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Critique de Arakasi


Amateurs d'Happy Endings et de tendres histoires d'amour s'abstenir : le très grinçant roman « La fenêtre panoramique » de Richard Yates (adapté très brillamment au cinéma, il y a quelques années, sous le titre « Les noces rebelles ») n'est pas pour vous. Tout commence pourtant de la façon le plus classique du monde par un coup de foudre entre Franck Wheeler, jeune homme plein d'entrain au brillant avenir professionnel, et April, belle jeune femme cultivée. Ils s'aiment, ils s'admirent, ils sont chacun « l'être le plus intéressant » que l'autre ait jamais rencontré. Touchante illusion mais que quelques années de mariage et deux enfants plus ou moins accidentels ne tardent pas à ternir...

Huit ans plus tard, les Wheeler sont toujours un couple charmant, installé en banlieue new-yorkaise dans une coquette petite maison et grandement apprécié de leurs voisins, mais le ver s'est insinué dans la pomme. Dissimulés derrière les murs de leur joli foyer et leurs murailles de faux-semblants, les Wheeler se déchirent, ponctuant leur vie conjugale de disputes de plus en plus violentes : April méprise Franck et Franck craint April. Dans un ultime effort pour sauver leur mariage et se prouver l'un à l'autre qu'ils sont toujours les êtres exceptionnels qu'ils pensaient être huit ans plus tôt, ils prennent une décision aventureuse : quitter l'Amérique et partir en France, terre de culture et de civilisation (oulah !) où leurs potentialités pourront enfin s'épanouir. Mais, comme disait l'autre, il y a loin de la coupe aux lèvres et, loin de stabiliser les choses, ce projet hasardeux va jouer le rôle d'événement déclencheur, précipitant la crise.

Avec « la fenêtre panoramique », Richard Yates réussit l'exploit de livrer un roman à la fois profondément dérangeant et curieusement touchant. Dérangeant car il offre une image du couple bien éloignée de celle des romances habituelles : une relation fondée sur le mépris mutuelle, la passion des apparences et du conformisme (si notre vie n'est pas un conte de fée, elle ne vaut pas la peine d'être vécue…) et la peur névrotique de la solitude. Mais touchant également, car si Franck et April rivalisent souvent de puérilité et d'aveuglement – même si Franck remporte à plusieurs reprises la palme de la médiocrité, à mon avis – ils n'ont restent pas moins très humains : ils nous répugnent un peu, nous dérangent, mais nous les comprenons tout de même. Dans leurs faiblesses, leurs petites veuleries, leurs craintes infantiles, il y a un peu de nous. Un roman fort, triste et vrai que l'on referme avec au coeur une pointe de pitié glacée et de crainte : prions le ciel de ne jamais être comme eux…
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