AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de HundredDreams


Beaucoup d'émotions me traversent au moment d'écrire ce billet mais c'est la tristesse qui prédomine.
L'auteur, en se livrant de manière subtile et autocritique, nous renvoie à nos propres souvenirs, à nos propres sentiments.
Les souvenirs me submergent en ces fêtes de Noël. Je regrette tous ces moments que je ne peux plus partager avec ceux qui sont partis trop tôt.

*
Ni essai, ni roman, ni nouvelle, ni vraiment une biographie, ce petit livre se rapprocherait davantage de mémoires, ou tout du moins, d'une suite sans chronologie d'anecdotes, de pensées.
Yan Lianke nous entraîne dans un magnifique récit intimiste, jalonné d'une multitude de réflexions philosophiques sur la mort, le deuil, l'importance de la famille, la maladie, le destin, la religion. Il aborde également la politique chinoise durant les années 60 et 70, la collectivisation des terres qui a entraîné la famine, la révolution culturelle qui a mené à la guerre civile.

« Après vingt-cinq ans passés au service de l'armée, j'ai compris de manière irréfutable que la fidélité du soldat à son poste est une chance pour le pays, mais un malheur pour l'individu ; et que les exploits militaires sont un malheur pour le pays et une tragédie pour son peuple comme pour toute l'humanité. »

*
Ce qui m'a frappée, c'est tout d'abord cette proximité avec Yan Lianke que j'ai ressentie. C'est avec beaucoup de franchise et de simplicité qu'il se livre. L'auteur nous raconte l'histoire de sa famille et en particulier de son père, la sienne également. En remontant aux origines de sa famille, il est aussi question de quête identitaire et de rédemption pour ses fautes de fils.

Il nous emmène dans son petit village, plus exactement dans la maison de son enfance et nous faisons la connaissance des membres de sa famille. Chaque chapitre s'ouvre sur un souvenir marquant de sa vie. La famille est essentielle dans l'oeuvre de Yan Lianke.
L'auteur est ainsi amené à évoquer le décès prématuré de son père, la maladie de sa soeur, la tendresse et la solitude de ses tantes, la vie de sacrifice de ses oncles, ses souvenirs d'écolier.
On ressent son profond respect pour l'ancienne génération. On ressent autant la richesse d'une famille unie et aimante que l'extrême pauvreté de leur vie.

*
La dernière partie du texte, la plus longue, est consacrée à ce père qu'il a tant aimé, mal aimé.
Il nous raconte ses regrets, sa honte quant à ce père qu'il n'a compris que trop tardivement, pour lequel il n'a pas eu l'attitude et les gestes d'un fils aimant. Je l'ai trouvé honnête mais aussi très dur envers lui-même dans sa relation avec son père.

« … la vie humaine, un opéra qui se joue sur la scène avec pour rideau le destin qui se lève ou se ferme, au début, à la fin, pour l'entracte. »

Le père est celui qui m'a le plus touchée par son acharnement à défricher son misérable petit lopin de terre pour construire une grande maison avec un beau toit de tuiles pour ses enfants. Sa détermination aura raison de sa santé.
En se remémorant la très grande pauvreté de ses parents, il dresse aussi un portrait saisissant de la Chine rurale des années 1960 et 1970.

« le souvenir qui m'est le plus vif, celui qu'il m'est impossible d'oublier, c'est l'image de mon père au labeur. C'était un paysan ; le travail était son devoir ; il n'y avait qu'en peinant jour et nuit qu'il se sentait vivant et qu'il trouvait un sens à l'existence ; le labeur lui était un devoir essentiel. »

Le destin de Yan Lianke est de suivre les traces de son père, devenir à son tour paysan et de soutenir ses efforts pour faire vivre sa famille. Mais voulant s'affranchir de cette pauvreté et d'une vie rurale laborieuse, il va s'engager dans l'armée. Cette décision marquera un tournant dans sa vie, mais sera un tourment pour lui.

*
Empreint de beauté et de force, « Songeant à mon père » est un livre réaliste et émouvant, imprégné de nostalgie, de regrets et de sentiments de culpabilité. Son écriture, douce, intime et sensible, se fait également méditative, mélancolique, voire âpre.
Ce récit est un magnifique témoignage sur la force des liens familiaux et la vie de dévouement, d'amour que chaque membre est prêt à supporter pour subsister et soutenir la famille. J'ai aimé accompagner Yan Lianke dans ses réflexions, ses souvenirs d'enfance.
Un beau moment d'intimité, de confidences et de partage que je vous invite à découvrir.
Commenter  J’apprécie          5017



Ont apprécié cette critique (45)voir plus




{* *}