La jeune fille Tong

Ce livre est un cadeau d'un ami très cher à mon coeur, dont la vie lui a appris la zénitude, et je le remercie.

Zé-Lain, jolie jeune fille à l'aube de ses 16 ans, à qui un fantôme ? un esprit ? plus sûrement un homme ; va ravir sa virginité et sa jeunesse en l'aspirant, la pénétrant et la buvant toute.

Ne reste de Zé-Lain qu'une peau gonflée après un typhon de plaisir et de douleur (p. 22-23-24)

Livre plein de sensualité, mots mirifiques et cependant explicites.

Fantastique, légendes et maléfices se côtoient !

Pratiques magiques et pouvoirs surnaturels !

Passionnant également la Doctrine Taoïste évoquée longuement, enseignement de la sagesse , de la maîtrise de soi.

Comparaison entre Bouddhisme et Taoïsme.

Zé-Lain partira à la recherche du Grand-Maître-avalant-les-rochers, quête de plusieurs années à travers les montagnes pour retrouver son agresseur et préparer sa vengeance.

Elle deviendra "Maître" dans l'art d'absorption par ses deux bouches, celle du haut et celle du bas.

Elle sera tour à tour - vieux moine - nonne - Soeur aux Bambous verts - joueuse de flûte ...

Ce livre troublant, je l'ai avalé !

Il laisse présager dès le début au travers de son écriture des mystères troublants, et l'on se laisse absorber par les mots.

Ya Ding fut un auteur brillantissime dans les années 80 et 90, un métissage culturel franco-chinois singulièrement heureux. le talent de Ya Ding fleurit dans ses cinq romans dont son premier « Le Sorgho Rouge » qui rencontra un grand succès. En revanche, il en fut autrement pour ses livres suivants, pourtant toujours portés par une belle écriture.

J'avais eu le bonheur de suivre cet auteur au fil des parutions dont je conservais un souvenir heureux, mais fatalement devenu un tantinet imprécis avec le temps.

Récemment j'ai relu le « Cercle du petit ciel » qui m'a une nouvelle fois littéralement transporté du coté du Mon Emei. Là il s'agit du dernier livre de l'auteur (1994), « La jeune fille Tong », avant malheureusement pour ses lecteurs, qu'il se consacre, semble t-il, à une activité commerciale dans le vin.

« La jeune fille Tong » nous fait pénétrer au plus profond de l'univers du Tao.

Il existe trois dimensions dans cet univers. A l'origine, il y a les « pères fondateurs », légendaires ou pas, peu importe, comme pour Homère les écrits sont là. Lao Tseu, Tchouang Tseu, Lie Tseu offrent une approche philosophique. le taoïsme est devenu ultérieurement une religion, en rivalité avec le bouddhisme, une synthèse étant opérée avec l'école « Chan » exportée au Japon pour devenir le « Zen ». Parallèlement à ces écoles philosophiques et pratiques se développerent également des rituels magiques, censés apporter une longue vie, voire l'immortalité. Parmi ces rituels, fleurirent des préceptes d'une alchimie sexuelle. Ces pratiques magiques mettent en oeuvre des pouvoirs et selon la sagesse de leurs auteurs, elles peuvent relever de la magie blanche ou noire.

Le récit de « La jeune fille Tong » s'inscrit dans un inquiétant usage de ces pouvoirs. Une jeune fille Tong (du nom de l'ethnie, rien à voir avec des chaussures estivales tendance…), Zé-Lain, fille unique du chef du village s'apprête à célébrer ses seize ans, age qui marque le passage rituel à la période adulte. Dans la nuit, elle est rituellement agressée, s'agit -il d'un fantôme, d'un esprit, d'un homme ? Elle découvre avec consternation et horreur au matin que sa marque au bras, sa tache de vermillon qui « atteste » de sa virginité, a disparu.

Dans un premier temps, elle tente désespérément de dissimuler le problème et de reconstituer une marque, en vain. Dans le petit village, la rumeur devient certitude et le père se suicide.

Mais le maléfice se poursuit et s'amplifie, désormais l'énergie vitale de Zé-Lain est littéralement aspirée et elle devient extérieurement une vieille femme.
Zé-Lain doit s'enfuir et s'engage dans la profondeur des forêts et des montagnes dans des tribulations de plusieurs années.
Sa quête la conduira au mont Hua, une des montagnes sacrées

« Le Tai le plus majestueux
Le Houan le plus surprenant
L'Emei en revient la plus élégante
Mais le mont Hua est le plus dangereux »

Au terme de ces différents apprentissages acquis auprès de plusieurs maîtres Tao, dont le plus important, « Le Grand-Maitre-Avalant-Les-Rochers », Zé-Lain devient une experte dans l'art d'absorption.
Elle peut alors envisager de finaliser sa longue quête pour rétablir l'équilibre dans la Voie.

Un livre au style ciselé, envoûtant et privilégié pour faire entrevoir une des facettes de l'univers du Tao.

Cette relecture ne fait naturellement que raviver les regrets provoqués par le silence de Ya Ding.

Un silence quasi rimbaldien.

Voici un très beau roman, quasi inconnu sur Babélio
Si vous avez aimé Balzac et la Petite tailleuse chinoise de Dai Sijie ou La Joueuse de Go de Shan Sa, ce livre qui se passe aussi en Chine vous ravira
L'histoire est celle d'une jeune fille qui, de façon tout à fait magique, croit perdre sa virginité après un rêve bien mystérieux. Plus étrange encore ,elle se met à vieillir très vite. Dans le village reculé où elle vit , certains coutumes ancestrales ont la vie dure et ce phénomène inexpliqué serait récurrent et frapperait de loin en loin une jeune fille parmi les plus belles.Notre jeune fille Tong perd non seulement sa beauté mais aussi son père car les villageois sont volontiers féroces
Son farouche dynamisme et sa volonté de vengeance vont l'entrainer dans un long voyage initiatique et spirituel pour essayer de percer le mystère
Ce roman très bien écrit , de lecture fluide, vous fera voyager sur les routes et chemins de Chine et vous fera découvrir ou redécouvrir les principes du taoïsme ou du bouddhisme.Ce n'est jamais ennuyeux, le rythme est soutenu.Une très belle surprise

Avec La jeune fille Tong, toute critique me semble devenue très difficile car il ne faut surtout rien dévoiler de l'intrigue et des charmes de ce roman du sino-français Ya Ding.
Thriller exotique, fantastique, anthropologique, ésotérique, le livre est tout cela à la fois. Et il réinvente aussi tous ces genres de manières très originales. On s'y plonge en se demandant si l'on ne s'est pas trompé de collection, on poursuit en frémissant sur une terrifiante histoire d'incube et de vampirisme, puis on s'immerge dans une étude anthropologique, épicée de révélations ésotériques.
Tout ici n'est que dépaysement au fond des vallées brumeuses d'une Chine hors du temps, qu'enchantement entre Eros et Thanatos. Sur une écriture simple et fluide, un très bon moment de lecture.

Défi ABC 2018-2019

L'un des plaisirs de ce défi est de flâner dans les librairies et les bibliothèques (ah, le déstockage annuel de "ma" bibliothèque municipale, déstockage, question de point de vue...), flâner en quête d'un Y, d'un X, , d'un Z... Et de tirer de son rayon avec un sourire ravi un Folio rangé à d'mais classé Y par Babelio. Et sourire ravi justifié, car ce roman s'est révélé une pépite. Il tient du conte chinois mâtiné d'une Peau de chagrin à l'envers. C'est une légende terrible qui ravage une jeune fille et la mène dans un voyage initiatique et fabuleux, à la recherche d'une vengeance subtile et aussi cruelle que le maléfice initial. Des épreuves, un chemin, des rencontres, des pays traversés plus vrais qu'en vrai, une jeune femme au caractère déterminé et des maîtres sages et humains. Un roman passionnant, riche, que je n'aurais peut-être pas trouvé sans ce défi: merci Babelio!