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Critique de 5Arabella


Quatre jeunes gens partagent leur logement à l'université et deviennent amis. Chacun dans sa spécialité professionnelle va connaître une réussite éclatante, une grande reconnaissance et un formidable succès matériel. Mais qu'en est-il du bonheur ? En particulier pour Jude, sans famille ni possessions, dont la vie avant l'université est un mystère dont il ne souhaite pas vraiment parler, même si on se doute qu'il a dû vivre des choses difficiles. Il a en plus de gros soucis de santé. Mais il réussit brillamment dans ses études et éveille la sympathie chez ses colocataires à priori plus favorisés. Nous suivrons leurs vies, celle de JB, peintre, Willem l'acteur, Malcolm l'architecte et surtout celle de Jude qui deviendra un avocat redoutable et redouté.

Je préfère l'avouer d'emblée, j'ai tout simplement détesté ce livre. Je reconnais toutefois qu'il est très bien fait, que malgré sa longueur de plus de 800 pages il se lit rapidement ; l'efficacité de sa conception donne envie de tourner les pages, il est réellement prenant, surtout dans la première moitié.

Mais malgré cette longueur j'ai au final trouvé les personnages peu fouillés, voire stéréotypés. En réalité Jude est le personnage important, même ses trois amis sont au second plan. Très vite l'auteur nous laisse des indices qui nous font comprendre qu'il a été maltraité et victime de sévices sexuels. Au départ sans trop de détails, ce que j'ai trouvé plutôt intelligent et sensible, ne pas donner dans un sordide trop poussé qui pourrait ressembler à du voyeurisme malsain. Et bien cela n'aurait été que partie remise. L'auteur va distiller les révélations de plus en plus précises tout le long de son ouvrage, et au final ne rien laisser dans l'ombre. Ce qui a provoqué à la longueur une sorte de trop plein. Parce que les expériences de l'enfance de Jude suffiraient à remplir plusieurs vies de malheurs, déjà abandonné dans une poubelle à la naissance, il va connaître plusieurs institutions peuplées de pédophiles sadiques, et tomber deux fois sur des dangereux pervers qui vont abuser de lui et pour le deuxième tenter de le tuer. Cela fait vraiment beaucoup pour un seul enfant et adolescent. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que l'auteur chargeait ce vécu avec une certaine complaisance ; de la même façon qu'elle nous détaille dans de nombreuses pages l'état de santé dégradé de Jude, entre soins, hospitalisations, amputation… avec une sorte de plaisir morbide. Ce qui m'a le plus gêné, c'est qu'on reste à un niveau factuel, sans réellement nous permettre de comprendre, d'aller plus loin dans une analyse, sans aucune finesse. Jude manque de confiance, il se considère sans valeur, il déteste faire l'amour, s'abrutit de travail pour ne pas penser et supporter sa vie, et se scarifie, c'est la seule chose qui le soulage. Tout cela répété à de très nombreuses reprises. C'est un peu maigre.

C'est ce défaut de manque d'analyse et de finesse que je reproche le plus au livre. Par exemple, pour expliquer la vocation de Malcolm pour l'architecture nous avons :

« Il savait tout ce que ces maisons signifiaient pour Malcolm : elles représentaient une affirmation de contrôle, lui rappelaient malgré toutes les incertitudes de son existence, qu'il avait une chose qu'il maîtrisait parfaitement, qui exprimerait toujours ce qu'il pas pouvait formuler avec des mots. »

Difficile de faire plus plat à mon sens. Et le style (mais c'est peut être dû à la traduction) est vraiment minimaliste.

Quand à la vocation de Jude nous avons :

« parce qu'il a découvert qu'il aime diriger le département, qu'il aime siéger au comité des salaires du cabinet, décider de la manière dont les profits de l'entreprise seront repartis chaque année. »

ou :

« il tirait satisfaction de voir ce que chaque année avait apporté en terme de revenu, de voir la manière dont ses heures et ses journées au bureau (les siennes et celles des autres) se traduisaient en chiffres, et ces chiffres à leur tour en argent »


J'ai trouvé au final toutes ces vocations et réussites plutôt affligeantes, parce qu'elles se mesurent à la réussite financière, ou une reconnaissance liée à une réussite quantifiable, y compris dans les activités artistiques. Pas de questionnements sur le sens de la création, sur ce qui pousse quelqu'un à ressentir le besoin de créer, non, juste une comptabilité d'expositions dans des galeries reconnues, d'oeuvres achetées par les musées, ou de prix d'interprétations pour un acteur, du fait d'être sollicité pour des autographes etc..Ces jeunes gens devenus des gens de succès, avec leurs gros comptes en banque, leurs maisons avec piscine à l'intérieur et à l'extérieur, m'inspiraient de moins en moins d'intérêt au fur et à mesure de ma lecture.

Et lorsque les analyses « psychologiques » relèvent du lieu commun comme par exemple :

« Evidemment, le fait que sa vie sexuelle et sa vie domestique devaient appartenir à deux domaines différents l'attristait, mais il était assez âgé maintenant pour savoir que toute relation comprenait des éléments d'insatisfaction et déception, des dimensions qu'il fallait chercher ailleurs »

ou
« - Bien sûr que ton père t'aime Mal. Evidemment. Tous les parents adorent leurs enfants. »

j'avoue que cela me donnait envie de ricaner méchamment. Et ce sont censés être des garçons particulièrement brillants sur tous les plans qui font ces réflexions.

Il vaut mieux m'arrêter là, je crois que j'ai déjà été suffisamment négative sur ce livre, qui semble avoir suscité par ailleurs pas mal de commentaires élogieux. Faites-vous votre propre opinion.
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