AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de andman


andman
08 décembre 2013
«Quand tu arrives dans un village, tu as une photo instantanée. Il n'y a pas de femmes, elles sont aux champs, elles sèment, elles sarclent, elles récoltent, pour nourrir la famille, pendant que les hommes palabrent à l'ombre des manguiers. L'avenir du Togo et de l'Afrique toute entière passe par les femmes. Quand elles auront compris qu'elles peuvent s'organiser et entraîner les jeunes, l'affaire sera gagnée. Je vais bientôt repartir au Togo et je compte organiser ma campagne autour d'elles.»
Cette remarque pleine de bon sens, tirée d'une interview récente de Kofi Yamgnane au quotidien le Télégramme, m'a conduit à la lecture de son dernier livre « Afrique Introuvable Démocratie ».

Horrifié par les images insoutenables que renvoie sans cesse le continent africain, je conserve depuis des années, peut-être à tort, le sentiment d'une région du monde qui part à vau-l'eau, abandonnée depuis des lustres à son triste sort.
Les écrits géopolitiques du franco-togolais Kofi Yamgnane tombent à pic, un éclairage providentiel offrant un peu de recul avec une actualité africaine particulièrement dramatique ces derniers temps.

Kofi Yamgnane est arrivé en France en 1964. Cette personnalité finistérienne âgée aujourd'hui de 68 ans a occupé de 1983 à 2008 de nombreux mandats électifs et a été, il y a une vingtaine d'années, « Secrétaire d'Etat aux Affaires sociales et à l'Intégration ».
Ce breton d'adoption, ingénieur de formation, briguera à nouveau en 2015 la Présidence du Togo. Sa candidature à l'élection de 2010 avait été invalidée au prétexte d'un flou concernant sa date de naissance, les allées du pouvoir togolais voyant d'un mauvais oeil le retour de cet expatrié aux idées pas vraiment dans le moule du népotisme local.
Ce nouveau combat politique s'inscrit dans la démarche historique de l'humanisme et de la démocratie républicaine et semble une tâche herculéenne tant les obstacles à franchir paraissent insurmontables. Une pseudo-élection présidentielle a lieu tous les cinq ans au Togo, ainsi « le carnaval électoral » de 2010 caractérisé par une fraude massive a succédé à celui de 2005 entaché de plus d'un millier de morts.

C'est un constat implacable que dresse Kofi Yamgnane de son pays d'origine qu'il considère anormalement sous-développé et propriété exclusive du clan Eyadema, un régime qui use depuis un demi-siècle de tous les artifices et de toutes les violences pour se maintenir au pouvoir.
Le Togo n'est pas un cas isolé. La plupart des Etats africains sont aux mains de despotes, de dirigeants corrompus qui gouvernent des pays entiers comme de vulgaires boutiquiers sous le regard indulgent voire complice des anciens pays colonisateurs.
Les coups de griffes sont nombreux dans « Afrique Introuvable Démocratie ». Kofi Yamgnane s'insurge notamment contre l'assistanat qu'il considère comme l'un des principaux freins à la modernisation économique et politique de l'Afrique.
Il ne voit pas non plus d'un bon oeil les investissements chinois et notamment les millions d'hectares de terres arables louées ou achetées par Pékin sur le continent africain. Aujourd'hui un million de chinois résident et travaillent en Afrique et cette invasion tolérée a des parfums de néocolonialisme.

Dans ce tableau bien sombre, Kofi Yamgnane relève toutefois des oasis d'espérance :
Les dernières avancées démocratiques au Ghana et au Sénégal, pays résolument tournés vers l'éducation du citoyen et la lutte contre la corruption, sont des exemples à suivre.
Le développement de l'urbanisation laisse augurer également une accélération des évolutions sociétales.
Le rôle des femmes, qui s'investissent souvent plus que les hommes dans les démarches porteuses d'avenir, constitue surtout pour l'auteur le ferment principal des changements à venir.

L'opiniâtreté et le courage de Kofi Yamgnane sont manifestes. Ses idées progressistes ont du nord au sud du pays rencontré ces dernières années un large écho, à ses yeux de bon augure pour la suite.
Cet ouvrage de réflexions géopolitiques s'est voulu concis et le franc-parler de son auteur le rend accessible au plus grand nombre.

Puissent les femmes togolaises, celles des villes mais aussi celles aux mains abîmées par les travaux des champs, avoir connaissance de ce livre d'indignation et d'espérance !
Commenter  J’apprécie          511



Ont apprécié cette critique (46)voir plus




{* *}