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Critique de HordeDuContrevent


Un conte chinois aux allures de fable africaine. Quelle beauté ce chant, ce cri de Lianke Yan ! Quelle émotion à la lecture de ce conte dédié à la ténacité ! La sécheresse est au coeur du récit, une sécheresse impitoyable.

Dans les montagnes chinoises, sévit en effet une sécheresse intense, un soleil de plomb qui brille en grappes infinies au-dessus des têtes, contraignant les habitants du village, à court d'eau et de nourriture, à fuir, longue marche afin de trouver leur subsistance ailleurs. Seul l'aïeul de 72 ans, désire rester, il le sait cette marche sous le soleil ardent lui sera fatale, et de plus, avec son chien devenu aveugle du fait d'un rituel cruel pour faire revenir la pluie, il souhaite veiller sur un unique pied de maïs apparu dans son champ. Pied de maïs bien dérisoire dans ce vaste champ mais symbole de vie, symbole de lutte, symbole même d'une force et d'une virilité retrouvée.

L'Aïeul, l'Aveugle et le Pied de maïs voici donc nos trois protagonistes. Chaque jour est une lutte, chaque jour le vieil homme, aidé de son chien, se battent et défient tous les obstacles, le soleil de plomb, les rats, les loups, pour se nourrir, pour boire et faire croître ce pied de maïs. Une force surhumaine et magique, complice et onirique les anime, comme enveloppée d'un souffle animiste. Des jours qui deviennent des semaines, puis des mois. L'espoir : en veillant sur ce plant jour et nuit, en l'arrosant, en l'aimant, en le lavant, l'espoir que ce plant fournisse des épis lors du retour éventuel des villageois, et leur donnent donc de nouvelles semences. L'attente de la maturité où les rayons du soleil pèsent plus lourd que les réserves de grains.

La chaleur est déclinée sous toutes ces formes, décrite de façon somptueuse et imagée, elle nous étouffe nous-même lecteurs : « Il sentit la chaleur d'une gifle sur le visage. A la commissure des paupières, du côté exposé au soleil, la brûlure semblait dissimuler au creux des rides un chapelet d'innombrables gouttes bouillantes ».

Chaleur tellement insupportable que le vieil homme tente de la dompter et de la cravacher, voyez comme sa rage est belle : « La lanière fine et flexible se courbait puis se redressait tel un serpent dans le ciel, on aurait dit qu'à la pointe de la cravache la foudre éclatait, frappant la couronne solaire dont les morceaux incandescents tombaient doucement pour recouvrir le sol d'une multitude de fleurs luminescentes ».

La puissance évocatrice pour parler des animaux est remarquable. Que ce soit les yeux émeraudes des loups en pleine nuit, ou le regard de son chien avec lequel il est à présent inextricablement lié : « le chien se tenait là, sans comprendre, une expression d'égarement mouillée dans les puits asséchés de ses orbites ».

Ce texte, c'est à la fois une caresse de soie et une gifle de boue, c'est la vie avec toutes ses beautés, et ses innombrables difficultés, ses espoirs et ses angoisses. C'est un message pour nous dire de vivre un jour après l'autre, en n'abandonnant jamais, en étant toujours attentif aux beautés de la nature : « L'horizon rouge du couchant se faisait de plus en plus mince et l'aïeul entendait le froissement des rayons qui se retiraient comme un pan de soie. Ramassant les grains émiettés au creux de la pierre, il songea qu'une journée encore venait de s'achever, et qu'il ignorait comment il pourrait passer la suivante ».

Un combat hypnotique universel d'une profonde humanité, une lutte pour la survie sertie d'une écriture poétique et onirique, les images sont surprenantes et d'une beauté simple à couper le souffle. La sécheresse narrée au moyen d'un texte luxuriant et foisonnant dont on ressort les yeux humides d'émotion et le coeur gros. Très gros.

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