé dans le génie de Rubens, — encore un Flamand né en Allemagne; — il a fait plus tard, hélas ! les Wiertz et les Peter Benoît.