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Critique de Presence


Il s'agit du premier tome d'une série consacrée à un nouveau superhéros. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement parus en 206/2017, écrits par Gene Luen Yang, dessinés par Viktor Bogdanovic, encrés par Richard Friend, avec une mise en couleurs réalisée par le studio Hi-Fi.

L'histoire se déroule à Shanghai, au temps présent. Kong Kenan, un lycéen, est en train d'harceler Luo Lixin (un camarade de classe) pour finir par se faire remettre sa boisson et son repas. Lixin réussit à s'enfuir, mais il se fait enlever par un supercriminel appelé Blue Condor. Kong Kenan le rattrape juste à temps et réussit à déstabiliser Blue Condor en lui lançant une cannette au visage. Luo Lixin arrive encore un fois à s'enfuir, Blue Condor s'en va sans demander son reste, et Kong Kenan est interviewé par Laney Lan, une jeune reporter pour Primetime Shanghai. La vidéo étant diffusé immédiatement sur internet, Kenan est repéré par une mystérieuse docteure Omen.

Kong Kenan se rend au garage où travaille son père pour Iui annoncer que Laney Lan souhaite également l'interviewer. Kong Zhongdan, son père, lui répond qu'il ne souhaite pas se prêter au jeu et qu'il est assez déçu par son fils. Il lui indique en outre que le groupe de lecture dont il fait partie, a enfin réuni des preuves concrètes à charge contre le Ministère de l'Autosuffisance. Déstabilisé, Kong Kenan va se recueillir sur la tombe de sa mère où il est abordé par la docteure Omen qui lui propose de recevoir des superpouvoirs identiques à ceux de Superman, pour le compte du Ministère de l'Autosuffisance. Kenan accepte et il rencontre rapidement Bat-Man (Wang Baixi) et Wonder-Woman (Peng Deilan). À eux trois, ils vont former la Ligue de Justice de Chine.

En voyant apparaître ce titre dans le cadre de l'opération Rebirth (2016) de DC Comics, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre. Il repère le nom du scénariste : Gene Luen Yang, ayant déjà écrit quelques épisodes de Superman (Clark Kent), à partir de Superman Vol. 1: Before Truth. Cet auteur a également évoqué la condition de chinois aux États-Unis dans 2 comics : American born Chinese et The Shadow Hero (avec Sonny Liu). Il découvre qu'il s'agit d'une série présentant les débuts d'un tout nouveau personnage, sa première apparition avec le début de son récit d'origine. le scénariste fait référence à l'univers partagé DC, au travers de la trinité Superman, Wonder Woman et Batman. Il les transpose avec un petit sourire en coin comme l'indique le titre : fabriqué en Chine. du coup, leurs contreparties ont repris les mêmes noms de code, mais avec un tiret au milieu, pour les distinguer. La docteure Omen ne s'en cache pas : elle a pris pour modèle la Justice League américaine et elle en développe une réplique fabriquée en Chine.

Dans le premier épisode, le lecteur découvre un jeune homme pas forcément encore adulte, qui abuse de sa force pour racketter un de ses camarades de classe, qui recherche la célébrité et dont la durée d'attention est limitée. Malgré tout, il reste sympathique, car il souhaite accomplir de grandes choses avec ses pouvoirs pour le bien commun, et il a un petit côté charmeur. En outre, les personnes qu'il côtoie ont l'art et la manière de lui rabattre son caquet, à commencer par son père, mais aussi Bat-Man et Wonder-Woman, la docteure Omen, et même Mingming, l'assistante de la docteure Omen. de ce fait sa vantardise sert régulièrement de ressort comique, et ne le rend pas insupportable. le lecteur découvre qu'il a développé sa personnalité de cette manière comme un mécanisme psychologique pour supporter la mort et l'absence de sa mère. Au cours de ce premier tome, 2 autres personnages bénéficient d'un peu de développement de leur caractère. le lecteur découvre l'histoire personnelle du père de Kong Kenan, et le drame au coeur de leur famille. Même si le récit reste un peu à la surface des choses, il utilise quand même des particularités comme l'engagement politique et le refus d'une obéissance aveugle. le deuxième personnage disposant d'un peu de personnalité est Bat-Man. Wang Baixi prend son rôle au premier degré, et se montre aussi sérieux que son modèle américain, aussi minutieux dans ses préparatifs, aussi ingénieux dans les affrontements. C'est bien évidemment la source d'un comique de situation par comparaison avec le comportement plus dilettante de Super-Man. Mais cela transcrit aussi le caractère de Wang Baixi.

Viktor Bogdanovic est un jeune dessinateur qui s'est fait connaître en dessinant plusieurs épisodes de Batman: Arkham Knight. de prime abord ses dessins font apparaître une petite influence Billy Tan, avec une très vague réminiscence de Marc Silvestri. Il détoure avec précision chaque élément, personnage ou décor, avec un trait assez fin. Il utilise les aplats de noir avec parcimonie, essentiellement pour les ombres portées, quelques personnages en ombre chinoise, et les zones de couleur noire, comme la cape de New Super-Man ou la cagoule de Bat-Man. Ce mode de dessin s'inscrit dans celui des comics de superhéros traditionnel. Il permet au lecteur de regarder des personnages visuellement bien définis. Les expressions des visages sont en phase avec les situations, elles manquent parfois un peu de nuance. Les civils disposent de morphologies normales, les superhéros et les supercriminels ont des musculatures volumineuses et dessinées, sauf les 3 membres de la Ligue de Justice de Chine. Super-Man est athlétique mais assez mince, comme un adolescent n'ayant pas fini sa croissance. Wonder-Woman est filiforme, et le dessinateur évite de mettre en avant ses fesses ou sa poitrine. Bat-Man a une silhouette massive, avec des zones de graisse, ce qui fait que Super-Man se moque régulièrement de lui. Par contraste, les supercriminels et les membres de l'équipe Great Ten sont plus musculeux. Bogdanovic sait utiliser les angles de vue exagérés pour plus de force aux impacts, et pour rendre les scènes d'affrontement physique plus spectaculaire.

L'artiste doit donc montrer au lecteur que la série se déroule bien en Chine, et plus particulièrement à Shanghai. Il évite le lieu commun des yeux bridés et représente des tenues vestimentaires ordinaires et banales, attestant de la mondialisation en matière de vêtements. C'est plus l'absence de blondes et d'individus d'autres races qui indique que le récit ne se déroule pas aux États-Unis. le lecteur ressent que le récit se déroule à Shanghai quand il aperçoit des panneaux en mandarin, ou quand il remarque quelques constructions spécifiques de cette ville. Tout au long de ces 6 épisodes, il constate que Viktor Bogdanovic intègre un niveau de détails plus important que dans un comics de superhéros moyen. Il apprécie quelques moments plus spectaculaires comme la première manifestation des superpouvoirs de Super-Man, l'apparition soudaine d'une hydre avec de nombreuses têtes, l'utilisation des pouvoirs d'un individu capable de transformer son corps en papier, l'hommage à la couverture d'Action Comics 1.

Le lecteur s'immerge donc dans une histoire de superhéros bénéficiant d'une mise en images classique et soignée, toute orientée vers la narration visuelle plutôt que l'esbroufe. le scénariste a fort à faire puisqu'il doit présenter un nouveau superhéros, raconter ses origines, mettre en avant ce qui le distingue de tous les autres, et raconter une histoire avec une intrigue solide. La phase des origines est rapidement traitée par le biais d'un processus biologique artificiel pris pour argent comptant, sans détail sur sa conception. New Super-Man est opérationnel dès la fin du premier épisode, même s'il lui reste à apprendre à se servir de ses pouvoirs. Yang établit le lien avec l'univers partagé DC par le principe de décalque des 3 plus grands superhéros DC, et il évoque l'existence de l'autre équipe de superhéros chinoise Great Ten qui apparaît le temps de quelques pages : Accomplished Perfect Physician, August General in Iron, Celestial Archer, Ghost Fox Killer, Immortal Man in Darkness, Mother of Champions, Seven Deadly Brothers, Shaolin Robot, Socialist Red Guardsman, Thundermind.

Le coeur de l'intrigue réside dans une rébellion fomentée par des individus dotés de superpouvoirs, menés par Flying Dragon General. Gene Luen Yang établit clairement les camps des bons (Super-Man, Bat-Man et Wonder-Woman) et des méchants (les rebelles), mais brouille aussi les cartes car la Ligue de Justice de Chine travaille pour une branche du gouvernement à l'objectif peu clair, et les rebelles sont peut-être fondés de remettre en cause un ordre établi peu démocratique. En outre cette opposition entre les 2 factions implique Kong Kenan pour des raisons très personnelles ayant trait à sa famille. Il ne s'agit donc pas simplement d'un affrontement entre 2 organisations secrètes interchangeables, mais d'une opposition ambiguë trouvant son origine pour partie dans l'histoire personnelle du personnage principal.

Ce premier tome propose de découvrir un nouveau superhéros, dans une aventure classique, avec des dessins de bon niveau, sans prétention artistique. Gene Luen Yang a conçu une intrigue un peu moins manichéenne que les origines traditionnelles de superhéros, avec des zones d'ombre, et un personnage principal pas vraiment altruiste, mais très agréable à côtoyer. 4 étoiles, du fait d'un classicisme un peu trop sage, en espérant que la suite sera au moins du même niveau.
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