C'est le deuxième album de Spirou et Fantasio plaçant l'aventure à Bruxelles pendant la seconde guerre mondiale, difficile de passer après le formidable “Journal d'un ingénu” d'
Emile Bravo. Dans cette aventure, le ton est un peu plus burlesque que dans le précédent. Il y a sans doute moins d'émotion contenue et plus d'héroïsme, mais cela n'empêche cette aventure d'être poignante et captivante. Je trouve cet album plutôt réussi.
Oliver Schwarz est un adepte de la ligne claire, le trait est rétro, de nombreux clins d'oeils sont éparpillés dans l'aventure, apportant une pointe d'humour supplémentaire. C'est parsemé de références historiques réelles, de clins d'oeil à la culture belge avec des personnages non fictifs, Andrée de Jongh, Violette Morris,
Jean Doisy (ici résistant, directeur de publication du journal Spirou de 1938 à 1955))
Raymond Leblanc (résistant, dans la bande dessinée et dans la réalité, fondateur des éditions du Lombard et artisan de la réhabilitation d'
Hergé)… On y retrouve le showbiz, l'actualité et la bande dessinée de l'époque, l'anecdote du pilote belge de la RAF mitraillant le siège de la Gestapo est un fait réel,
Hergé feuillette un livre sur une brocante, un étrange trafic de marché noir se déroule dans une cave avec trois individus qui ressemblent à
Louis de Funès, Bourvil et
Jean Gabin. C'est aussi l'occasion de réfléchir sur le travail d'
Hergé dans ces années, sa participation à un journal collaborationniste, et la publication du Trésor de Rackham le Rouge. J'ai particulièrement ri à l'évocation du professeur Tournesol, on y rencontre aussi Quick et Flupke, Ivan Ivanovitch Sakharine, le collectionneur du Secret de la Licorne, j'ai cru y voir Jo et Zette et quelques personnages furtifs des albums de Tintin, et beaucoup d'autres encore liés à l'univers de la bande dessinée, Tif et Tondu,
Roba… C'est comme un jeu de dénicher toutes ces références, je suis sûr qu'il m'en reste encore beaucoup à découvrir. Sur une place, il y a même une statue de
Franquin. Deux personnages des premières aventures de Spirou et Fantasio par
Franquin, Poildur, le voyou, et Samovar le savant fou y jouent un rôle prépondérant et paradoxalement, tout en conservant leurs caractères, ces deux personnages évoluent du côté des gentils. J'ai trouvé cette idée surprenante et assez réjouissante.
Et c'est justement de ce point de vue que cette aventure est très réussie. Elle est rocambolesque, burlesque, et rythmée, mais elle laisse derrière son aspect divertissant, une réflexion intelligente sur la nature de l'héroïsme à travers le sujet délicat de la collaboration et de la résistance. À l'arrivée, on s'est bien divertit, bien amusé et pourtant l'innocence du lecteur a été un peu secouée avec celle de nos héros.